Régis Debray contre Voltaire - France Catholique
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Régis Debray contre Voltaire

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Parfois il est intéressant d’écouter un ton différent, détonnant, qui contredit le bien-penser du moment. À ceux qui ont besoin de rompre, ne serait-ce qu’un instant, le ronron médiatique environnant, je conseillerais de lire l’entretien de Régis Debray réalisé par Franz-Olivier Giesbert et Valérie Toranian à propos de la voltairomania qui sévit actuellement dans notre pays. C’est dans le dernier numéro de La revue des deux Mondes. Je ne dis pas qu’ils seront pleinement satisfaits. Il pourront être éventuellement irrités. Du moins pourront-ils réfléchir utilement à partir de la remise en question de quelques pseudo-évidences. Exemple : Régis Debray explique que l’Europe actuelle, c’est un doux despotisme technocratique : « Mais ça ne marche pas. Et ça marchera de moins en moins. Voltaire est un homme d’esprit, et personne n’a eu autant d’esprit que lui, mais il n’a pas d’âme. Or nous allons vers un monde qui va de plus en plus avoir besoin d’âme. Saturé d’esprit et en manque de transcendance ou d’appartenance, Voltaire n’a pensé ni l’une, ni l’autre et il restera comme une belle image au mur, une icône – un médaillon plutôt, parce que tout est petit chez Voltaire. C’est l’homme de tout ce qui termine en “ette”, n’est-ce pas ? La gloriette, l’escarpolette, l’épinette, l’amourette… »

Ironie pour ironie, il arrive que le châtelain de Ferney trouve son maître. Sans doute à la grande fureur de ses admirateurs. Sollers, voltairien atypique parce que catholique baroque, protestera. Plus encore, André Glucksmann qui se découvre toutes les affinités avec Candide. Mais encore une fois, il est bon de se colleter avec l’adversaire, lorsqu’il vous sort des arguments désagréables. Prenez aussi l’analyse que Debray fait de la grande manif du 11 janvier, à rebours de tous les commentaires : « Quelque chose est apparu lors de la grande manif du 11 janvier de l’ordre de l’appartenance, du coude-à-coude, de la République, de la nation. » Assez drôle, encore ? Car la manif Je suis Charlie, se trouve ainsi métamorphosée en manif anti-Charlie, et les valeurs dites républicaines se retrouvent aussi transformées par l’effet d’une brutale alchimie. Bien sûr, il faudrait poursuivre la discussion avec Régis Debray, distinguer, approfondir. Mais il serait dommage, voire peu courageux de fuir son interpellation.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 7 avril 2015.