Parlons un peu politique, ce qui m’arrive rarement, car je préfère m’aventurer en général sur d’autres terrains, laissant aux commentateurs spécialisés le soin d’accompagner l’actualité. Il est bon, toutefois, à certaines occasions, de prendre un peu de distance pour risquer une réflexion. Réflexion tout à fait libre, qui n’engage que moi, car j’ai trop de scrupules, en cette matière, à respecter les citoyens et les citoyennes qui m’écoutent et ont probablement des choix différents. Mon point de départ, c’est un certain désenchantement que je constate aussi bien à droite qu’à gauche. Les récents congrès des Républicains et des socialistes n’ont pas enthousiasmé les foules. On fait le procès des partis avec sévérité. Ils ne seraient plus en prise avec les réalités et s’éloigneraient de plus en plus d’une base qui ne s’y reconnaît plus. D’ailleurs, il y a de moins en moins de militants et d’adhérents.
Nicolas Baverez en déduit, dans Le Figaro, que « la loi d’airain des partis est en passe de broyer la Cinquième République comme elle a détruit la Troisième ». Et l’échéance présidentielle de 2017 se profilerait sous les plus fâcheux auspices. C’est le moment clé, pourtant, où par la volonté de de Gaulle, devrait s’opérer les choix stratégiques majeurs. J’en suis personnellement bien d’accord, même si certains regrettent cette polarisation sur le caractère monarchique de la Cinquième République. En même temps, j’observe que c’est une bonne partie de l’Europe qui souffre de cette mise en cause des partis politiques. Voyez ce qui se passe en Espagne avec la recomposition des forces, qui s’est produite également en Grèce. Nicolas Baverez a donc du souci à se faire car ce n’est sûrement pas dans cette direction qu’il souhaite voir évoluer le débat français et le débat européen. Mais qu’il le veuille ou non, il est impossible de ne pas tenir compte des tensions sociales qui déterminent les recompositions idéologiques et partisanes. Et si je lis dans Marianne cet autre éditorialiste qu’est Jacques Julliard, j’observe encore que c’est dans une direction très différente que ce théoricien de la gauche veut orienter le débat. Réclamer un réformisme radical à l’encontre du réformisme libéral, c’est préconiser un affrontement que la gauche et la droite en France veulent précisément éviter.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 16 juin 2015.