Note : ce texte a été écrit début février
En ce moment, j’écris près d’une large fenêtre, contre laquelle le vent vient s’écraser, gémissant et hurlant dans toutes les fissures qu’il peut trouver. C’est une superbe scène de milieu d’hiver, ici dans le Grand Nord : températures arctiques, fréquentes tempêtes de neige avec blizzard et accumulation d’énormes congères, ici dans le centre-ville de Toronto.
Dehors, c’est la Nature. A l’intérieur de mon petit appartement, c’est la Civilisation, si chaude, si douillette et si précaire. C’est seulement à travers la Connaissance, de la plus modeste sorte, que je peux savoir que l’hiver passera, que le printemps viendra et même un jour, des vagues de chaleur. Appelons cela « recherche historique » au plus bas échelon.
Ou : « les civilisations naissent et meurent ». L’hiver est sur celle-ci maintenant, notre propre mort est constamment devant nous. Celle que nous nommons avec désinvolture « civilisation occidentale », autrefois si puissante, subit des attaques féroces et barbares, non seulement sur ses frontières mais de l’intérieur même des institutions qu’elle a créées. Ceux qui ont la grave responsabilité morale de les faire respecter baissent leur culotte.
Je pourrais ajouter un millier de liens internet, mais les lecteur d’un site internet comme celui-ci sont bien au courant de ce qui se passe, par exemple, dans TOUTES les universités de Lettres. Ma propre attention a été récemment captée par la trahison des Lettres Classiques. J’ai été conscient des « tendances progressistes » toute ma vie adulte, mais maintenant la révolution est venue, et tout l’organisme a été vidé de sa substance.
Peut-être naïf, je ne pouvais pas tout à fait croire que les terroristes intellectuels de la Gauche païenne porteraient beaucoup d’intérêt au latin et au grec. Sûrement qu’ils considéreraient l’histoire ancienne et l’archéologie comme trop décadent pour s’embêter avec.
Ce fut pareil, précédemment, dans chacune des humanités qui ont été infiltrées puis détruites par des idéologues sans vergogne. Ils n’avaient rien à faire là, n’avaient aucun attachement pour les disciplines telles qu’ils les avaient trouvées, ne trouvaient aucune joie dans les beautés révélées par chaque discipline. Comment en sont-ils même arrivés à envier les érudits qui prenaient du plaisir dans les arcanes de chaque matière ?
L’organisme s’est d’abord accommodé du parasite : « vivre et laisser vivre ». Cela semblait une irritation, non une menace sérieuse. Les cellules du voisinage allaient les vaincre. Elles ne l’ont pas fait, ce qu’elles auraient pu faire dans un corps en très bonne santé. Le parasite s’est développé ; il se nourrit de tous les tissus sains qu’il trouve. Il se propage, il métastase. Soudain, il est partout, et ne mourra qu’avec le patient qu’il tue.
C’est maintenant le tour des Lettres Classiques d’être éviscérées de la sorte. Essayez de défendre cet organisme et vous serez accusé de « suprématie blanche ». Si vous êtes un homme blanc, vous serez mis en accusation pour cette seule raison. Défendez-vous, et vous serez publiquement vilipendé pour racisme hypothétique et misogynie.
Et nous somme supposés prendre des leçons sur le racisme et la misogynie de gens qui ne se préoccupent que de notre « identité de genre » et de la couleur de notre peau. L’absurdité est manifeste dans chaque slogan radical.
Il n’y a pas plus puant que « équité ».
Pourtant c’était une gloire de notre civilisation d’avoir découvert les gloires de tant d’autres. Ceux qui condamnent « les mythes de la civilisation occidentale » dépendent invariablement de ce qu’elle a découvert et préservé pour construire leurs mythes « alternatifs ».
Les vents hurlants s’insinuent dans chaque fissure. Les gens qui détruisent notre civilisation se fichent des conséquences. Ils sont en train de tuer l’organisme qui les garde au chaud et au sec, à l’abri des blizzards de la rude nature. Ils brisent nos jolies fenêtres, pour que la tempête pénètre contre nous, mais aussi contre eux. Nous gelons ensemble.
Ceux capables d’apprécier leur propre dépendance à la civilisation – qui n’est jamais une abstraction ; qui est toujours un organisme spécifique, incarné, et par là imparfait – sont seuls capables de la défendre. Nous devons ici évaluer notre faillite à enseigner les connexions entre les choses.
On est dans une obligation prudente de reconnaître ce qui vous garde en vie. J’écris « obligation » parce que « prise de conscience de l’évidence » glisse vers la vérité morale. Nier les parents et protecteurs qui nous soutiennent – le « patriarcat » s’il vous plaît de l’appeler ainsi – c’est vivre un mensonge. Vous ne vivez pas sur votre petit nuage ; vous tirez votre subsistance de la terre cultivée.
A cet égard, les catholiques sont privilégiés. La « civilisation occidentale » actuellement en butte à des attaques impitoyables est chrétienne par essence, donc catholique par excellence. Elle doit son intégrité à une création chrétienne à la fois romaine et grecque. Elle a ses racines en Grèce, Rome et Israel, et même en Egypte, en Mésopotamie et autres lieux éloignés.
Caractériser notre entière civilisation comme une imposture raciste est un acte totalement illégitime. C’est une attaque meurtrière contre le catholicisme lui-même et contre l’Eglise dont les membres diversement colorés habitent toutes les nations modernes. Tous devraient se sentir concernés.
Exprimer un regret n’est pas une protection. L’idée que nous devrions nous réfugier dans les collines quand nous sommes en fait poursuivis par des bêtes sauvages n’est pas une stratégie possible. Comme chrétiens de longue date, nous n’avons pas de tels choix.
Notre défense requiert de placer haut les enjeux. Plutôt que de subir la tyrannie de l’imbécile moral en protestant tant bien que mal, nous devrions lui forcer la main. C’est ce que faisaient les premiers chrétiens face au paganisme romain. C’est ce qui nous a toujours été demandé ; tout chrétien est « enrôlé » par le baptême.
En termes raisonnés, cela revient à cela. Pour nous vaincre, les slogans ignorant ne feront pas l’affaire ; manifestons notre mépris pour ce qui est méprisable. Finalement, l’ennemi devra nous tuer. Alors nous vaincrons pas notre martyre. Ils peuvent décortiquer cela comme ils veulent, ils ne peuvent pas gagner.
Et vraiment, l’histoire raconte le récit réjouissant de l’extinction de tous ceux qui ont persécuté les juifs et les chrétiens.
Comme stratégie, celle du Christ militant met en échec celle de Sun Tzu, de Clausewitz et de tous les autres. Elle a toujours été déconsidérée ; elle a toujours triomphé.
Comme catholiques, nous avons le privilège d’avoir hérité d’une civilisation dont les réalisations ont surpassé toutes celles des autres civilisations ; qui a duré plus longtemps qu’elles pour devenir le noyau d’une civilisation mondiale. C’est notre privilège, comme catholiques, de la comprendre, de la défendre, de la faire de nouveau aller de l’avant.
David Waren est ancien rédacteur du magazine Idler et chroniqueur dans des journaux canadiens. Il a une profonde expérience du Proche-Orient et de l’Extrême-Orient.
Illustration : photo de Toronto
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/02/01/catholic-privilege/