RDC : l’Église dans la mire des rebelles - France Catholique
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La justice de Dieu
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RDC : l’Église dans la mire des rebelles

Deux nouvelles attaques dans l’archidiocèse de Bukavu (Est de la République Démocratique du Congo, RDC), ont fait deux morts, un prêtre et une religieuse. Il n’en faut pas plus pour relancer les appels que l’Église catholique lance depuis plusieurs années : que font les autorités congolaises pour assurer la paix de sa population dans la région, et où se trouve la communauté internationale ? Par Mario Bard, AED
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Dans deux rapports obtenus ce matin, Aide à l’Église en Détresse (AED) apprend qu’un prêtre et une religieuse ont été tués dans deux attaques différentes. D’abord le dimanche 6 décembre, l’Abbé Daniel Cizimya Nakagama, 51 ans et prêtre dans l’archidiocèse de Bukavu depuis 12 ans, a été « lâchement assassiné » à Kabare, dans son presbytère, vers 2h du matin, écrit Mgr Pierre Bulambo Lunanga, vicaire général. Puis, le 7 décembre, Sœur Denise Kahambu, trappistine, a été assassinée dans son monastère de Murhesa par trois assaillants (habillés en militaires selon les témoins), vers 19 h 30 heure locale. Les deux victimes ont été tirées à bout portant. Dans le cas du prêtre, trois suspects ont été arrêtés, interrogés, et selon toute vraisemblance, deux auraient été relâchés malgré les sérieux soupçons qui pèsent contre eux. Quant à eux, les assaillants du monastère des Trappistines courent toujours.

D’abord à Kabare

Les témoins rapportent que les assaillants cherchaient spécifiquement le prêtre pour l’assassiner. L’un d’entre eux aurait dit « ye wana » (en voilà un!), pour ensuite le tirer à bout portant. Ce qui fait dire à plusieurs, étant donné les incidents quasi similaires du mois d’octobre contre un autre presbytère et un monastère de frères Maristes, que l’Église et ses représentants deviennent une cible privilégiée pour les rebelles, les milices et même les militaires qui veulent profiter de leur situation de force afin d’effrayer la population et se faire un peu d’argent.
Puis, à Murhesa…

Ce sont les mêmes objectifs qu’ont poursuivis les assaillants du couvent des Trappistines : selon les témoins, ceux-ci recherchaient et le prêtre, et l’argent. L’aumônier, le père Bernard Oberlin, également Trappiste, a pu se cacher avec les religieuses dans le dortoir, protégé par des portes et des grilles.

Les religieuses se sont assises sur le sol pour échapper aux éventuelles balles des assaillants. « Durant tout ce temps », elles « priaient le chapelet et le psaume 129 “De Profundis”, pour leur sœur défunte et pour la communauté », écrit l’Abbé Crispin, auteur d’un rapport envoyé au Nonce apostolique basé à Kinshasa, Mgr Giovanni d’Aniello. Les religieuses ont pu en sortir vers 21 h 30, environ 2 heures après le début de l’attaque. Certains hôtes du monastère ont également été témoins des attaques et ont même aperçu les assaillants.

Plusieurs instances ont été appelées à la rescousse, à commencer par des militaires basés à 5 km de là, puis la Police Nationale, ensuite la MONUC qui « a fait rapidement son constat » et est partie. « Les vrais constats ont commencé avec l’arrivée du Vice-gouverneur sur les lieux 30 minutes après », indique encore l’abbé Crispin dans son rapport. « En partant, le Vice-gouverneur m’a assuré qu’il continuerait les enquêtes ». Il a également laissé au monastère quelques policiers. C’est la quatrième attaque du genre contre ce monastère depuis 1996.

Mgr Lunanga : « fatiguer pour mieux diviser et terroriser? »

Malgré ces attaques, et peut-être à cause d’elle, la population est plus alerte que jamais, d’après Mgr Lunanga, vicaire général de Bukavu, qui écrit dans son rapport : « Nous admirons la bravoure et la solidarité de la population de Kabare en faveur de leurs pasteurs ». En effet, à l’initiative de l’Église catholique et par le biais de la commission Justice et Paix des évêques congolais, les Comités Locaux pour la Gouvernance Participative semblent assurer une partie de la sécurité de la population en surveillant et en dénonçant à la police toutes personnes suspectes qui se trouvent sur son territoire.

Par contre, cette initiative des plus positives n’est pas suffisante. Mgr Lunanga écrit : « Ailleurs, il suffit qu’un citoyen soit même pris en otage pour que toute la nation se mobilise. Ici, avec la culture de banalisation de la vie et de l’impunité qui s’installe, …seuls ceux qui ont des armes ont droit à la survie », indique-t-il. Et de lancer cette question : « À qui faut-il s’adresser finalement quand les rues et les villages sont pris d’assaut par des gens en armes non autrement identifiés? ». Il conclut: « Les partisans de la justice populaire pêchent dans les eaux troubles favorisées par l’absence de ceux qui doivent et ne font rien ».

Le vicaire général de Bukavu termine son rapport par ses paragraphes : « Fatalité ou hypocrisie partagée par ceux qui veulent fatiguer pour mieux diviser et terroriser? Autorités congolaises, les gens sont fatigués de crier et de mourir! Populations congolaises, personne ne nous apportera la paix sans nous. »

« Malgré les intimidations, sachons que nos villages nous appartiennent et nous devons les protéger et apprendre à y vivre. Malgré tout, gardons courage! L’Emmanuel que nous attendons en cette période de l’Avent est aussi Maître de la vie. Il a vaincu le mal sous toutes ses formes. »