«Ma mission n’est pas de faire couronner un roi mortel, mais de faire aimer le Roi du Ciel. » Par ces quelques mots, sainte Thérèse de Lisieux, pourtant admiratrice de Jeanne d’Arc, de son tempérament de feu et de son âme de guerrière, avait compris une chose : elle n’était pas forcément appelée à imiter dans le combat temporel celle qui avait redonné espoir aux Français en sacrant Charles VII à Reims. Mais à suivre une autre leçon de Jeanne : les fêtes johanniques, du 29 avril au 8 mai, arrivent ainsi à point nommé pour apporter un semblant d’unité à notre pays en mal de ce qui – seul – pourra le réconcilier avec lui-même : « Messire Dieu premier servi ».
Voilà une recommandation ô combien actuelle, au lendemain d’une campagne électorale sans véritable vision d’avenir, et qui semble avoir laissé en friche les grands sujets de civilisation, au profit d’une conception matérialiste et technicienne de la société – certes le pouvoir d’achat est important, mais qui a rappelé que l’homme ne vit pas que de pain… ?
Élever le débat
Or, comme le disait Charles Péguy, « une même stérilité dessèche la cité et la chrétienté. La cité des hommes et la cité de Dieu. C’est proprement la stérilité moderne » (Notre jeunesse), marquée par l’essoufflement des idéaux démocratique et religieux. Récemment, Mgr David Macaire, évêque de Martinique, a lui évoqué le « retour des temps difficiles », après les illusions perdues des « enfants gâtés » de Mai 68, qui ont dirigé le monde depuis 50 ans, « y compris dans le clergé et dans l’Église », ajoute-t-il…
Dès lors, c’est aux catholiques qu’il revient en premier lieu d’élever le débat, et de témoigner au monde que l’oubli de Dieu ne peut que conduire à des catastrophes…
Et cela de manière très simple, sans entrer dans de grandes réflexions stratégiques et organisationnelles. Grâce à Dieu, il existe sur le terrain encore de nombreuses petites « cités » chrétiennes, qui, bien qu’en perte de vitesse, forment un maillage actif du territoire : familles, écoles, entreprises, hôpitaux… Et bien sûr les paroisses, lieux stratégiques car sans elles, aucune ville, aucun village, ne peut vraiment trouver la force morale et spirituelle pour renaître ! C’est pourquoi il faut lire le livre d’un curé de paroisse « ordinaire », l’abbé François Dedieu, Curé à durée indéterminée, qui plaide pour le ré-enracinement des curés dans leur paroisse et sur la longue durée : un véritable « pavé dans la mare », comme il le dit (p. 12-16), pour un sursaut missionnaire !
Il est en effet très important de ne pas laisser le champ libre à ceux qui voudraient investir la rue pour faire avancer leurs contestations, parfois de manière violente. Mais à l’inverse, de reconstituer pas à pas un terreau et une culture fertiles, préparant le relèvement du pays tout entier. Comme le levain dans la pâte, mais sans oublier que le levain, en soi, est immangeable !
C’est dire combien il convient de lutter d’abord contre notre propre tiédeur en tant que catholiques… Ce ré-enracinement territorial chrétien, nécessaire pour redevenir visible dans une société déchristianisée, doit donc aussi s’accompagner d’un ré-enracinement par le haut, c’est-à-dire ancré dans les sacrements et en particulier l’eucharistie, le pain du Ciel
– « mon Ciel à moi » disait encore Thérèse de Lisieux.