Charles péguy faisait une distinction entre la pauvreté et la misère, cette dernière étant d’une autre nature que l’absence d’aisance matérielle : une véritable déchéance qui entraîne l’impossibilité d’assumer sa dignité. Nous sommes bien obligés de constater que le vingt et unième siècle n’a pas du tout conjuré la misère, dont beaucoup pensaient qu’elle reculerait graduellement grâce au progrès irréversible de l’expansion économique. Il suffit d’ouvrir le dernier journal pour le constater. Il paraît presque normal — étant donné la situation de guerre civile — que dans la capitale de la Somalie, les réfugiés qui affluent pour fuir la famine, souffrent de maux dont on ne parvient pas à les délivrer : malnutrition, rougeole, diarrhées… Mais même le pays le plus riche de la planète, les États-Unis, voit le nombre de démunis croître sans cesse. Plus de quarante millions de citoyens américains seraient en situation de précarité. Et la Grèce ! Un nombre grandissant de personnes affectées par la récession économique vont mendier leur repas auprès des associations caritatives. Hier, c’était aussi chez nous cette nouvelle accablante d’un incendie dans un squat de Pantin qui a fait six victimes…
Comment réagir à l’accumulation de faits exprimant la permanence ou la progression de la misère ? Sans doute faut-il d’abord ne pas abdiquer à un moment où l’on risque de se replier sur soi dans l’espoir d’échapper au mauvais sort. Garder aussi sa puissance d’indignation qui est légitime si elle se transforme en puissance de compassion et surtout d’entraide ! Il y a ce qui est à notre portée, par exemple dans les paroisses où les mouvements caritatifs ne manquent pas. Mais il y a aussi les choix politiques à orienter. Ainsi les dirigeants du G20 sont-ils confrontés à des choix impérieux en matière agricole. Comment stabiliser les prix et soutenir les producteurs locaux des denrées alimentaires ? Pour cela, il faut peut-être prendre quelque distance avec les règles de la concurrence et la dictature des marchés financiers. Plus que jamais la solidarité doit s’affirmer comme l’impératif premier de la vie sociale et des relations internationales.