Provisions pour le Président en Algérie - France Catholique
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La justice de Dieu
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Provisions pour le Président en Algérie

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Notre président va rendre une visite normale au chef de l’État algérien : avant qu’il ne s’y rende, la tête couverte de cendres, je voudrais lui fournir des provisions de bouche, lui qui veut absolument que la France se repente et se condamne d’avoir si mal agi en ce pays qui était bien loin de former une nation et qui me semble-t-il est encore bien loin d’en être vraiment une.

Ces provisions je les puise dans le dernier numéro de la revue Les SAS1, bulletin historique des Anciens des Affaires algériennes et sahariennes. Je fus pendant sept mois un des derniers officiers SAS : je fus pendant trois mois affecté à la SAS de Tizi Renif, mais en sa dépendance de Tirylt Oukerouch (j’ai du mal à me souvenir de l’orthographe exacte de ce nom propre) dont dépendait le petit poste d’Ouled Itchir ; pendant deux mois mis à la disposition de la SAS de Mechtras, au pied du Djurdjura et les deux derniers mois replié au siège d’Alger afin d’accomplir une mission photographique pendant laquelle j’ai visité une vingtaine de SAS : hélas, confiant toute la documentation rassemblée mais sans garder de notes. Je suis en train de mettre sur le site des Cahiers Bleus2 les réflexions écrites au fil des mois et que j’ai publiées en 1963 dans la revue Itinéraire puis, bien des années plus tard en ces mêmes éditions des Cahiers Bleus.

Toutes ces précisions pour faire comprendre à quel point cette période de ma vie est restée profondément ancrée dans ma mémoire, quoiqu’elle soit fort défaillante ; à quel point également j’ai aimé faire le travail qui était celui des SAS.

Aujourd’hui il m’importe, non de faire un compte-rendu exhaustif de ce numéro, mais de relayer certaines des informations fournies par le Comité de Défense des Français d’Algérie : afin notamment de permettre au chef de l’État français de présenter quelques arguments propres à réfuter les exigences du Président Bouteflika… même s’il est bien probable que seuls les lecteurs de la France Catholique puissent en prendre connaissance.

Ces provisions annoncées sont constituée essentiellement d’un petit choix de citations d’Algériens s’étant exprimés depuis le départ de la France.

M. Abderrahmane Fares écrit donc : « S’il est en Algérie un domaine où l’effort de la France ne se discute pas c’est bien celui de l’enseignement. On doit dire que l’école a été un succès certain. Les vieux maîtres, les premiers instituteurs, ont apporté toute leur foi pédagogique ». Certains, nombreux, y ont laissé leur vie. Un souvenir atroce : en décembre 1961, on était venu en voiture me chercher à Alger, au pied du paquebot Ville d’Oran, pour m’emmener à Tizi Renif. Peu avant notre arrivée, je vois sur le côté droit de la route, légèrement en contrebas, une « jeune ruine ». J’interroge et le chauffeur me répond : « C’était une école neuve. Un matin, lorsqu’un des trente élèves a ouvert le pupitre de sa table l’école a explosé. Tous les trente sont morts, tous enfants de familles kabyles. L’instituteur était un jeune du contingent. »

« La scolarisation française en Algérie a fait faire aux Arabes un bond de mille ans », ajoute Belkacem Ibazizen. Mais ce ne fut pas que dans ce domaine, preuve en est donnée par M. Boualem Sansal : « En un siècle, à la force des bras, les colons ont, d’un marécage infernal, mitonné un paradis lumineux. Seul l’amour pouvait oser pareil défi… Quarante ans est un temps honnête, ce nous semble, pour reconnaître que ces foutus colons ont plus chéri cette terre que nous, qui somme ses enfants ! »

