Le 11 février, fête de N-D de Lourdes quand la décision de Benoit XVI est tombée dans les rédactions, certains journalistes stupéfaits au point d’être en mal de commentaires ont dressé des lauriers à Nanni Moretti qui avait écrit le scénario deux ans auparavant dans son film Habemus Papam.
Loin de moi l’idée d’émettre un énième avis critique sur le film. Je ne dénie pas au cinéaste ses talents, mais ce film en particulier montre bien que le cinéma est avant tout un regard porté et singulier sur une réalité, et qu’en l’occurrence, il ne fait que montrer comment Nanni Moretti, en particulier, considère la fonction papale et le Vatican. D’autant qu’en interprétant lui-même le second rôle le plus important — celui du psychanalyste appelé au secours par les cardinaux affolés — il se place très égocentriquement au centre de son propre film. Et là, force est de reconnaitre que sa fiction n’a pas grand-chose à voir avec la réalité.
Certes la Curie n’est pas le pays des bisounours, comme l’a confirmé l’affaire Vaticaleaks. Mais la ressemblance s’arrête là, même si le cardinal Joseph Ratzinger n’a jamais caché qu’il ne souhaitait pas devenir pape. Qui le souhaiterait d’ailleurs quand on réalise la charge inhumaine que cela représente, tant au plan de la responsabilité spirituelle que la fatigue physique. Dans la destinée de Benoit XVI, il y a deux éléments que le cinéaste incroyant aurait bien eu du mal à prendre en compte, faute de les comprendre ; le premier c’est l’obéissance, c’est-à-dire se remettre librement entre les mains de Dieu pour faire sa volonté. Pas de sainteté sans obéissance et celle-ci, contrairement à ce qui est admis couramment, n’existe vraiment que dans la liberté. Or la décision de Benoit XVI, prise après 7 ans de service, qu’il ne se sent plus capable d’assumer selon l’exigence que lui dicte sa conscience, est celle d’un homme libre ; et non pas celle d’un homme prisonnier du Vatican et de sa dépression, comme l’imaginait Moretti. Fatigué comme peut l’être un homme de son âge qui garde une activité intense. C’est en pleine possession de ses moyens intellectuels et spirituels que Benoit XVI a décidé de renoncer avant qu’il ne soit trop tard.
Ceux qui s’imaginent encore, à l’instar de Moretti, que le Conclave n’est qu’une élection comme les autres ont pourtant eu un démenti plus que cinglant avec l’élection et le départ de ce Pape. Qui aurait pu imaginer il y a 7 ans d’une part, que le terrible cardinal Ratzinger serait élu par ses pairs et qu’ensuite il renoncerait de lui-même, prenant à contrepied toute l’Eglise ?
L’histoire est pour une fois plus belle qu’au cinéma, et Dieu s’amuse certainement de nous avoir, encore une fois, pris par surprise. A Moretti qui prétend lui-même avoir anticipé l’avenir et n’avoir plus rien à raconter, je conseille de reprendre la caméra et d’essayer cette fois de mettre un peu moins de lui-même dans son film pour tenter de comprendre ce qui lui échappe.