Dans leur assemblée de Lourdes, qui se tient toujours au lendemain de la Toussaint, les évêques de France ne pouvaient échapper à l’actualité la plus brûlante, d’autant que les événements qui se déroulent en Terre sainte ont leur prolongement direct chez nous. Ce n’est pas pour rien que la France possède les communautés juive et musulmane les plus importantes d’Europe. Dans un climat extrêmement tendu, en pleine recrudescence de l’antisémitisme et face aux manifestations de soutien à la cause palestinienne, l’Église en France est mise en demeure de réagir. Son point de vue n’est pas directement politique, il n’en est pas moins orienté par un désir de pacification. Une des questions alors posée est de savoir si l’éclairage religieux est propre à faciliter l’apaisement des esprits.
On peut retenir à ce propos la déclaration que le Frère Olivier-Thomas Venard vient de faire au Figaro magazine. Demeurant depuis 22 ans à l’École biblique, au cœur de la vieille ville de Jérusalem, il est particulièrement qualifié pour analyser la situation qui a donné lieu au conflit actuel et à ses dimensions confessionnelles : « Cette région souffre sûrement des excès de nombreux prétendus religieux, elle souffre surtout d’un manque de religion. » De la part d’un religieux, qui vit dans un lieu de prière, on s’attend à une réflexion de nature théologique et spirituelle, au-delà des passions et des idéologies. La difficulté, c’est de savoir à quel point le Père Venard peut être suivi à ce degré supérieur avec ses exigences ascétiques. Lorsqu’il évoque « l’art subtil de la navigation entre le relatif et l’absolu qui semble échapper aux religieux qui imaginent connaître les limites exactes de la Terre sainte », il désigne l’acuité de la tâche et, par là même, le véritable tour de force que suppose ce qu’on appelle le dialogue interreligieux.
Ce qui renvoie aux soucis exprimés par les évêques à Lourdes. Quel rôle l’Église peut-elle jouer dans son registre propre ? Pour l’immédiat, il y a d’abord l’engagement caritatif. Mgr Vincent Jordy, évêque de Troyes, le rappelait en quelques mots : « Par (…) son insertion dans les quartiers, dans les lieux d’éducation, l’Église peut apporter une forme d’apaisement. » Mais ce seul engagement suffit-il alors que les esprits sont divisés et que les passions s’exaspèrent ? Et par ailleurs, ce dialogue interreligieux peut-il intervenir de façon utile, dès lors qu’il ne signifie pas nécessairement une convergence des doctrines ?
L’appel de la Révélation chrétienne
Dans le monde catholique, la seule évocation de l’islam est source de sérieuses querelles entre ceux qui en appellent résolument à une commune appartenance abrahamique et ceux qui la récusent. On ne peut pas non plus ignorer le poids politique et démographique d’une appartenance musulmane, avec ses retombées civilisationnelles. Les avertissements du regretté Alain Besançon quant à une méprise de ce fait ne sauraient être rejetés du fait d’un irénisme irresponsable. Il suffit parfois de comparer, jusque dans une petite ville de province, la sortie de la messe et la sortie de la mosquée pour se rendre compte de l’ampleur du défi.
On n’en retiendra pas moins l’appel d’Olivier-Thomas Venard, car ce n’est pas à des accommodements superficiels que nous avons à procéder, mais à la réponse à l’appel que Dieu nous adresse dans sa Révélation.
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- SYRIE : ENTRE CONFLITS ARMES ET DIALOGUE INTERNE
- MESSAGE POUR LA JOURNEE MONDIALE DE LA PAIX
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI
- La paternité-maternité spirituelle en vie monastique est-elle menacée en Occident ?