Ce n’est pas toujours facile, en l’Algérie totalitaire d’aujourd’hui, d’oser ainsi témoigner. La journaliste Malika Boussouf n’hésite cependant pas à écrire : « Si les Pieds-noirs n’étaient pas partis en masse, l’Algérie ne serait peut-être pas dans l’état désastreux dans lequel elle se trouve… ». M. Boualem Sansal complète : « Trente ans après l’indépendance, nous voilà ruinés, avec plus de nostalgiques que le pays ne comptait d’habitants et plus de rapetouts qu’il n’abritait de colons. Beaucoup d’Algériens regrettent le départ des Pieds-noirs. S’ils étaient restés, nous aurions peut-être évité cette tragédie. » Ces remarques sont corroborées d’une certaine façon par ce dont fut témoin l’un de mes amis, tout à fait favorable à l’indépendance algérienne alors que j’étais encore, dans les années qui suivirent mon retour, partisan d’une formule proche de ce que l’on nommait l’Algérie française. Il terminait son parcours au sein de l’ENA : il fit partie d’un groupe envoyé visiter ce pays qu’il ne connaissait pas, quoiqu’il eût exprimé le désir d’y être envoyé lors de son service militaire que nous avions commencé ensemble. Son étonnement fut immense lorsqu’un Algérien, dans une rue d’Alger, le tira par la manche pour lui dire en secret : « Alors, c’est bientôt fini l’indépendance ? » Il est bien possible que certains encore aujourd’hui traîne avec eux cette « nostalgie » d’une époque qui ne fut pas essentiellement ce que nous racontent depuis 1954, en un véritable lavage de cerveaux, les gros médias français …

Je ne sais si la présence des Pieds-noirs eut évité la dérive islamiste connue depuis et surtout empêché le pouvoir du FLN d’installer sa dictature… Mais il n’est pas inutile de rappeler un propos de Ferhat Abbas, remarque de lui qui ne m’étonne pas et que j’ignorais : « La France a commis un crime ! Elle a livré le peuple algérien aux tueurs et aux assassins ». Depuis si longtemps que moi-même, en mes obscurs écrits, je porte cette accusation gravissime : la retrouver dans la bouche de celui que la France n’a malheureusement pas écouté m’a replongé dans les effrois et deuils qui m’habitèrent longtemps après mon retour. Dans ce numéro, l’ancien chef de la SAS de Beni Dergoun, près de Mostaganem, M. Alain Briffod, livre son témoignage sur ce que fut le destin des harkis de sa région, sur ce que fut l’attitude, ignoble et cynique, des autorités françaises à leur sujet : il écrit « Les conditions de notre retrait d’Algérie […] jettent une tache morale sur un pays qui prétend donner au monde des leçons d’humanisme. Elles constituent, pour les acteurs qui l’ont subie, une blessure qui ne peut cicatriser. » Oui, comme moi-même l’avais écrit, la blessure est fichée au creux de la poitrine et ne mourra qu’à notre dernière seconde.

Quand Nasser rendit visite officielle au « président » Ben Bella, il fut étonné par la qualité et l’abondance des équipements qu’on lui fit visiter, au point d’avouer qu’on était loin en Égypte d’en posséder de semblables… Un homme d’État syrien confia à Ferhat Abbas : « L’œuvre de la France est admirable ! Si la France était restée vingt ans de plus, elle aurait fait de l’Algérie l’équivalent d’un pays européen ». Ce que confirme M. Bachir Ben Yamed, directeur de la revue Jeune Afrique : « À son indépendance, nul pays extérieur au monde occidental, Japon et Afrique du Sud exceptés, ne disposait d’une infrastructure aussi développée que celle de l’Algérie ».

Alors faut-il vraiment aller s’humilier, s’agenouiller mentalement, moralement, devant celui dont le passé n’inspire pas l’admiration et qui ose porter contre notre pays des accusations gravissimes quoique sans fondement : faut-il vraiment lui offrir le cadeau d’une repentance assortie d’une reconnaissance impensable, celle d’un « génocide » dont les historiens sérieux et non embrigadés savent parfaitement que rien de semblable ne fut commis par la France. Qu’il y ait eu, au cours des guerres, de lamentables excès, qui le nieraient ? Mais ce ne fut pas la dominante, très loin de là, de l’action de la France, c’est-à-dire essentiellement des populations venues de métropole comme des pays du pourtour occidental de la Méditerranée. Rappeler que, pendant la présence française, la population indigène a triplé… Curieux génocide…

  1. Association des Anciens des Affaires Algériennes – 7, Rue Pierre-Girard, 75019 Paris. Président : Daniel Abolivier. Numéro cité : Les SAS, n° 38, d’octobre 2012.
  2. Adresses : www.parvis-des-alliances.com et www.cahiers-bleus.fr