Depuis que j’assume cette chronique, on ne peut sans doute plus compter les fois où j’ai abordé le thème de la laïcité. Ce n’est pas une obsession de ma part, c’est l’actualité qui n’a cessé de m’imposer cette question qui est au cœur de notre équilibre social et se rapporte en même temps au cours de notre histoire nationale. Sans cesse, la fameuse loi de 1905 se trouve invoquée comme point de repère pour arbitrer nos débats. Et l’on fait bien. À cette différence près qu’on ne peut abstraire une loi de son contexte et des évolutions qui ont pu modifier sa pratique. Inutile de s’étendre sur la présence de l’islam qui aujourd’hui change le contexte parce que nous sommes en présence d’un univers religieux et civilisationnel très différent de celui du christianisme.
Une nouvelle polémique est venue ranimer le questionnement sur la nature de cette laïcité. En effet, la nomination de Mark Sherringham comme président du Conseil supérieur de programmes où il succède à Souâd Ayada, provoque la contestation du comité national d’action laïque, qui accuse l’intéressé de partialité religieuse en faveur du christianisme. Je note préalablement la qualité de Mark Sherringham, qui était déjà celle de la personne qui l’a précédé d’éminente compétence. S’il s’autorise à intervenir philosophiquement sur le contenu d’un enseignement qui ne peut être indifférent à l’enseignement de la religion, ce n’est pas en vertu de ses propres convictions, mais à cause de la pertinence d’un enseignement qui se doit de ne pas ignorer les grands courants qui s’attaquent à la vérité et au sens de l’existence.
L’école publique sous la IIIe République, ne craignait pas de s’attarder, par exemple, sur les querelles de la grâce au XVIe et au XVIIe siècle, simplement parce qu’il était impossible d’ignorer un aspect essentiel de la vie intellectuelle. Les protestations actuelles vont dans le sens d’un déni de la culture et semblent se rapporter à une conception de la laïcité qui érige un certain rationalisme antireligieux en doctrine officielle. Nous ne sommes pas en Union soviétique vient de rappeler Jean-Michel Blanquer.