Réalités et mythologie de la collégialité - France Catholique
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Réalités et mythologie de la collégialité

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Il est beaucoup question dans l’Église catholique de retour à la collégialité et donc de décentralisation. C’est incontestablement le pape François qui a indiqué cette direction, en conseillant aux conférences épiscopales d’exercer leur discernement sur les réalités pastorales de leur territoire, sans en référer toujours au Pape. Comment ne pas acquiescer à cette directive, qui correspond d’ailleurs à la constitution naturelle de l’Église depuis les origines, où la centralité romaine se trouve au service de la communion, en symbiose avec le dynamisme apostolique des églises locales ? À la suite de Vatican II, la création des conférences nationales répondait à un impératif de décentralisation collégiale qui reprenait l’inspiration de la doctrine énoncée sur l’épiscopat. On constata rapidement les avantages de cette nouvelle organisation, mais on en discerna aussi les limites et les risques.

D’évidence, il y avait un besoin de coordination à l’échelle nationale, mais il y avait aussi le danger… d’une centralisation bureaucratique, qui, parfois, allait à l’encontre de l’autorité personnelle des évêques. On s’aperçut que l’appareil central avait ses contraintes liées à sa logique systémique. L’appareil avait une propension à s’auto-reproduire, dans le déni des personnalités originales qui n’entraient pas dans son modèle dominant, alors que par ailleurs le corps ecclésial était engagé dans des mutations qui modifiaient sa physionomie générale. C’était l’autorité romaine qui devait anticiper le renouvellement contre lequel l’appareil se cabrait. Ainsi, la nomination d’un Jean-Marie Lustiger à Paris, voulue directement par Jean-Paul II, n’aurait pas été possible dans le seul cadre de la conférence française.

Très tôt, Henri de Lubac se trouva dans l’obligation d’opérer un discernement théologique pour contrer certaines déviations qui allaient à l’encontre de la vraie nature du collège apostolique1. Dans ses Mémoires2, le père Louis Bouyer se montre cinglant à l’encontre de ses propres illusions nées dans un climat très particulier, où l’ecclésiologie d’un Möhler et celle d’un Khomiakov avaient suscité des réflexions fécondes mais aussi des mythes parfois dangereux. C’est Newman qui dénonçait l’incapacité des commissions. Et Louis Bouyer de rappeler que les organismes ne valent que par la personnalité de leurs membres, et souvent de leurs membres émergents. Il y a donc lieu de tirer les conséquences de l’expérience post-conciliaire en continuité avec l’histoire du christianisme. La décentralisation collégiale est sans doute à repenser, à réaménager au-delà des fantasmes qu’elle suscite, afin que se perpétue la continuité de l’Église universelle, garantie par le ministère de Pierre.

  1. Henri de Lubac, Les Églises particulières dans l’Église universelle, 1971, Aubier.
  2. Louis Bouyer, Mémoires, éditions du Cerf.