« Rétablir une relation d'amour » - France Catholique
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« Rétablir une relation d’amour »

Sacrement par excellence du temps de Carême, la confession réconcilie le croyant avec Dieu. Le Père Thomas Poussier est recteur du séminaire diocésain d’Aix-en-Provence et auteur du Secret de confession (éd. Salvator).
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© Pascal Deloche / Godong

Le sacrement de la réconciliation est selon vous une « Pâque »… C’est-à-dire ? Père Thomas Poussier : Il faut se saisir de la parabole du fils prodigue, évoquée dans l’Évangile selon saint Luc. Ayant demandé son héritage en avance, le fils prodigue quitte le foyer de son père et part dilapider son argent « en menant une vie de désordre » (Lc 15, 13). Commence alors pour lui une dégringolade, qui se conclut dans la fange, où il finit par « garder des porcs » (15, 15). Mais le fils se ressaisit et se dit : « Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi » (15, 18). À ce moment-là, débute pour lui un mouvement ascensionnel qui le conduit donc vers son père. Ce dernier l’accueille, lui donne une bague, le recouvre d’un manteau et fait préparer un festin. C’est cela, la Pâque : un ensevelissement pour mieux ressusciter. C’est ce que le Christ traverse après sa mort : il est mis au tombeau puis ressuscite. Ou encore ce qu’a vécu le peuple hébreu quand il est descendu au fond de la mer Rouge avant de ressortir vers la Terre promise. Se confesser procède du même mouvement : reconnaître que nous avons péché, c’est-à-dire s’abaisser, reconnaître qu’on a trop été complices des ténèbres et demander à Dieu de nous tirer vers la lumière. « Pâque » veut dire passage. Dans ce qui nous apparaît comme l’impasse de notre péché, le Seigneur ouvre une brèche, comme il a ouvert la mer Rouge et comme s’est ouvert son tombeau. La Pâque intérieure, c’est ce mouvement par lequel, dans la confession, le péché est détruit et le salut accordé à celui qui reçoit le sacrement. Le Carême est le creuset par excellence de ce temps de réconciliation avec Dieu. À qui nous confessons-nous : à Dieu ou au prêtre ? Tout sacrement est une rencontre avec Dieu, qui a voulu médiatiser cette rencontre : nous recevons le baptême d’un ministre de l’Église, tout comme nous recevons l’Eucharistie d’un ministre de l’Église. Pour le pardon, Dieu a voulu que cette relation se fasse au plan humain, pour nous aider à bien faire le lien entre l’amour de Dieu et l’amour des hommes. Il y a donc un double mouvement, qui illustre d’ailleurs ce qu’est l’Église : d’une part, le prêtre est le témoin de l’Église, c’est-à-dire le témoin du corps du Christ qui a pu être blessé par les péchés qu’on a pu commettre et, en même temps, c’est celui qui, au nom de Dieu, va pouvoir donner ce pardon. La présence du prêtre rappelle à la fois au pénitent qu’il se confesse à Dieu et en même temps qu’il est membre de l’Église. Dans les Écritures, on lit que Dieu est présent dans le secret… Pourquoi confesser à voix haute ce qu’il sait déjà ? En effet, que ce soit chez Jérémie dans l’Ancien Testament, où le Seigneur dit : « Avant même de te façonner dans le sein de ta mère, je te connaissais » (Jr 1, 5), ou encore chez Paul dans son épître aux Galates, lorsqu’il déclare : « Mais Dieu m’avait mis à part dès le sein de ma mère ; dans sa grâce, il m’a appelé » (Ga 1, 15), il y a cette idée de la présence de Dieu au plus secret. Pour autant, cette présence n’est pas de l’ordre d’une violence ou d’une intrusion dans le cœur et dans la vie de l’homme, mais d’une proximité. L’homme pécheur est justement celui qui reconnaît que Dieu était en son cœur, mais qui a refusé de le laisser s’approcher en instaurant avec lui une distance, qui est celle du péché. On peut certes demander à Dieu pardon dans son cœur – c’est ce que l’on fait au début de la messe, par exemple quand on dit « Je confesse à Dieu » –, mais le sacrement de réconciliation met l’accent sur l’extériorisation, car prendre la parole pour dire ses péchés permet de les objectiver et de les confier à Dieu afin de lui dire : « Seigneur, je ne pourrai par moi-même enlever ces péchés de mon cœur ; mais par ta présence au plus secret de moi, je serai guéri. » Cette présence de Dieu dans le secret de notre cœur relève de l’amour que Dieu a pour nous. L’amour est un dialogue. Par le péché, nous perdons notre capacité à parler à Dieu. Par la confession et le fait de reconnaître humblement, à voix haute, les fautes que nous avons pu commettre ou le bien que nous n’avons pas commis, nous nous rendons à nouveau capables d’être dans cette relation d’amour avec Dieu. La miséricorde absolue nécessite-t-elle le secret absolu ? Il y a, dans la parabole du fils prodigue, une image très forte : celle du père qui recouvre son fils de son manteau. Ce