A l’occasion de la journée mondiale des vocations, la nécessité d’appeler des jeunes à une vocation sacerdotale ou religieuse est largement relayée, commentée, et mise en œuvre de différentes manières par l’Eglise. Certes il y a urgence : dans notre pays, un prêtre est ordonné pour plus de dix prêtres qui décèdent ! Face à cette situation, les appels vocationnels directs se multiplient et s’intensifient à nouveau depuis quelques années de la part de nombre de prêtres ou d’évêques ; pourtant, hormis quelques diocèses très particuliers (qui ont tiré les vrais leçons de la crise des vocations depuis 40 ans), cette relance insistante porte très peu de fruits, la courbe ne s’inverse pas et le nombre de séminaristes reste en France très insuffisant pour répondre aux défis à venir.
Pourtant, un certain flux de vocations provient de quelques groupes ecclésiaux bien identifiés : le scoutisme d’Europe ; des mouvements, groupes de prière et communautés charismatiques ; des communautés religieuses nouvelles (St Martin, St Jean,…) et certaines anciennes qui se sont renouvelées. Les nouveaux mouvements ou communautés constituent depuis 10 ou 15 ans la majorité de la pépinière vocationnelle en France : ne faut-il pas alors en tirer enfin des enseignements pour réviser la pastorale des jeunes et des vocations dans les diocèses, afin qu’elle porte – enfin – des fruits bien plus abondants et tant attendus ? La méthode utilisée jusqu’alors n’est-elle pas finalement contre-productive ? Si on continue dans les pratiques actuelles, ne risque-t-on pas finalement d’accentuer encore l’inquiétude, voire le défaitisme des pasteurs et du peuple de Dieu ? Ne serait-il pas temps de prendre davantage conscience qu’il est peut-être opportun d’aborder autrement cette question si délicate ?
Jean-Paul II parlait de ces nouvelles réalités comme d’un « signe d’espérance pour le bien de l’Eglise et des hommes » tandis que pour Benoit XVI, elles « représentent aujourd’hui le signe lumineux de la beauté du Christ et de l’Eglise ». Y compris en terme vocationnel ! En effet, au-delà de la diversité extrême de leurs origines et de leurs charismes, ce qui émerge de ces réalités sur la question des vocations, est bien souvent l’absence de précipitation ou d’appel insistant sur telle ou telle voie, sur tel ou tel ministère : l’appel de Dieu est orienté prioritairement vers la rencontre personnelle du Christ, la croissance de la vie dans l’Esprit-Saint. Elles seules permettent de goûter une vie résolument nouvelle, dans ce sens qu’elle prend alors une saveur incomparable. Cette conviction, cette priorité est ancrée dans une juste vision du baptême qui porte en lui cet appel universel à connaître le Christ, à L’aimer et à Le choisir, et ce pour le plus grand des bonheurs.
L’approche avant tout baptismale des vocations auprès des jeunes est assise sur la découverte de la vraie vie baptismale, distinguant ainsi clairement 2 étapes dans un processus et un épanouissement vocationnel : en raison du baptême, cheminer tout d’abord vers le choix central du Christ à qui on décide de donner toute sa vie, quelque soit son mode ou son état de vie de vie futur ; puis discerner pas à pas et choisir telle ou telle voie liée à un cheminement intérieur, un caractère, un appel, des circonstances, une spiritualité ou à un ministère particulier. A contrario, à trop lier systématiquement appel du Christ et célibat consacré, à trop vouloir associer rapidement discernement vocationnel avec propédeutique presbytérale pour des hommes ou noviciat pour des jeunes femmes, on conduit souvent nombre de jeunes, soit à précipiter les étapes d’appel et donc à fausser leur discernement (et parfois même à gâcher un processus vocationnel), soit pour un certain nombre à redouter ou fuir l’appel du Christ, à les décourager, à fermer trop tôt la porte.
L’Eglise en France et ailleurs a autant besoin pour sa mission de baptisés mariés qui consacrent leur amour et leur vie au Christ, que de religieux, de moines, de laïcs consacrés et de prêtres séculiers et réguliers. L’Eglise, pour résumer, a besoin avant tout de sainteté : vocations et ministères naissent « par surcroît » de ce seul terreau ! D’où le succès en France et ailleurs – dans le processus vocationnel – des écoles de vie baptismale ou d’évangélisation (liées à des diocèses, des prédicateurs, des communautés) et des engagements de charité dans la prière et la vie fraternelle (tiers-monde, handicapés, exclus, …) où, jeunes adultes, garçons et filles vivent ensemble une ou deux années de foi, de charité, de formation, de prière, de mission ou d’évangélisation. Alors, une grande part de ces jeunes y murit peu à peu leur appel et s’oriente tôt ou tard, soit vers le célibat consacré – sacerdoce, vie religieuse ou monastique – soit vers le mariage ancré dans le Christ pour la vie.
Nos pasteurs ne doivent pas craindre de suivre la voie tracée par Jean-Paul II : il n’a jamais ni orienté, ni manipulé, ni pressé les jeunes sur telle ou telle voie : tout était centré sur « Viens, et suis-moi ! » de Jésus-Christ adressé à chaque baptisé. Benoît XVI a également relayé ce message à l’adresse directe des jeunes, comme aux dernières JMJ de Madrid, parlant du choix de consécrations de vie au Christ, que ce soit dans le mariage ou le célibat.
Alors de grâce, chers pasteurs, prêtres et évêques : centrez bien davantage vos appels vocationnels urbi et orbi, vers le baptême, vers la sainteté, vers la reconnaissance de la beauté, de la richesse et de la complémentarité des différentes vocations possibles ; donnez-leur du temps, ne précipitez pas le temps et l’heure. Développez donc bien davantage dans vos diocèses ou dans vos régions des « propédeutiques baptismales » ouvertes à tous les jeunes, garçons et filles, ouvertes à toutes les vocations, et vous verrez : le Seigneur donnera en abondance, et « par surcroît », les prêtres, les religieux et les mariés dont nos diocèses ont besoin !