Hier, aux obsèques de Raymond Aubrac, dans la cour de l’hôtel des Invalides, le président de la République était présent, mais il n’a pas prononcé l’éloge du défunt, comme c’est l’habitude en pareilles circonstances. Période électorale oblige, la famille l’avait voulu ainsi, préférant laisser la parole à deux autres grandes figures de la Résistance, Jean-Louis Crémieux-Brilhac et Jacques Vistel. Trois autres candidats à la présidence de la République étaient également présents : François Hollande, François Bayrou et Eva Joly auxquels s’étaient joints divers représentants de la classe politique. Il y avait donc une sorte de climat d’unanimité nationale, au-delà des éclats d’une campagne. C’est à l’engagement héroïque, pour la France et les plus hautes valeurs, de cette personnalité éminente que l’hommage était rendu dans ce lieu particulièrement symbolique.
Avec la distance du temps -soixante-dix ans nous séparent des événements centraux auxquels fut lié Raymond Aubrac et son épouse Lucie- on mesure mieux le rôle de la mémoire historique. Car l’unanimité d’aujourd’hui contraste avec le petit nombre des hommes engagés dans la Résistance aussitôt après le célèbre appel du 18 juin 1940 du général de Gaulle. Un de mes plus anciens amis est fils d’un compagnon de la Libération, mort en déportation pendant la guerre dans un camp de concentration. Lui fut de ce tout petit nombre des débuts. Petit nombre, qui fut bien sûr appelé par la suite à grandir. Mais on l’a vite oublié : l’histoire de la guerre est extrêmement complexe. Beaucoup ne rallieront la Résistance qu’après 1942, et même plus tard. De même, il faudrait parler de la multiplicité des appartenances de ceux qui partagèrent le combat commun. Toutes les familles politiques s’y s’ont trouvé rassemblées mais ce ne fut pas sans difficultés et parfois après des luttes épiques.
Raymond Aubrac était réputé proche du Parti communiste, auquel il n’appartint jamais formellement, semble-t-il. Mais ses engagements d’après-guerre montrent qu’il a été un intermédiaire important avec le monde soviétique. Le moment n’est pas de le lui reprocher. Le recueillement national autour de son souvenir oblige pour le moment à se rappeler qu’en certaines circonstances des Français ont fait le choix du don total, avec la perspective de sacrifier leur vie. Cela suffit pour que les nouvelles générations soient sensibilisées aux plus hautes valeurs d’humanité.
Chronique lue sur radio Notre-Dame le 17 avril 2012.
Pour aller plus loin :
- Conclusions provisoires du Synode sur la Parole de Dieu
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Affaire Ulrich KOCH contre Allemagne : la Cour franchit une nouvelle étape dans la création d’un droit individuel au suicide assisté.
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Sur le général de Castelnau et le Nord Aveyron.