Le pape François a récemment institué le dimanche de la Parole de Dieu. Poète passionné de la Bible, membre de l'Académie française, le Franco-britannique Michael Edwards invite à une réflexion brûlante sur les Écritures.
par Bernard Plessy
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«Aujourd’hui s’accomplit cette Écriture », affirme Jésus après avoir lu le livre d’Isaïe à la synagogue. Puis il roule le livre et s’assied. Le seul temps de l’Évangile est à jamais le présent, un temps hors du temps. On le sait, mais on l’oublie. Michael Edwards, lui, entend autre chose : non pas seulement hors du temps, mais à contretemps, comme on dit à contre-courant. À contre-culture. Ce fut cela aux origines. Dans « Bonne Nouvelle », l’adjectif n’a rien de lénifiant. Michael Edwards ose dire qu’au regard de la civilisation d’alors, ce fut « une langue barbare ». C’est ce que pensèrent les Grecs du discours de Paul à l’aréopage.
Remettre le feu« Je suis venu jeter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé » (Luc 12, 49). Le feu ! Et le feu a pris, et Paul « converti » fut boutefeu parmi les nations. Nous apprenons, demi-incrédules, qu’il prend encore, ici ou là, mais loin de chez nous. Loin de notre vieille Europe, de sa civilisation usée, mortelle (Valéry), mourante peut-être. Remettre le feu. Il faut pour cela un livre ardent, celui de Michael Edwards. Le feu, l’éclair qui terrasse Paul, où le trouver ? Réponse tranchante : dans la lecture de la Bible. Si nous savons l’entendre. Et son propos, c’est de nous aider à le faire. Ce n’est pas un livre suivi. C’est un recueil de conférences et de communications : il y en a dix, de 2016 à 2019, de haute provenance.
Poète de la Bible
Michael Edwards est poète, et doublement : en langue anglaise et française. Or il n’est jamais poète plus lumineux que lorsqu’il lit la Bible. Nous le savions depuis l’un de ses derniers livres : Bible et Poésie (De Fallois, 2016). Nous le mesurons ici dans une intervention tenue au château de Brangues chez Claudel, en juillet 2016 : De l’inspiration en poésie – « Devant un poème du roi David ou de Paul Claudel… ». Qui peut résister à l’appel d’une telle phrase ? Poète il l’est aussi dans une réflexion très féconde sur la question de la traduction de la Bible. Elle est en effet le plus souvent le seul accès à la lecture du texte sacré : « Très peu de chrétiens lisent la Bible en hébreu et en grec ; ils sont obligés de la connaître en traduction. » Les enjeux sont de premier ordre : « Faut-il en conclure que nous nous trouvons toujours devant une parole moins sûre et nécessairement diminuée ? » Les considérations de Michael Edwards sont saisissantes : « Pour traduire la Bible, il faut aimer le Dieu de la parole et la parole de Dieu ; vouloir le bien de la Bible comme le bien de son prochain ; aimer sa langue et en donner le meilleur ; aimer le lecteur, écrire pour Dieu et pour lui. La traduction est une œuvre charitable. Avec elle la transcendance devient une présence réelle. »Le Notre Père est un poème
Dans le chapitre Des paroles (peu) nombreuses, l’auteur fait une remarquable application personnelle des difficultés de traduction sur le texte du Notre Père à partir du grec : « Les chrétiens savent-ils qu’en le récitant, ils récitent un poème ? […] Pour apprécier le Notre Père en tant que poème et saisir le lien indissoluble entre le poétique et le spirituel, nous devons plutôt réapprendre à le lire. […] »
Ainsi, Edwards nous invite-t-il à retrouver le christianisme comme une Personne à connaître, une aventure au-delà des limites, grâce à la Révélation biblique, continuellement surprenante, inconfortable, et suprêmement joyeuse.
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Michael Edwards, Pour un christianisme intempestif. Savoir entendre la Bible, éd. de Fallois, 2020, 18 €.