Par hasard, la semaine dernière j’ai pris dans la bibliothèque familiale le roman Quo Vadis de Henryk Sienkewicz alors que je cherchais un prochain livre à lire pour le plaisir. (Combien désespérément nous avons tous besoin d’une telle lecture maintenant !).
Mais ce n’était pas vraiment par hasard. J’ai demandé à mon ange gardien de me guider, comme je le fais souvent, et rien ne se passe par hasard de toute façon. Tout est sous la providence de Dieu. Alors, j’ai pensé, je vais écrire quelque chose sur ce livre providentiel.
J’avoue que je l’ai choisi contre mon penchant parce que, eh bien, il s’est vendu à des dizaines de millions d’exemplaires ; des films ont été basés sur lui ; et mes enfants l’ont étudié à l’école. Quelqu’un pourrait penser que ce sont toutes de bonnes raisons de le lire. Mais mon penchant personnel va à l’encontre du commun et de l’évidence. Peut-être que le vôtre est aussi contre ce livre, pour d’autres raisons ?
Même après l’avoir sélectionné, j’avais besoin de quelques bonnes raisons pour me lancer. Et je les ai trouvé : « Tout livre que vous n’avez pas encore lu est le même qu’un livre qui vient d’être publié » (Samuel Johnson). Et, « en tant que petit-fils de paysans d’un village en dehors de Varsovie, vous devriez en apprendre davantage sur les choses polonaises chaque fois que vous le pouvez. »
Sienkewicz était un prix Nobel, auteur d’une grande trilogie de romans historiques polonais. Mais Quo Vadis, comme vous le savez probablement, se situe à Rome à l’époque de Néron. Il raconte une histoire de conversion souterraine, généralisée au christianisme, du point de vue des païens décadents et puissants en contrôle.
Sienkewicz a fait des recherches extensives sur la Rome antique pour ce livre, jusque dans les moindres détails de la vie quotidienne. Avec l’œil d’un écrivain, il tisse les détails dans son récit, de sorte que le livre, tout en racontant une grande histoire, donne habilement aussi des informations historiques sur Rome. Vous pourriez recommander Quo Vadis à des pèlerins qui planifient une visite à Rome ; il fait vivre l’ancienne ville.
Mais vous pouvez le recommander avant tout aux chrétiens d’Occident qui estiment qu’une sorte d’idéologie insidieuse et postchrétienne prend de la puissance et menace de nous opprimer et de nous persécuter. Je ne veux pas simplement dire que le livre nous offre une consolation. Oui, Néron s’est habillé comme une mariée en vêtement de femme pour épouser un homme, Pythagore, au cours d’une cérémonie publique (que Sienkewicz ne manque pas de mentionner). Mais en dépit de toutes leur corruption, les idéologues de notre Babylone la Grande ne sont pas encore Néron.
Je veux dire, plutôt, que le livre nous donne une image des premiers chrétiens, que nous ferions bien d’imiter. Permettez-moi d’attirer l’attention sur trois notes.
La première est la passion de ces premiers convertis. Devenir chrétien à l’époque de Néron, c’était tomber amoureux du Christ de manière à s’identifier à lui et préférer mourir « avec lui » plutôt que de vivre sans ses commandements. Sienkewicz transmet cette passion ingénieusement, en créant une histoire d’amour entre un patricien romain, Vicinius, et une convertie chrétienne, Lygia, l’histoire centrale du roman.
Comment transmettre ce que représentait l’amour du Christ pour les premiers chrétiens ? On pourrait raconter l’histoire d’un homme qui aurait voulu donner le monde entier pour posséder une femme, et fit en sorte que l’amour d’un homme pour cette femme, et son amour pour le Christ soit équivalent. Nous avons besoin d’aimer le Christ et d’autre part, spécialement, nos épouses de la même manière.
Deuxièmement, il y a ce que je veux appeler « l’autosuffisance » de la fraternité et de la vie chrétienne pour ces premiers convertis. Pour eux, comme Vicinius le dit à son mentor païen Patronius, c’est comme si Rome et Néron n’existaient pas. Toutes leurs pensées sont pour. Le Christ, qui est leur seul Seigneur. Ils ont découvert un chemin de vie dans le Christ, et ils vivent de la façon que le Christ commande, ce qui leur donne de la joie et leur suffit.
En revanche, aujourd’hui, nous pourrions affirmer théoriquement que « l’Église est une société parfaite », mais – combien nous nous plaignons encore ! Combien nous parlons comme si nous ne pouvions pas être heureux à moins que les temps soient autres qu’ils ne le sont ! Nous ne semblons pas ravis ni pleinement satisfaits que l’amour du Christ soit déjà le nôtre. (Oui, nous devrions vouloir améliorer le monde aussi – mais, comme un partage de ce qui nous a déjà été pleinement donné.)
Troisièmement, il y a le sentiment que la vie chrétienne est de novo (« toujours du neuf ») partout où elle subsiste. Voilà le fond de ma pensée. Peut-être certains parmi nous supposent inconsciemment que les choses devraient devenir pires parce que nous pensons que le Christianisme est comme une transmission physique, où chaque copie perd une partie de son état d’origine. Une photocopie d’une photocopie d’une photocopie, etc., et éventuellement une partie de l’information est perdue. Mais une partie du miracle du Baptême et de l’Eucharistie est que c’est la vie du Christ dans sa globalité, et en plénitude, qui est transmise parfaitement à chaque néophyte à chaque sacrement.
Dans Quo Vadis, vous voyez que les chrétiens romains ont exactement la même dévotion que les disciples avaient en Terre Sainte, à 2500 miles de là. Prenez n’importe quel saint, par exemple, Angèle de Merici, dont nous avons célébré la mémoire la semaine dernière – une humble fille appelée au XVe siècle à aimer le Seigneur, comme si elle était sortie de nulle part, dans une petite ville sur les rives du lac de Garde. C’est la vie de novo d’un alter Christus (« un autre Christ »).
Rappelez-vous ce sur quoi saint Jean-Paul II a insisté à transmettre à l’Église au tournant du millénaire : Iesus Christus heri et hodie ipse et in saecula, « Jésus-Christ est le même, hier, aujourd’hui et demain. » (Heb. 13:8). Ces mots sont encore d’actualité et le seront toujours.
Quo vadis en tant que phrase latine est généralement rendu par « où vas tu ? » Mais le verbe a le sens de « se précipiter vers ». Et l’expression met l’accent sur le point final, pas le mouvement. Suis-je agité, distrait, travaillant frénétiquement ou remettant le travail à plus tard ? Quoi que je fasse : la finalité de toute mon activité, qu’est-ce que c’est ? Le roman suggère : Si je ne mets pas de côté tout le reste pour aller rapidement vers le Christ, je m’éloigne de lui.