Privés de messe ? - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Privés de messe ?

Une partie des catholiques du monde sont privés de participation à l'eucharistie. Cette épreuve spirituelle peut aussi être l'occasion de redécouvrir cet extraordinaire sacrement, et de nous préparer à le recevoir de manière renouvelée.
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Saint Jean Chrysostome encourageait à communier avec « pureté de cœur et conscience pure ».

Saint Jean Chrysostome encourageait à communier avec « pureté de cœur et conscience pure ».

Mosaïque du IXe siècle, Sainte-Sophie

Quand on n’a pas choisi une situation, c’est que le Bon Dieu l’a choisie sans nous demander notre avis, et cela pour nous obliger à entendre des choses que nous n’aurions sans doute pas voulu entendre autrement ! C’est ainsi qu’en nous privant de la messe, il nous invite certainement à approfondir notre perception de l’eucharistie, pour nous préparer à mieux en vivre la célébration le jour où elle nous sera rendue.

Pour dilater l’espace intérieur

Profitons donc de notre sédentarité forcée pour découvrir ce que la Tradition appelle la « communion spirituelle », sans laquelle nos communions au cours de la messe ne porteraient de toute façon pas tous ses fruits.

Commençons par remarquer que l’Église n’a jamais mesuré la grâce de l’eucharistie à la fréquence de la messe : un saint Jean Chrysostome (vers 350) déclarait au IVe siècle, sans choquer son auditoire : « Bien des chrétiens, en toute une année, ne participent qu’une fois à ce sacrifice ; d’autres, deux fois ; d’autres, souvent. Dans le désert, les solitaires n’y prennent part qu’une fois l’an, souvent même à peine une fois en deux ans. Mais, après tout, qui sont ceux que nous approuverons le plus, de ceux qui communient une fois, de ceux qui communient souvent, ou de ceux qui communient rarement ? Pas plus les uns que les autres, mais ceux-là seuls qui s’y présentent avec une conscience pure, avec la pureté du cœur, avec une vie à l’abri de tout reproche » (Sur l’Épître aux Hébreux, Homélie XVII, 4).

L’eucharistie, plus que la messe

Cette élasticité nous surprend aujourd’hui, mais elle a de quoi nous rassurer dans les circonstances actuelles : elle nous montre que l’eucharistie est beaucoup plus que la messe. Il est éclairant, par exemple, de constater que les chrétiens du Japon ont été privés de messe durant plus de trois siècles, tous les prêtres ayant été martyrisés en 1587, mais que les missionnaires qui sont revenus vers eux au XIXe siècle ont découvert dans ces communautés sans messe une foi eucharistique absolument intacte. Il est éclairant aussi de voir l’aisance avec laquelle l’Église a varié dans sa pratique de la sainte communion : jusqu’au haut Moyen-Âge, on trouvait très normal de faire communier les nouveau-nés dans les bras de leur mère – au Précieux sang, puisqu’ils étaient incapables de nourriture solide, et pourvu qu’ils fussent à jeun !

À la Renaissance, une sainte Thérèse d’Avila ne communiait qu’aux grandes fêtes, et avant Vatican II, une minorité de l’assemblée seulement recevait la sainte communion au cours de la messe. Qui oserait dire qu’ils étaient moins chrétiens que nous ? Aujourd’hui encore, remarquons que le diocèse de Milan, le plus peuplé de la terre pour le nombre de catholiques, ne célèbre aucune messe certains jours de Carême, selon une tradition qui remonte à saint Ambroise. Tout cela veut-il dire que communier, au fond, n’a guère d’importance ? Non, mais que la tradition eucharistique de l’Église est plus solide que sa pratique ne le laisserait supposer. Et c’est peut-être une première leçon à tirer de notre impossibilité actuelle de nous rendre à la messe. Mais restons-en à la communion spirituelle.

Le visible et l’invisible

C’est le moment de nous rappeler que le tout de la vie chrétienne est l’union du fidèle à la personne même de Jésus. C’est cette union que vise l’invitation de Jésus : « Prenez et mangez… » Ce geste alimentaire résume si bien la raison d’être de la messe, que saint Paul lui donne déjà le nom de « communion », comme s’il suffisait à lui seul à en exprimer la réalité profonde, celle d’une vie pleinement commune entre Jésus et nous : « Le calice que nous bénissons n’est-il pas communion au sang du Christ ? Et le pain que nous rompons n’est-il pas communion au corps du Christ ? » (I Co 10, 16).

Et cela, nous dit saint Jean Chrysostome, « parce que l’Apôtre a voulu exprimer par ce mot quelque chose de plus fort que les liaisons ordinaires, et marquer une union intime des fidèles avec le Christ » (Homélie XXIV, sur I Co 10).

Toutefois, le risque de concentrer toute la vie eucharistique sur ce seul geste serait d’en attendre un effet presque magique, attaché au fait que sous l’apparence du pain, c’est en réalité le corps du Christ que l’on mange.

Une relation que l’on vit

Certes, c’est bien son corps, mais qu’il s’agisse du Christ ou de quelqu’un d’autre, le corps comme tel ne fait pas de miracle : à travers lui, c’est la personne que l’on reçoit, c’est une relation que l’on vit, et comme telle absolument immatérielle, détachée du temps et de l’espace. Au point qu’en l’absence du corps, la relation subsiste, comme celle de deux époux momentanément éloignés l’un de l’autre.

Cette distinction entre le geste liturgique et la relation dans laquelle il s’inscrit, correspond à celle que la Tradition établit entre ce qu’elle appelle d’une part la communion corporelle, ou encore communion sacramentelle, et de l’autre la communion spirituelle. 

« Certains
, explique Jean Tauler (1300-1361), ne font que la communion spirituelle, sans recevoir le sacrement ; ce sont ces cœurs bons et purs qui soupirent après le Saint-Sacrement, au temps où l’on ne peut le leur donner. Ceux-ci reçoivent la grâce du sacrement, peut-être plus que ceux qui le reçoivent sacramentellement, toujours en proportion de leurs désirs et de leurs dispositions. Un brave homme peut ainsi communier cent fois le jour, qu’il soit n’importe où, malade ou bien portant : si sacramentellement on ne peut en aucun cas recevoir la communion plus d’une fois par jour, on peut cependant, avec des saints désirs, et avec dévotion, faire la communion spirituelle et en retirer des grâces et des fruits immenses » (Sermon XXXIII).

Voilà ce que nous chercherons à comprendre dans un prochain article.

Visiter Jésus

Voici les conseils donnés par le Centre Saint-Jean-de-la-Croix, fondé par le Père de Longchamp.

• Puisque les églises restent ouvertes, aller y visiter Jésus présent au tabernacle ou y passer un temps de prière autre (si le Saint-Sacrement n’y est pas conservé).

• À l’approche de la Semaine sainte, prendre soin des nombreux calvaires
de nos chemins ruraux.

• Aller chaque jour sur le site du Centre Saint-Jean-de-la-Croix,
où vous trouverez sous le titre Le texte du jour, une aide à vivre chaque jour de Carême à partir des textes de la liturgie. Ceux auxquels leurs loisirs forcés vont donner du temps, pourront y découvrir de nombreux moyens de formation spirituelle.