On a bien entendu parler ces derniers temps de la nécessaire intervention des laïcs et de leur collaboration dans la conduite des affaires de l’Église. Je suis tout-à-fait d’accord. De telles actions, en principe efficaces, sont utiles, voire nécessaires. Et merveilleusement Américaines dans leur objectif. Mais attention ! Elles risquent de cacher un problème plus grave : le malaise chronique sous-jacent dont souffre actuellement notre Église dans le pays ne sera certes pas facie à guérir rapidement ; il n’est pas question d’argent ni de problèmes de gestion interne au sein de l’Église. La question essentielle : le témoignage personnel de sainteté.
Les viols scandaleux des deux dernières décennies acccusent ces prêtres et évêques qui ont participé à la catastrophe. Leur comportement ne mérite aucune excuse. Mais les affaires de sexe sont loin d’être un monopole du clergé. Derrière nombre de tragédies dues au sexe se cachent de nombreuses affaires de comportement ambigu de laïcs Catholiques ordinaires.
Les laïcs Américains emploient le langage de la foi quand il convient — quand on éprouve le besoin de se rassurer sur la signification de souffrances, de défaillances, ou de la mort. Mais trop fréquemment nous ne soumettons pas vraiment nos choix quotidiens à notre foi, même dans le domaine public. Bien sûr, notre vocation essentielle de laïcs en est atteinte, appelés à être le levain de l’Évangile dans la pratique de la vie quotidienne.
Disons-le crûment, nous, Catholiques Américains, nous comportons bien plus en Américains dévots qu’en Catholiques dévots. En pratique, nous sommes des Protestants qui vont à la Messe plus ou moins régulièrement. Ce qui affecte non seulement notre témoignage mais aussi l’impression que peut donner la nature de l’Église.
On a bien raison de dire mater, mère, en parlant de l’Église. Malgré toutes les défaillances et autres accrocs de notre clergé comme de nous-mêmes, elle est bien notre mère. L’Église poursuit la mission de Jésus-Christ sur terre. Elle souffre pour le monde, pardonne, soigne, encourage, corrige et guide, telle une mère. Alors cessons de la considérer comme un organisme mais comme une personne, arrêtons de la prendre pour une grande entreprise religieuse ou un organisme socio-culturel et recommençons à l’écouter comme une mère ; son œuvre : changer et sanctifier le monde.
On ne peut aimer Jésus Christ sans s’adresser à Lui comme à un être vivant. Tout d’abord par le truchement de l’Église. Et on ne peut aimer et servir Son Église — et aider efficacement sa réforme — sans la prendre pour mère et enseignante. Ce peut être difficile pour des Américains car nous marchons sur deux types de chemins. La nature ecclésiale, individuelle, familiale de l’Église est constamment en tension avec la nature pratique, démocratique, parfois vulgaire, de la culture politique Américaine.
La bureaucratie est un des sujets majeurs de notre époque, mais plus l’Église se structure, plus elle affaiblit son image de mère et enseignante. Les structures bureaucratiques engendrent des attitudes à caractère bureaucratique. Elles sapent la foi personnelle en faisant traiter les questions religieuses par des procédures de comités déshumanisés et selon une politique ecclésiale.
Découverte amusante, lorsque nous, laïcs, sommes entrés au cours de ce dernier cinquantenaire parmi les conseils et assemblées dirigeantes de l’Église, nous avons découvert le combat permanent de nos prêtres : si votre foi est votre métier, vous éprouvez chaque jour les bizarreries et les fautes des êtres imparfaits qui fréquentent, ou même dirigent l’Église, comment pouvez-vous éprouver de l’amour pour elle ? En fait, comment peut-on désirer voir en l’Église une personne plutôt qu’un simple organisme ? Où est l’empreinte de Dieu dans une déclaration nationale des évêques pavée de trois cents commentaires, compromis et élucubrations bureaucratiques ?
Le laïc qui se dévoue autour ou au sein des structures de l’Église a besoin d’une bonne dose de prières quotidiennes pour entretenir son zèle. Si un doute flotte dans l’esprit des personnes collaborant à ses structures, la capacité de l’Église à tenir son rôle de levain se dégrade rapidement. En l’absence de prière on devient vite cynique ; on s’intéresse aux résultats matériels en ignorant l’influence divine sur la réussite ou l’échec de ses travaux. Je soupçonne qu’on peut rencontrer pour cette raison davantage d’athées potentiels parmi ces collaborateurs que dans l’ensemble de la population Catholique.
Voilà pourquoi chaque laïc, collaborateur, conseiller, bénévole, doit cultiver humilité, patience et sens de l’humour. Les laïcs ont, ou peuvent avoir, une immense influence sur la conduite des affaires de l’Église. La plupart des évêques accueillent et suivent les conseils de laïcs. Mais le rôle d’un laïc est fréquemment indécelable, avec des résultats souvent indirects et tardifs.
Les laïcs peu indulgents envers l’ambiguïté devraient chercher ailleurs une autre activité. Les laïcs manquant d’imagination pour voir au-delà des méthodes Américaines pour traiter les questions politiques et économiques risquent une profonde déception. Si l’Église est bien mater, magistra, et Épouse du Christ, elle n’est certes pas un organisme élu ni une cible pour des groupes de pression interne.
En conclusion, les Américains sont un peuple guère doué du sens de l’Histoire. Et pourtant c’est une qualité bien nécessaire pour les laïcs Catholiques en général — en particulier pour les laïcs participant à des travaux au sein de l’Église. Le péché et l’échec ne sont démoralisants que vus hors contexte, le contexte de la présence victorieuse de Dieu, et dont l’Église est la vivante expression, en dépit des pires fautes commises par ses enfants et même des pires péchés commis par ses dirigeants.
Le péché est une faute, rien de nouveau à ce sujet, même commis par un membre du clergé. Et si nous, laïcs, voulons agir, ce ne sera pas par un conflit institutionnel qui violerait l’identité de l’Église. Commençons par nous sanctifier nous-mêmes et soumettons-nous à la volonté de Dieu pour aider à former nos prochains.
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- 7 - La vocation sacerdotale
- Dénoncer les abus sectaires dans la vie consacrée et passer l’épreuve en union au Christ Epoux
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ
- Sur le général de Castelnau et le Nord Aveyron.