Dans l’Evangile, le récit de la femme surprise en flagrant délit d’adultère est peut-être le commencement d’une histoire épique de conversion et de sainteté. Mais nous ne pouvons que supposer ce pourquoi les évangélistes étaient réticents à identifier la femme ici et plus tard dans les Evangiles.
Dans l’évangile de Jean, les scribes et les pharisiens par méchanceté,
amènent à Jésus une femme dont on ne donne pas le nom, surprise en flagrant délit d’adultère. Ils veulent mettre Jésus à l’épreuve. Comme homme de miséricorde, est-ce qu’il se mettrait en opposition à la loi de Moïse ? Jésus se tait et fait des griffonnages dans la poussière (réminiscence de Jérémie qui griffonne les péchés des israélites et le doigt du Seigneur qui inscrit ses dix commandements sur les tables de pierre).
Alors Jésus les met au défi : « Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre. » (Jean VIII 7) Les hommes se dispersent avec honte, y compris, très probablement, le propre partenaire de la femme dans le crime. Après leur départ, Jésus lui demande, « femme, où sont-ils ? Personne ne t’a condamnée ? »
Curieusement, saint Jean ne rapporte aucun acte de contrition de la part de la femme. Bien que Jésus ne la condamne pas non plus, il ne l’absout pas pour autant de son péché. Ses paroles d’adieu sont : « Va et ne pêche plus. » (Jean VIII 11)
Ce sont des omissions énigmatiques qui laissent la fin de l’histoire ouverte. Le compte rendu paraît incomplet. Aussi nous pourrions reconstituer ensemble un récit crédible à propos de cette femme à travers les évangiles.
Peu de temps après le récit de la femme adultère, Marie Magdeleine (probablement) fait intrusion de façon anonyme, au début de la vie publique. Un pharisien invite Jésus à sa table. Une « femme de la ville qui était une pécheresse » apporte un flacon d’albâtre rempli d’un onguent, arrose Ses pieds de ses larmes de repentir, Le vénère et oint Ses pieds.
Jésus profite de l’occasion pour lui accorder l’absolution de ses péchés : « C’est pourquoi je vous le dis, ses péchés, ses nombreux péchés sont pardonnés parce qu’elle a beaucoup aimé ; mais on pardonne peu à celui qui aime peu. »Et il dit à la femme : « Tes péchés sont pardonnés. » (Luc VII 47-49)
Saint Luc ne donne pas le nom de cette femme. Mais aussitôt après, Luc identifie Marie Magdeleine comme nouvelle disciple : « Peu après, Il allait de village en village, prêchant la bonne nouvelle du Royaume de Dieu. Et les douze étaient avec Lui, et aussi quelques femmes qui avaient été guéries d’esprits mauvais et d’infirmités : Marie, appelée Magdeleine de qui Il avait chassé sept démons. » (Luc VIII 1-3)
Luc continue à suivre le voyage de Jésus jusqu’à « une certaine ville », probablement Béthanie. Jésus passe du temps avec deux sœurs nommées « Marie et Marthe » ce qui est l’occasion du fameux « Marthe, Marthe, tu t’agites pour bien des choses…Marie a choisi la meilleure part ». (Luc X 41-42) Mais Marie n’est pas ici identifiée comme la « Magdeleine ».
Néanmoins, sur la base du témoignage de Saint Jean, il est raisonnable de conclure que la sœur de Marthe est effectivement « la pécheresse » qui « aimait beaucoup » se repentait et oignait les pieds du Seigneur : « Il y avait un malade, Lazare de Béthanie, le village de Marie et de sa sœur Marthe. Marie était celle qui oignit les pieds de Jésus avec un parfum, et les essuya avec ses cheveux ; c’était son frère Lazare était malade ». (Jean XI 1-2)
L’argument que Marie, la sœur de Marthe est la « pécheresse » qui oignit les pieds de Jésus est confirmé plus loin par une répétition de l’onction juste avant la passion. Le trio familial, Lazare, Marie et Marthe offrent un repas à Jésus et à ses apôtres. Et malgré les objections cupides de Judas, « Marie prit une livre d’un parfum de nard pur, d’un grand prix, et en oignit les pieds de Jésus, et les essuya avec ses cheveux » Jean XII 3) Cette fois, l’onction n’était pas tellement un acte de réparation, mais un acte d’amour dans le caractère de celle « qui a beaucoup aimé ».
C’est probablement la même Marie, identifiée comme « Marie Magdeleine » qui a rejoint la mère de Jésus (et a reçu d’elle un enseignement) au pied de la croix : « Or, près de la croix de Jésus se tenaient sa mère, la sœur de sa mère, Marie femme de Clopas, et Marie Magdeleine. » (Jean XIX 25 RSV)
Et Marie Magdeleine fut la première parmi les disciples à rencontrer le Christ ressuscité. Même ses larmes sont conformes au caractère de sa première apparition comme pécheresse repentie anonyme à l’époque, aux pieds de Jésus.
Et Marie Magdeleine conduit Pierre et les apôtres au tombeau vide le dimanche de Pâques, les apôtres retournent chez eux. Marie demeure en arrière, persévérant dans son chagrin, et cela conduit à une des scènes de l’Evangile les plus belles et les plus tendres :
« Marie se tenait près du tombeau, au dehors, toute en pleurs. …elle se retourna et elle voit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était Jésus. Jésus lui dit : ‘femme pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ?’ Le prenant pour le jardinier, elle lui dit : ‘Seigneur, si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis et je l’enlèverai.’ Jésus lui dit : ‘Marie’. Se retournant, elle lui dit en hébreu : ‘Rabbouni’ -ce qui veut dire Maître-. » (Jean XX 11-16 RSV)
Il est en effet raisonnable de penser que Marie Magdeleine a accompagné Jésus pendant presque toute sa vie publique, depuis le fond de son péché et de son désespoir, jusqu’aux sommets de la sainteté et de la joie. Son exemple montre l’horreur de l’esclavage du péché, la beauté et la tendresse qui vient avec le repentir, le coût de l’apprentissage, et la récompense de la persévérance dans la foi et l’amour. Et elle donne espoir aux pécheurs tentés par le désespoir.
Mais pourquoi les évangélistes voudraient-ils négliger de l’identifier par son nom ? Peut-être parce que comme gentilshommes, ils ne voyaient pas de raison de risquer le péché de dénigrement. Ou peut-être qu’ils voulaient gentiment nous laisser découvrir par nous-mêmes, en méditant les évangiles, l’histoire magnifique ce cette grande sainte, la femme prise en flagrant délit d’adultère.
Bien sûr, l’un interprète, un autre rationalise. On peut si on veut faire une autre analyse, mais il faut la faire avec la charité de sainte Marie Magdeleine.
7 avril 2019
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/04/07/who-is-the-woman-caught-in-adultery/