geste reflète la dimension surabondante de l’amour de Dieu. Il est une image du secret de la confession. Dieu veut absolument cette relation très intime avec nous, mais il ne veut pas que ce soit au vu de tous. C’est ce que l’on voit avec Jésus quand il dialogue avec la Samaritaine : il lui pose des questions sur sa vie et sur son passé alors que « ses disciples étaient partis à la ville pour acheter des provisions » (Jn 4, 8). Il fait de même avec la femme adultère : le Christ fait fuir la foule et ce n’est qu’une fois qu’il est en tête-à-tête avec elle qu’il lui parle de son péché et la pardonne. Le secret de la confession recouvre cette rencontre si particulière, si intime. Si douloureuse aussi, parce que le péché ou la honte nous font mal. Dieu a fait en sorte que ce secret absolu permette d’embrasser le chemin de la miséricorde. Vous expliquez que la confession dans le secret est une image de la chasteté divine… La chasteté est la juste distance établie entre deux êtres. Cela vaut aussi bien dans les relations humaines, qu’avec Dieu. Si Dieu veut se faire le plus proche de l’homme, il ne le fera jamais sans respecter notre liberté, tout comme il ne violentera pas notre conscience. Le secret de la confession est la manifestation de cette délicatesse et de l’importance que Dieu accorde à sa relation avec nous. De la même façon qu’un enfant qui confie un secret à ses parents attend que celui-ci soit gardé – quelle que soit l’importance du secret –, nous attendons de Dieu qu’il ne partage pas le secret que nous lui confions en le confessant. Ces derniers mois, cet absolu du secret a été remis en cause. En cas de crime extrêmement grave, faudrait-il révéler à la justice la teneur de la confession ? La confession est un moment privilégié pour l’homme pour vivre la relation avec Dieu. Mais il faut rappeler que ce n’est pas le seul lieu dans lequel un homme peut parler ! Si une personne trouve la force de reconnaître des actes graves en confession, de surcroît lorsqu’il s’agit d’un crime, cela veut dire qu’il y a une dynamique de dévoilement en cours. Et donc une possibilité que cette personne avoue ses actes hors du cadre de la confession, permettant à la justice de faire son œuvre. La confession ne sera donc pas le seul moment, la seule ouverture. Il faut absolument accompagner, en confession, cette libération de la parole. Faut-il conditionner l’absolution de certains péchés à leur aveu par le pénitent devant la justice ? Ce n’est pas la manière de faire du Christ. Quand il voit la femme adultère, il prononce cette parole saisissante : « Va et ne pèche plus » (Jn 8, 11). Il ne lui accorde pas son pardon quelques années plus tard, après avoir constaté qu’elle ne péchait plus ! Le pardon de Dieu est un acte d’espérance : à chaque confession, le Seigneur nous adresse les mêmes mots qu’à la femme adultère. Une absolution sous condition ne serait pas conforme à l’amour de Dieu pour les hommes, qui est inconditionnel. La seule condition qu’il impose, c’est notre bonne volonté à le suivre et notre liberté. À chaque fois qu’on va se confesser, on sait que d’autres péchés vont survenir ! Pourtant, cela n’empêche pas d’une part la ferme détermination à ne plus pécher à ce moment-là, cette envie d’être tout à Dieu. Et, cela n’empêche pas non plus Dieu de donner pleinement son pardon, pour justement nous aider à moins pécher et à mieux aimer. Ce qui est nécessaire pour que le pardon soit accordé, c’est qu’il y ait une contrition, c’est-à-dire le regret des actes posés. C’est la seule condition que demande l’Église : non pas un regret idéalisé, parfait et total, mais tout du moins un regret qui soit une brèche par laquelle le pardon va pouvoir venir rejoindre la personne. C’est là-dessus que le prêtre doit être vigilant, même si la contrition est supposée si quelqu’un vient se confesser. Que dites-vous à ceux qui ont peur d’aller se confesser, car ils n’y sont pas allés depuis des années et auraient « trop » à dire ? Les bras de Dieu seront toujours plus grands ouverts que tous les péchés que la personne pourrait présenter à Dieu. On ne va pas déborder l’amour de Dieu par l’abondance des péchés à lui confier ! Au contraire, c’est lui qui surabonde par sa grâce, son amour et son pardon. La question que Dieu pose à quelqu’un qui veut se confesser et, de surcroît, à quelqu’un qui hésite après de nombreuses années passées loin de ce sacrement, c’est : « Veux-tu mieux vivre ? » Si l’on veut mieux vivre, il faut se couper du péché, du mal, et de tout ce qui est de l’ordre de la mort. En somme, avec la confession, ce que Dieu nous dit, c’est : « Laisse-moi te donner ma vie et tu vivras. »
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Le secret de confession
Le secret de confession
Le secret de confession, Thomas Poussier, éd. Salvator, 2021, 192 pages, 19 €.