Le centurion Marcus revient d’une campagne triomphale contre les barbares de l’Est. C’est un homme en pleine force de la jeunesse, passionné, impétueux, habitué à obtenir ce qu’il veut. Et ce qu’il dont il a envie maintenant est assez évident.
Une ravissante jeune fille nommée Ligia, qu’il regarde par une arcade menant au jardin intérieur. Elle joue à la balle avec un petit garçon, le fils de ses parents adoptifs, Aulus et Pomponia. Aulus est un citoyen Romain intègre, de la vieille école. Il vénère toujours les dieux domestiques ainsi que les dieux principaux de l’empire. Pomponia appartient à une bizarre, louche, nouvelle secte, qui s’est épanouie, comme bien d’autres malaises, en Orient.
Marcus a entendu d’horrible rumeurs à leur sujet, qu’ils haïssent le genre humain, qu’ils sacrifient des enfants et consomment leur chair, et qu’ils trahissent Rome. Il ne peut donner foi à de telles rumeurs concernant Pomponia. Elle est un exemplaire rare chez les Romaines, épouse d’un seul homme, toujours mariée à son seul et premier époux. Sa grâce et sa douceur répandent comme un parfum délicat dans la maisonnée. Ses serviteurs sont discrets, et pleins de loyauté envers leur maîtresse. Non, il ne se peut que Pomponia soit chrétienne.
Le décor est planté pour le célèbre roman de Henryk Sienkiewicz, QUO VADIS. Marcus va tomber amoureux de Ligia, ou, plutôt, éprouver ce que les patriciens de sa classe sociale appelaient l’amour, un désir furieux, parfois prêt à tout lâcher pour avoir sa compagnie, cajoler son adorable corps, humer le parfum de ses cheveux, et, par moments, une envie de broyer son esprit et de la soumettre à ses désirs.
Il tente de l’inciter à aller dans le palais de Néron pour la séduire au cours d’une orgie. Il essaie de l’enlever. Lentement il prend conscience que même s’il pouvait posséder Ligia de cette manière, il ne le souhaite pas car ce serait ruiner la qualité même qui le séduit tant en elle. Il apprend que Pomponia et Ligia sont vraiment chrétiennes et que les chrétiens sont non seulement innocents des accusations dont on les accable, mais encore qu’ils font partie d’une nouvelle catégorie d’humains. Toujours pécheurs, sans doute, mais Marcus n’a jamais rencontré des gens comme eux.
Tout d’abord, Marcus se sentit énervé, méprisant envers les chrétiens, même après avoir reconnu leur innocuité. Pourquoi ne pouvaient-ils jouir de la débauche? Quelle femme normalement constituée ne sauterait pas sur l’occasion de devenir la concubine d’un séduisant jeune patricien? Mettaient-ils un point d’honneur à refuser les simples plaisirs, à l’instar des cyniques? Mais les cyniques étaient amers comme le fiel, alors que ces chrétiens étaient doux, parfois à l’excès. Ce que Marcus commence à discerner, c’est que la conception du bonheur de Ligia lui échappe. Ses désirs humains — et elle est tombée amoureuse de Marcus — sont emportés et transformés en amour divin. Aimer Ligia, c’est l’aimer dans sa personne rayonnante.
Ligia devient le chemin du salut de Marcus. Non parcequ’elle le rencontre à mi-chemin, un peu débauchée vers un débauché, un peu pute vers un coureur de putes. Aurait-elle agi ainsi, Marcus l’aurait possédée selon ses pulsions, usant d’elle quelque temps, pour finalement s’en lasser.
On ne devient pas impur pour l’impureté, malhonnête pour la malhonnêteté. De tels états n’exixtent pas pour eux-mêmes, ils résultent de défaillances ou de dépravation. On ne donne pas à manger du carton à un homme qui a faim. On lui donne de la viande et du pain. À un homme grelottant de froid on ne donne pas des guenilles. On lui donne des vêtements.
L’homme moderne est comme Marcus. Il ne sait plus à quoi sert son corps. Il a perdu le sens de l’intégrité de la personne, corps et âme, pour, avec Dieu, préparer la vie future. Au mieux, il a une vision floue de l’amour éternel pour lequel nous avons été créés. Il a faim, il a froid.
Alors que notre civilisation se suicide lentement, le chrétien, actuellement plus que jamais, est appelé à se distinguer en portant le témoignage du pouvoir du Christ par une vie exemplaire. Le monde autour de lui est en pleine débandade, socialement comme individuellement. Un mariage sur deux aboutit à un divorce. Il y a de plus en plus d’unions branlantes conclues pour quelque temps, ayant des enfants puis du désamour, ne passant pas par l’église (ou la mairie) pour commencer et se rompant comme c’est trop prévisible.
La vie en commun n’existe pratiquement pas. Les voisins ne se connaissent pas. De l’école maternelle au doctorat, il n’y a aucune perspective homogène de l’instruction, juste un peu de ci, un peu de ça. Une seule chose est très répandue, c’est la fraude. L’homme furieux s’il découvre une surfacturation de son garagiste ne voit rien de mal à séduire la petite amie d’un autre homme. La femme qui appelle la police en voyant sa voisine donner une fessée à un gamin insupportable protestera de même en manifestant pour le droit des femmes à tuer l’enfant qu’elles peuvent porter en leur sein.
Je ne prétends pas que l’homme moderne est un hypocrite. Il est à la fois meilleur et pire qu’un hypocrite. Meilleur car ne trahissant jamais les valeurs morales qu’il souhaite se voir reconnaître. Pire, car il n’a en fait aucun code moral à trahir.
L’homme moderne doit saisir une vertu mettant plus d’âme dans le corps, rassemblant les désirs naturels sur un axe unique vers la sainteté. Cette vertu, c’est la pureté. On en reparlera.
Pour aller plus loin :
- Quand le virtuel se rebelle contre le réel, l’irrationnel détruit l’humanité
- Jean-Paul Hyvernat
- INTRUSION DE LA THEORIE DU GENRE A L’ECOLE ET DANS LA SOCIETE
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Sur le général de Castelnau et le Nord Aveyron.