Il y a un demi-siècle , l’historien catholique Christopher Dawson avertissait que « si les chrétiens ne défendent pas leur droit à l’existence dans la sphère de l’enseignement supérieur, ils seront finalement poussés hors de notre culture moderne mais également de l’existence physique même. »
Du costaud, venant d’un homme doux, particulièrement au sein d’une culture qui se prétend « ouverte » à tous les points de vue – et considère quand même de telles mises en garde comme la preuve de l’extrémisme et de l’étroitesse d’esprit du catholicisme.
Mais les années qui ont suivi ont prouvé que Dawson avait raison. Il prédisait que même un système primaire catholique étendu ne résisterait pas aux tendances sécularisantes et serait complètement phagocyté par « le moderne Léviathan ». La plupart des collèges et universités ont suivi, avec pour résultat qu’il est rare de tomber sur un catholique profondément imprégné de culture catholique et de disciplines humanistes, deux choses dont l’Eglise a beaucoup appris et qu’elle a favorisées.
Cette double absence est la plus importante crise de notre culture, et cela touche tout autant les non-catholiques que les catholiques. Vous n’avez pas à creuser beaucoup pour constater que les questions les plus brûlantes dans le domaine de la morale et de la vie publique découlent, à la base, d’un manque d’outils adéquats, rationnels et religieux. Mais plusieurs d’entre nous ont décidé de ne pas laisser cette situation s’éterniser.
La semaine dernière, deux douzaines d’enseignants d’université en provenance de différentes institutions ont passé ensemble sept jours au collège Thomas More du New Hampshire, étudiant « la tradition intellectuelle catholique : les pères et les docteurs de l’Eglise, les papes, l’art et la musique sacrés ». Cela impliquait l’étude de textes de personnages tels Athanase, Grégoire de Nysse, Basile le Grand, Augustin, Anselme, Bernard de Clairvaux, Albert le Grand, Bonaventure, Thérèse d’Avila, François de Sales, Léon XIII, Jean-Paul II, Benoït XVI — pour ne rien dire de conférences éclairantes sur le développement de la musique sacrée dans le chant grégorien, la polyphonie et les formes de la Renaissance ou la compréhension de l’art sacré via l’étude de basiliques anciennes.
C’était juste un des nombreux colloques Fides et Ratio organisés depuis 2006 par le docteur Patrick Powers, sous les auspices de l’institut Foi et Raison, l’institut mère de The Catholic Thing, grâce au généreux mécénat de Michèle et Donald D’Amour. Patrick et Donald ont aiguisé leurs propres compétences universitaires à Assumption College, sous la direction du légendaire frère Ernest Fortin, et plus tard à Notre-Dame, avec des lumières telles le regretté Ralph McInerny, l’un des donateurs fondateurs de The Catholic Thing.
Frederick Crosson, un autre élément brillant du programme d’études libérales de Notre-Dame, a eu très tôt une influence sur les colloques, tout comme James V. Shall, supérieur jésuite (NDT : il écrit régulièrement des articles dans The Catholic Thing). Nous nous sommes rencontrés dans des endroits aussi divers que Benedictine College (Kansas), Providence College, Wyoming Catholic, Belmont Abbey, Notre Dame Seminary (New Orleans), University of Notre-Dame et bien d’autres.
Au fil des ans, nous avons formulé notre mission comme : « nourrir les âmes des jeunes hommes et femmes en renforçant leur éduction catholique libérale ». L’accent est mis sur la formation des jeunes, bien qu’il faille pour cela passer par la formation – ou la reformation – des enseignants et des administrateurs qu’ils rencontreront lors de leurs études supérieures. Plusieurs des institutions participantes poursuivaient déjà le même but. Mais, depuis 2006, plus de 350 participants ont participé aux colloques, venus de 75 collèges, universités, séminaires, instituts, hautes écoles et diocèses de 35 états de l’Union ainsi que d’Italie, d’Argentine, du Pérou, du Chili et du Canada. Nulle part ailleurs on ne trouve aussi complet et global.
Certains supposent que les professeurs dans les institutions catholiques américaines doivent constamment échanger entre eux à propos de la tradition catholique et de la meilleure manière de l’enseigner. Hélas, ce n’est pas le cas. En sus des obstacles idéologiques et professionnels bien connus, nombre de professeurs catholiques se sentent isolés et submergés de tâches pédagogiques et administratives.
Les colloques leur donnent du temps et de l’espace pour se reconnecter à la tradition et les uns avec les autres. Plusieurs de nos anciens sont retournés dans leurs propres institutions et y ont lancé des groupes de discussions avec des collègues voulant se familiariser eux-mêmes plus à fond avec les différentes facettes de la tradition. L’un des plus actifs se trouve à l’université de Dallas, où un groupe se consacre à rendre encore meilleure une institution déjà solide.
Parmi les nombreux bienfaits de ces discussions, se trouve le fait que tout en gardant une attention rigoureuse aux textes écrits durant les différentes époques du christianisme, elles incitent à découvrir comment ils peuvent encore parler à l’Américain contemporain, sous la double forme d’une invitation et d’une affirmation.
En juin, par exemple, un colloque « d’immersion totale » pour l’archidiocèse de Los Angeles sur la tradition intellectuelle catholique en Amérique sera hébergé conjointement par le séminaire Saint Jean à Camarillo et le collège Saint-Thomas d’Aquin. Nous avons organisé un colloque identique l’an passé à Denver. Les participants, dont des professeurs de séminaire et des personnes travaillant pour l’archidiocèse, ont étudié des texte de Bunyan et Hawthorne, Thomas d’Aquin et Dante, Newman et Tocqueville, Allan Bloom et l’archevêque Charles J. Chaput ainsi que des romans comme Death comes for the archbishop de Willa Cather, The power and the glory de Graham Greene, The moviegoer de Waalker Percy. Après tout ça, vous avez une bonne appréciation du défi que le catholicisme doit relever dans l’Amérique moderne.
Dans une année type, il y a six événements, et cette année-ci n’est pas différente : une séquence avancée – en deux sessions – sur les Pères de l’Eglise au collège Thomas More, une sur la tradition catholique au 20e et 21e siècle au Wyoming Catholic College et le quatrième au séminaire Saint Jean à Camarillo (Californie). En sus, pour la première fois, deux retraites pour les directeurs et les doyens, aussi à Thomas More. Les participants liront ensemble les écrits du cardinal Newman pour avoir une idée claire de leurs responsabilités.
Alors la prochaine fois que vous entendez parler d’un nouveau professeur ou universitaire catholique s’effondrant sous la pression qui effraie à la fois le monde catholique et la longue tradition d’humanisme, ne désespérez pas.
Oui le tableau est inquiétant et ne doit pas être pris à la légère. Mais il y a d’importantes énergies de renouveau à l’œuvre, à plusieurs niveaux, et elles porteront du fruit dans la génération à venir et beaucoup de celles qui suivront.
Robert Royal est rédacteur en chef de The Catholic Thing, et président de l’institut Foi et Raison de Washington. Son plus récent livre est The God That Did Not Fail : How Religion Built and Sustains the West, maintenant disponible en édition brochée chez Encounter Books.
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illustration : séminaire Saint Jean à Camarillo, en Californie.
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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/recovering-faith-a-reason.html