De la cérémonie de canonisation de dimanche, à Rome, je n’ai voulu retenir hier que le rayon de joie et de lumière qu’elle répandait sur nous à un moment difficile pour le monde. Mais on ne saurait négliger ce que signifie la sainteté en elle-même. Celle dont les dix nouveaux saints ont porté le témoignage durant leur vie. C’est une question centrale que le concile Vatican II a mise singulièrement en valeur en parlant d’une « vocation universelle à la sainteté ». Bien sûr, tous les chrétiens sont loin d’avoir atteint tous les degrés supérieurs de ceux que l’Église propose à l’exemple de tous. Ils n’en sont pas moins appelés à suivre les chemins de l’Évangile et de la charte des Béatitudes.
Ceux qui sont distingués pour entrer dans le calendrier liturgique, selon l’expression consacrée, se signalent par « l’héroïsme de leurs vertus ». Personnellement j’ai toujours marqué quelques réserves à ce propos bien que je ne puisse pas vraiment récuser la formule. Le pape est venu à mon secours dans son homélie de dimanche en précisant : « La sainteté n’est pas faite de quelques gestes héroïques, mais de beaucoup d’amour quotidien. » On pourrait traduire : la sainteté ne consiste pas d’abord dans une sorte d’aristocratie du mérite et de l’héroïsme. Ce faisant, explique encore François, « nous voyons la sainteté comme un objectif inaccessible, nous l’avons séparée de la vie quotidienne, au lieu de la rechercher et de l’embrasser dans le quotidien, dans la poussière de la rue, dans les efforts de la vie concrète. Et comme le disait sainte Thérèse d’Avila à ses sœurs, “parmi les casseroles de la cuisine” ».
Lorsque Jean-Paul II est venu à Lyon, en 1987, il avait cité Georges Bernanos : « Les saints, disait-il, ont le génie de l’amour. » Ce pourrait bien être la meilleure approche, qui ne contredit pas d’ailleurs les autres, car l’amour peut inspirer les gestes les plus humbles de la vie quotidienne, mais il peut aussi porter à l’incandescence le don de soi. Parfois jusqu’au martyre. Et ceux et celles qui ont été jusque là sont ceux qui nous appellent nous-mêmes, là où nous sommes, au génie de l’amour.