Réflexions socratiques en un jour d'élection - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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Réflexions socratiques en un jour d’élection

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Ce billet paraît le deuxième jeudi de novembre de la quatrième année. En ce jour critique, ce pays va choisir librement (embobeliné ou non!) son destin. Pour une fois, « destin » et « choix » marchent main dans la main. Que nous ne discutions pas des mérites respectifs des candidats semble approprié. Les choses ne peuvent pas tourner bien. Nos âmes ont déjà accepté beaucoup trop de mauvais pour qu’il en soit autrement. Les élections sont la méthode démocratique pour se débarrasser d’un tyran sans effusion de sang. Elles peuvent aussi choisir un tyran sans révolution déclarée. Nous avons déjà fait cela deux fois avec monsieur Obama. Alors, dans un sens, nous pouvons nous détendre. Il n’y a rien de nouveau.

Le procès et la mort de Socrate, en 399 avant JC, inaugurent notre tradition civique. Nous examinons nos âmes à leur lumière. Socrate clarifie la relation entre la vérité et la cité, entre ceux qui sont « personnellement » opposés au mal mais qui lui permettent d’arriver, et ceux qui meurent, politiquement ou réellement, plutôt que de renier la vérité qui est la leur pour proclamer ce que veut le régime.

Socrate a été accusé de semer la confusion chez ses concitoyens par sa recherche inquisitrice de la vérité. Ses accusateurs proclamaient qu’il ne croyait pas aux dieux de la cité. Il affirmait que les choses spirituelles existaient. Il a été accusé de corrompre la jeunesse. Il pensait que la jeunesse était déjà corrompue par les sophistes engagés pour leur enseigner ce qu’ils avaient envie d’entendre. Ces sophistes ont souvent reçu le titre de premiers professeurs d’université salariés.

Socrate a expliqué qu’il avait suivi à Delphes la déesse, qui avait dit à son ami que Socrate était l’homme le plus sage de Grèce. Il en doutait. Alors il était allé ici et là dans la cité pour trouver quelqu’un ayant de meilleures réponses. Il avait découvert que ceux que l’on prétendait sages ne l’étaient en fait pas tellement. Les jeunes gens oisifs l’écoutaient et l’imitaient. Cela contrariait fort leurs pères, les chefs de la cité. Ils l’ont accusé de corrompre leurs fils. Ils ont décidé de le tuer.

Socrate s’est défendu lui-même devant une cour composée de 501 citoyens-juges. Il a expliqué qu’il était en réalité le bienfaiteur de la cité. Il lui évitait de s’endormir en négligeant les choses importantes, comme savoir quelles choses sont vraies et quelles choses sont fausses. Menacé de mort, il a répliqué que la mort n’était pas le pire désordre. Faire le mal est pire. Nous ne savons pas si la mort est un mal ou une libération pour une vie dans laquelle nous sommes jugés, où nous vivons avec ceux qui n’ont pas renoncé à la vérité, même s’ils ont été tués pour cela.

La cour a condamné Socrate à mort. Il a fait une contre-proposition. Il pensait qu’il avait mérité le gîte et le couvert aux frais de la cité. Tout ce qu’il avait fait durant sa vie, c’était d’aller ici et là en demandant aux citoyens d’examiner leur vie. Est-ce qu’il vivaient comme un être humain doit vivre ? Si non, leur vie ne valait en vérité pas la peine d’être vécue. La cité était gênée de tuer son citoyen le plus renommé. Pourquoi ne pourrait-il pas seulement payer une amende, ou partir en exil, ou cesser de philosopher et d’enquiquiner tout le monde ?

Socrate pensait qu’accepter l’une ou l’autre de ces échappatoires équivalait à une reconnaissance de culpabilité. Ce ne serait pas juste de sa part de l’accepter. Socrate fut dur pour ceux qui avaient provoqué sa condamnation. Il leur dit sans ménagement que, au cours des siècles, ceux qui auraient connaissance de son procès diraient qu’ils étaient le peuple qui avait fait mourir injustement un honnête homme. Les choix politiques peuvent déshonorer nos âmes pour toujours. Platon a écrit La République pour prouver cette vérité. Aucune échappatoire, dans ce monde ou dans l’autre, pour ceux qui causent les grands crimes en politique.

Socrate est satisfait du verdict de mort. Il sait que ce n’est pas le plus grand mal. Aucun mal ne peut blesser un homme bon. La politique moderne, moins confiante quant au jugement et à la vie future, croit que cela a corrigé Socrate de s’occuper de la vie de la cité. Elle prétend que nous pouvons mener une bonne vie en étant politicien, surtout si nous gommons la différence entre le bien et le mal.

Socrate n’en était pas si sûr. « Ne soyez pas en colère contre moi parce que je dis la vérité, a-t-il dit au jury. Personne ne survivra qui s’oppose sincèrement à vous ou à une autre foule pour prévenir des événements injustes dans la cité. Un homme qui se bat vraiment pour la justice doit mener une vie privée, non une vie publique, s’il veut survivre ne serait-ce qu’un peu de temps. » (31e – 32 a) Socrate a prouvé que même mener une vie seulement privée n’était pas sûr dans une politique qui met le respect des lois de la cité au-dessus de la vérité.

Ce jour est, comme il le disait, critique. Avec lui, la distinction que fait Socrate entre la vie privée et la vie publique disparaît en grande partie. Socrate ne sera plus inquiété pour impiété envers les dieux ou corruption de la jeunesse, mais pour n’avoir pas approuvé les lois de l’état et refusé de leur obéir alors qu’elles auront été rapidement formulées pour ce qui sera inévitablement appelé « notre bien ».

James V. Schall, qui a été professeur à l’université de Georgetown durant 35 ans, est l’un des auteurs catholiques les plus féconds d’Amérique.

Illustration : Socrate buvant la ciguë, par Antonio Zucchi, 1767 [prieuré de Nostell – West Yorkshire]

Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/11/08/socratic-reflections-on-election-day/