La publication récente d’une interview du pape François par le père Antonio Spadaro, s.j., a causé une grande anxiété et inquiétude parmi un groupe de ces catholiques qui sont déjà désapprouvés et même rejetés par quelques hommes d’Eglise – ces catholiques qui préfèrent assister à la messe tridentine en latin, qu’on désigne maintenant sous le nom de « forme extraordinaire » (FE) du rite romain.
Le pape François a dit au père Spadaro :
« Le pape Benoît a accompli un geste juste et généreux pensant à la mentalité de certains groupes et de certaines personnes nostalgiques, qui se tiennent à distance. Mais c’est une exception. C’est pourquoi on parle de « rite extraordinaire ». Le rite ordinaire dans l’Eglise, ce n’est pas cela. Il est nécessaire de traiter avec générosité ceux qui sont attachés à une certaine forme de prière. Mais le rite ordinaire, ce n’est pas cela. Vatican II et Sacrosanctum Concilium doivent continuer tels qu’ils sont. Parler d’une « réforme de la réforme » est une erreur.
Quelques observations : parler de mentalité, c’est stigmatiser ceux qui vivent et aiment les valeurs du culte traditionnel de l’Eglise en les traitant comme s’ils demeuraient bloqués dans une manière de penser irréfléchie, fixe. Nous apprenons aux enfants l’importance de travailler dur à l’école pour acquérir la connaissance, des habitudes de pensée indépendante et de bons critères de jugement. Nous ne leur disons pas d’étudier dur pour acquérir une mentalité qui peut être décrite comme une manière de penser bornée, inconséquente et tout simplement franchement erronée.
Vivre sa vie fixé dans une mentalité signifie qu’on a manqué de vraie ouverture. Les mentalités sont des obstacles, non des véhicules, à une plus juste appréciation de la vérité, de la beauté, et de la bonté. Se fixer dans une mentalité est souvent le résultat d’un refus positif de voir la réalité plus large par peur de ce qu’on pourrait découvrir. C’est la pitié et non l’éloge qui est la bienvenue quand on a affaire avec des gens qui ont cette mentalité.
Le pape François a aussi parlé des « personnes qui ont une nostalgie » de la messe FE. Qu’est-ce que la nostalgie ? Je comprends cela comme un attachement sentimental et essentiellement déraisonnable au passé. Ce peut être une réminiscence sans gravité (« Quand les Dodgers jouaient à l’Ebbet field à Brooklyn… »), mais quand cela implique de reproduire aujourd’hui ce qui est arrivé dans le passé, ce peut-être une pulsion psychologiquement destructive.
La nostalgie est-elle ce qui motive ces vieux catholiques qui aiment entendre la messe FE ? Certainement pas, si mon expérience n’est pas différente de celle d’autres prêtres qui offrent la messe FE quand les fidèles les y invitent. Ces catholiques, jeunes et vieux, recherchent non pas de vivre dans le passé, mais d’éprouver la sainteté du Christ vivant dans le culte de son Eglise consacré par le temps.
Mentalité et nostalgie sont des mots chargés qui transfèrent la discussion du royaume de l’examen intellectuel au royaume de l’analyse psychologique. La question n’est pas « Qu’est-ce que ces catholiques trouvent d’attirant et d’inspirant dans la messe FE ? », mais plutôt « Qu’est-ce qui n’a pas marché dans la vie de ces catholiques qui sont attachées à la FE et ne trouve pas suffisante la forme ordinaire ? »
Le père Spadaro a continué en demandant au pape François : « En dehors de ceux qui sont sincères et demandent cette possibilité par habitude de dévotion, ce désir peut-il exprimer quelque chose d’autre ? Y a-t-il des dangers ? »
Le pape François a répondu :
« Je me pose la question. Par exemple je cherche toujours à comprendre ce qu’il y a derrière ces personnes qui sont trop jeunes pour avoir vécu la liturgie préconciliaire, et qui la désirent néanmoins. Je me suis trouvé moi-même parfois en face de gens qui sont trop rigides, une attitude de rigidité. Et je me demande : d’où vient tant de rigidité ? Vous creusez, vous creusez, cette rigidité cache toujours quelque chose : sentiment d’insécurité, parfois quelque chose d’autre… La rigidité est défensive. L’amour vrai n’est pas rigide. »
Cette façon radicale de psychologiser indique que le Pape ne voit pas de motivations raisonnables chez ceux qui veulent assister à la messe FE. Les jeunes ne peuvent être nostalgiques, puisqu’ils n’ont pas grandi avec la messe FE. Plutôt, ils ont une attitude « défensive » de « rigidité » qui cache leur « sentiment d’insécurité » ou « peut-être « quelque chose d’autre ». Qu’est-ce que cela signifie ?
La rigidité est une déficience psychologique, un refus non raisonnable, sinon une incapacité complète, à changer ses perspectives ou son comportement. François dit que c’est « toujours » un masque du sentiment d’insécurité ou « parfois quelque chose d’autre », que je comprends comme quelque chose de pire que le simple sentiment d’insécurité.
Dans les dernières cinquante années, « la rigidité » a été un mot codé utilisé pour dénigrer les catholiques conservateurs qui attachent une très grande valeur au patrimoine spirituel de l’Eglise.
Plus tôt le pape François avait dit : « Il est nécessaire de traiter avec générosité ceux qui sont attachés à une certaine forme de prière ». Pourtant cet esprit est absent de ses remarques quand il caractérise l’attachement à la FE.
C’est vraiment une caricature. Cela montre une propension à trouver des déficiences psychologiques ou un déséquilibre comme causes de cet intérêt chez les jeunes autant que chez les vieux. Cette forme d’argument libère de la nécessité de s’engager dans une analyse objective des raisons pour lesquelles une personne jeune (ou âgée) pourrait être attirée vers la forme éternelle du culte de l’Eglise plutôt que celui de la messe réformée, telle qu’elle a été expérimentée dans beaucoup de paroisses.
Quant à ce que dit le pape François que « parler de réforme de la réforme est une erreur », c’est quelque chose qui a été largement débattu et, d’une certaine façon, déjà mis à exécution (ex, la 3e édition du Missel romain et sa nouvelle traduction en anglais) précisément parce que, comme le pape François l’a dit au père Spadaro « Vatican II et le Sacrosanctum Concilium doivent continuer tels qu’ils sont. »
Réformer la réforme est tenter à la fois de réaliser les réformes de la messe que les pères conciliaires ont votées quand ils ont approuvé Sacrosanctum Concilium, et, quand il le fallait, de défaire les innovations et les ajouts auxquels ils n’avaient jamais pensé, et qui furent introduits dans le Missel romain ou devinrent la pratique standard avec le nouveau Missel.
Ceux qui aiment la messe FE sont des catholiques sérieux, sains, qui cherchent Dieu dans la beauté d’un culte sublime. Ils méritent une écoute sympathique de leurs pasteurs.
18 novembre 2016
Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/11/18/respecting-traditional-catholics/
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