Ces derniers jours du Synode sur la jeunesse, la foi et le discernement des vocations (pour donner au Synode son titre complet) ont vu le retour de plus en plus fréquent d’une créature autrefois assez floue qu’on appelle « Synodalité ». Les évêques votent sur le document final en fin de journée – et plusieurs questions cruciales restent en jeu.
A Rome, des observateurs cyniques disent que l’émergence du thème de la « synodalité » à cette heure tardive n’est pas un accident. Le langage explicitement LGBT qui était dans le Document de travail rédigé avant le Synode, a été effectivement rapidement bloqué par l’opposition fermement exprimée de douzaines d’évêques d’Afrique et d’autres parties du monde.
La première ébauche du document final contient encore un paragraphe sur les jeunes désemparés qui veulent une discussion « claire et ouverte » sur l’homme et la femme, l’orientation sexuelle etc., ce qui – si cela survit dans le document final – pourrait causer de grands dommages.
C’est pourquoi les Pères du Synode doivent résister fermement au moment du vote cet après-midi à ce langage de repli, parce qu’il est clair que c’est un Cheval de Troie. Quelques-unes des personnalités en vue au Vatican espèrent poursuivre ce qu’elles appellent une « élaboration » plus profonde de ces sujets en termes anthropologiques, théologiques et pastoraux.
Tous ceux qui connaissent bien les deux papautés précédentes pourraient penser que nous possédons déjà une élaboration riche, profonde et fidèle de ce genre de sujets dans la Théologie du corps, Familiaris Consortio, et des institutions comme, avant sa reconfiguration, l’Institut Jean-Paul II sur le Mariage et la Famille.
Ayant vu la façon dont l’Institut Jean-Paul II a été « reconfiguré », on n’aurait pas tort de penser que l’élaboration dont il est question peut en réalité en être davantage une répudiation– ainsi que celle de la longue tradition de l’Eglise sur le sexe, le mariage et la famille.
Dans une papauté qui souvent procède par voie d’ambiguïtés, ce langage – qui signifie tout et rien – ne peut pas tout simplement pas être autorisé. Bien que ç’ait été une nette victoire pour l’orthodoxie catholique que les termes trop forts aient été repoussés, on peut craindre formulation autorise potentiellement tout ce qu’on craignait au commencement. Et que certaines personnalités puissantes à l’intérieur et à l’extérieur du Vatican les mettent encore en avant.
Et ils ne s’arrêtent pas là. Quelques-unes d’entre elles ont suggéré de trouver un moyen de déclarer que le Document de travail, qui contenait un langage explicitement LGBT, soit décrit comme opérationnel d’une façon ou d’une autre, malgré les délibérations postérieures des évêques et le document final.
Mais agir ainsi, ce serait dire qu’on n’avait pas vraiment besoin du Synode. Si les préoccupations de ceux qui ont proposé aux évêques des thèmes à explorer continuent à se manifester, même si les évêques ne voulaient pas voir ces thèmes inclus à la fin de leur travail, tout le monde aurait pu aussi bien rester chez soi.
Et c’est peut-être la raison pour laquelle il y a maintenant un fort courant pour renforcer l’idée de synodalité en tant que réunion plus fréquente, presque régulière. En dépit des démentis du Vatican, cela ressemble de plus en plus à une transformation des synodes en législature périodique, ou – pire – quelque chose qui ressemble aux nombreux synodes des protestants datant des débuts de la Réforme, c’est-à-dire des synodes où les affaires catholiques peuvent être débattues, et, délibérément ou non, par là même mises en doute.
Vous n’avez qu’à imaginer ce qu’un jeune au courant par hasard du Synode sur la jeunesse a pu entendre. C’est quelque chose comme : l’Eglise catholique discute de la façon d’accueillir les gays – « en accompagnement », ce qui suggère que l’Eglise ne sent pas une grande urgence à ce qu’ils changent de vie. A la place, l’Eglise sent une urgence à les rencontrer maintenant à mi-chemin, quant à l’autre partie du chemin elle est à reconsidérer plus tard.
Selon des rumeurs – peut-être vraies, peut-être non – la nécessité de promouvoir la synodalité a conduit le pape François lui-même, contrairement aux statuts des synodes, à prendre part l’autre soir à l’ébauche du document final. Régulièrement, le synode est supposé présenter les délibérations des évêques au pape, qui peut ou les accepter ou les rejeter – ou même les ignorer.
