Éternelle querelle des chiffres. Combien étaient-ils à la manifestation d’hier en faveur du mariage homosexuel ? Combien étaient-ils le 17 novembre dernier à la manifestation pour tous ? Les chiffres contradictoires entre la police et les organisateurs ont toujours existé. Existeront-ils toujours ? C’est bien possible, à moins que l’on trouve un appareil miracle qui mette tout le monde d’accord. Mais est-ce souhaitable ? Je n’en suis pas absolument sûr. J’ajoute que pour hier, les chiffres de la police sont contestés sur des sites qui présentent des photographies de la place de la Bastille prises à des heures différentes et qui semblent indiquer une foule plutôt médiocre.
Si je ranime mes souvenirs sur la grande manifestation du 24 juin 1984, je retrouve la même querelle des chiffres : 850 000 selon la police, deux millions selon les organisateurs. Je serais tenté de donner raison pour le coup aux organisateurs, parce que j’ai conservé le détail des statistiques, avec le nombre précis des manifestants recensés dans toutes les gares parisiennes, le nombre précis des cars spéciaux venus de toutes les provinces. Je ne pense pas qu’il y ait eu une telle rigueur de vérification pour aucun rassemblement de masse en France depuis la guerre. Et celui là était supérieur à tous ceux qu’on a connu, y compris en 1968.
Cela pour dire que la question des chiffres est d’ordre psychologique. Il s’agit avant tout de gagner l’opinion, éventuellement de la faire basculer. C’est un des enjeux de la bataille entre pro et anti mariage gay. La démonstration du 17 novembre a révélé que, contrairement à l’idée largement répandue dans les médias, l’affaire n’était pas pliée d’avance. On disait l’opposition au projet très minoritaire, et beaucoup affichaient leur scepticisme quant à la possibilité de réunir des foules pour contester cette modification substantielle du droit. Ils se sont trompés lourdement. Et désormais, il apparaît à tous que la question du mariage et de la filiation est extrêmement sérieuse, qu’elle mérite une réflexion de fond. Je l’ai déjà dit ici : les lignes bougent, elles peuvent encore bouger. C’est pourquoi la manifestation programmée pour le 13 janvier est d’une importance capitale et évoque par avance celle du 24 juin 1984. Certes les foules ne remplacent pas les arguments, mais les arguments sont portés par des personnes vivantes, dont la conviction et la détermination doivent apparaître aux yeux de tous et au regard du pays tout entier.
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 17 décembre 2012.