Martin Luther King Jr. a prononcé son discours « J’ai fait un rêve » devant une foule immense lors de la marche du 28 août 1963 à Washington, DC. La clé pour comprendre le discours de King est son appel à la notion de « chèque », de principes affirmés dans la « Constitution et la Déclaration d’Indépendance des États-Unis ».
De manière significative, King n’était pas un partisan de la « politique identitaire », du pouvoir noir, car il a fait valoir, comme le déclare à juste titre l’érudit afro-américain Shelby Steele, que « les blancs étaient obligés de respecter la moralité et les principes démocratiques ». Steele ajoute que les Noirs américains sont obligés de vivre selon « des principes », mais pas « à vivre en tant que classe sociale ».
Ces principes « garantissent les conditions anoblissantes auxquelles aspirent les sociétés libres : liberté pour l’individu, mêmes droits pour tous les individus, égalité devant la loi, égalité des chances et droit inhérent à la ‘vie, à la liberté et à la recherche du bonheur’. » King a cherché à dissocier la culture américaine de son « passé raciste par les principes et la responsabilité individuelle ».
C’est à partir de cette idée-là que le rêve de King s’est fait. Dans sa déclaration, son rêve exprime la vraie signification du credo américain, faisant appel au caractère moral de la nation, affirmant la vérité profonde de notre humanité créée par Dieu, que Thomas Jefferson, l’architecte de la Déclaration d’indépendance, avait également exprimé : « Nous tenons ces vérités pour évidentes en elles-mêmes que tous les hommes sont créées égaux, et dotés par leur Créateur de certains droits inaliénables. »
Lincoln a aidé à réaliser la « vérité abstraite, applicable à tous les hommes et à tous les temps » affirmée par Jefferson, l’architecte de la Déclaration, ou le « chèque », comme l’a dit King. Lincoln a rempli, en principe, cette note avec la Proclamation d’Emancipation de 1862. Mais il n’a, en fait, pas été pleinement mis en œuvre avant le Civil Rights Act de 1964.
Dans cette optique, nous pouvons dire que nous ne sommes pas « systématiquement » une société raciste, ce qui ne signifie pas qu’il n’y a pas de personnes racistes, ni de racisme.
Avant le Civil Rights Act, expliquait King, « l’Amérique a manqué à ses promesses à l’égard de ses citoyens de couleur. Au lieu d’honorer son obligation sacrée, l’Amérique a délivré au peuple Noir un chèque en bois, qui est revenu avec l’inscription ‘provisions insuffisantes’ ». Dans son discours, King a énuméré les « grandes épreuves et tribulations » que les Noirs américains ont subies, à savoir la ségrégation statuaire, la brutalité policière, le manque de possibilités de mobilité ascendante, la suppression des droits de vote, etc.
Néanmoins, King refusait de croire qu’il « n’y avait pas de quoi honorer ce chèque dans les vastes coffres de la chance, en notre pays ». Il ajoute : « Aussi, sommes-nous venus encaisser ce chèque, un chèque qui nous donnera sur simple présentation les richesses de la liberté et la sécurité de la justice… C’est l’heure de faire de la justice une réalité pour tous les enfants de Dieu. »
C’est un message clair et pertinent pour notre époque, en particulier au vu des émeutes, du pillage, de la destruction de biens et d’entreprises, des incendies criminels, de l’anarchie et du nihilisme ; et de ceux qui exploitent le meurtre brutal de George Floyd, pas pour la justice sociale, comme ils le prétendent, mais pour la destruction de la société civile, voire de la culture américaine.
En revanche, King déclarait avec éloquence :
Ne cherchons pas à satisfaire notre soif de liberté en buvant à la coupe de l’amertume et de la haine. Nous devons toujours mener notre lutte sur les hauts plateaux de la dignité et de la discipline. Nous ne devons pas laisser nos revendications créatrices dégénérer en violence physique. Sans cesse, nous devons nous élever jusqu’aux hauteurs majestueuses où la force de l’âme s’unit à la force physique. Le merveilleux esprit militant qui a saisi la communauté noire ne doit pas nous entraîner vers la méfiance de tous les Blancs, car beaucoup de nos frères blancs, leur présence ici aujourd’hui en est la preuve, ont compris que leur destinée est liée à la nôtre.
King n’a pas utilisé la race comme un bélier pour détruire, comme le soutient l’organisation Black Lives Matter, les institutions de notre société, y compris la police, la famille, le système du marché libre et les documents culturels qui sont des monuments, voire de nobles incarnations de l’histoire américaine.
« J’ai fait le rêve », a déclaré King, que « nous pourrons fêter le jour où tous les enfants de Dieu, les Noirs et les Blancs, les Juifs et les non-Juifs, les Protestants et les Catholiques, pourront se donner la main et chanter les paroles du vieux Negro Spiritual, « Enfin libres, enfin libres ! / Grâce en soit rendue au Dieu tout puissant, nous sommes enfin libres. »
Qu’est-il arrivé au rêve de King ? Plusieurs choses l’ont entravé. Le premier est la culpabilité des blancs, une impuissance de l’autorité morale « qui vient simplement du fait de savoir que sa race est associée au racisme », explique Shelby Steele dans son ouvrage White Guilt : How Black and Whites Together Destroyed the Promise of the Civil Rights Era (Culpabilité Blanche : pourquoi noirs et blancs ont détruit ensemble la promesse de l’ère du Droit Civil). C’est sans doute la cause des courbettes que nous voyons actuellement tout autour de nous dans les conseils d’administration, les équipes sportives, les politiciens et tous les autres.
Deuxièmement, cette culpabilité découle de l’accusation selon laquelle les Blancs sont socialement déterminés à être racistes, qu’ils fassent ou non des choix qui peuvent être considérés comme racistes. Le déterminisme social concernant la couleur de peau a, en effet, été élevé au rang de pressions ‘impersonnelles’ et ‘structurelles’ du fait de la couleur d’un homme (blanc) sur lequel il n’a pas d’emprise. Ainsi, le racisme institutionnel, ou le racisme systémique, est, pour Steele, « une partie d’un modèle culturel… qui opprime automatiquement les Noirs ; et les Noirs sont automatiquement victimes de ce même schéma. »
Si je suis raciste en raison de ma blancheur, cela conduit à une conséquence logique qui est absurde, car la seule façon d’éliminer mon racisme est d’éliminer ma blancheur. Et c’est précisément ce que la ville de Seattle propose de faire avec des cours pour se « défaire de sa blancheur ».
De plus, si un homme noir est victime en raison de sa couleur de peau, il ne peut être tenu responsable de tout ce qu’il fait. Cela encourage la dépendance des Noirs à l’État providence.
L’un ou l’autre de ces points de vue contredit l’adage du Dr King sur le fait de juger un homme sur sa personnalité et non sa couleur de peau. À l’avenir, ravivons le rêve de King. Le contraire serait quelque chose de terrible à envisager.