Le cardinal de Vienne Christophe Schönborn, un allié proche du pape sur ces questions, a admis hier lors d’une réunion que la synodalité n’était pas très présente dans les documents originaux. Questionné sur la différence entre collégialité et synodalité, il a avancé que la collégialité était pour le pape et les évêques l’état normal.
Exactement comme Jésus a rassemblé ses Apôtres autour de lui, dès les premiers temps de l’Eglise, il était entendu que le pape et les évêques constituaient un « collège » de ceux à qui était confiée une administration pourvue d’autorité dans l’Eglise.
Synodalité, dit Schönborn, est un terme beaucoup plus large qui semble inclure tout un chacun dans une « marche en commun ». Ainsi pape, évêques, prêtres, religieux, laïcs jeunes et vieux, sont tous synodaux dans un sens nouveau. En même temps, a-t-il expliqué, être synodal ne signifie pas se débarrasser des fonctions et autorités traditionnelles.
Mais tout cela ressemble beaucoup plus à une façon de déplacer les responsabilités et de rendre l’Eglise plus horizontale. Pour commencer, depuis que Paul VI a émis l’idée de synodes occasionnels, ils ont toujours été appelés, comme d’ailleurs celui qui se déroule en ce moment, synode épiscopal.
L’Eglise peut toujours avoir des dialogues avec d’autres, catholiques ou non. A l’origine il s’agissait d’organiser des rencontres entre certains membres du collège épiscopal pour conseiller le pape sur des questions émergentes, non pour suggérer que les matières de foi ou de morale devaient être sujettes à redéfinition, comme chez les protestants on le fait souvent.
Le cardinal Reinhard Marx, avec qui je suis rarement d’accord, a dit certaines choses l’autre jour qui ne sont pas seulement vraies mais aussi importantes – bien que peut-être pas dans le sens où il les entendait. D’abord il a confessé qu’il était fatigué, après trois semaines du Synode, d’être constamment questionné sur les « mêmes choses », c’est-à-dire l’homosexualité, comme si c’était la préoccupation morale centrale du christianisme.
Moi aussi. Si vous plongez dans l’œuvre des grands saints, docteurs, confesseurs etc., vous trouverez peu de choses sur le sujet parce que – contrairement à certains catholiques modernes – ils pouvaient tenir pour acquis que les fidèles de Jésus n’en avaient rien à faire. Leurs véritables intérêts étaient ailleurs.
Et cela rend poignant son second point : » L’Eglise doit changer pour quelque chose de différent. » Il a spécifié qu’il voulait dire que documents et débats étaient bels et bons, mais qu’à la fin, il faut transmettre toute l’énergie aux structures, fonctions, rassemblements de l’Eglise, etc. (c’est ainsi du moins que la traduction simultanée l’a transmis).
Cette réponse met entre parenthèses, cependant, la question de ce qui va être transmis et de ce que cela va produire pour l’Eglise. Il est difficile de voir comment ce qui est jusqu’ici sorti du Synode sur la jeunesse va restructurer, ne disons pas sauver – l’Eglise allemande.
Par contraste, Eamoin Martin, archevêque d’Armagh et primat de toute l’Irlande, dans un commentaire a dit qu’il a appris certaines choses sur la nécessité d’incorporer davantage la jeunesse dans les activités de l’Eglise. Mais lors de cette rencontre avec la jeunesse à la fois en Irlande et au Synode il a été particulièrement frappé par la manière dont, dans un monde incertain où tant de choses changent si vite, la jeunesse aspirait à quelque chose de stable, fiable, digne de foi – précisément ce qu’une Eglise sûre de sa vérité peut fournir.
Ainsi donc nous verrons à la fin de cette journée les réponses à cette alternative. Les évêques vont-ils choisir une Eglise du changement qui va ressembler à la société qu’elle est censée évangéliser, ou va-t-elle se présenter elle-même comme l’Epouse infaillible du Christ ?
https://www.thecatholicthing.org/2018/10/27/which-future-for-the-church/
27 octobre 2018
Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/10/27/which-future-for-the-church/
Robert Royal est rédacteur en chef de The Catholic Thing, et président du Faith & Reason Institute à Washington, D.C. Son livre le plus récent est A Deeper Vision: The Catholic Intellectual Tradition in the Twentieth Century, publié par Ignatius Press. The God That Did Not Fail: How Religion Built and Sustains the West est maintenant disponible en livre de poche chez Encounter Books.