Prise de décision: à quel niveau ? - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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Prise de décision: à quel niveau ?

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Travailleurs (et patrons) : pas touche à la subsidiarité.

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L’Église catholique a apporté son soutien aux organisations syndicales pratiquement dès leur apparition au dix-neuvième siècle. Grâce, en partie, à l’influence de l’épiscopat américain, Léon XIII a cité le rôle des syndicats dans son Encyclique Rerum novarum (1891). Issus du droit naturel d’association, les syndicats ont vocation à personnifier une sorte de coopération sociale engendrant la solidarité et bâtissant des communautés durables.

Dans l’idéal, les syndicats sont un exemple du principe de subsidiarité, fondant et entretenant un espace vivable entre l’individu et l’action inévitablement contraignante du pouvoir. Dans l’idéal, les syndicats doivent nous rappeler que le marché, ô combien utile et nécessaire, doit être au service de l’homme, et non l’inverse. Dans l’idéal, les syndicats doivent nous rappeler que le travail n’est pas juste une activité, mais une vocation; par son travail l’homme participe à l’œuvre créatrice de Dieu.

Les syndicats nous rappellent que le gain personnel et l’intérêt privé sont parfaitement insuffisants pour construire des communautés concrètes. Les syndicats apportent la stabilité aux familles en aidant à garantir un revenu convenable et des gains appréciables pour ceux qui gagnent leur pain. Dans l’idéal, les syndicats servent, promeuvent, soutiennent le bien commun.

Mais qu’arrive-t-il quand les syndicats sont loin de l’idéal ? Quand ils franchissent la lisière entre la vigilance sur un marché capricieux de l’emploi et une action néfaste contre les entreprises qui offrent des moyens d’existence à leur personnel? Ou quand les syndicats prennent parti avec le gouvernement, échangeant leur soutien aux travailleurs contre des avantages politiques, piétinant le principe de subsidiarité; ou, factieux et partisans, transformant la solidarité de la communauté en « garde-à-vous, et marchez au pas »; cessant de servir les intérêts des travailleurs au profit des cadres du syndicat et des politiciens qui mangent dans leur main; violant, par l’intimidation ou même la violence, le droit de libre association pour servir leurs propres ambitions.

Que se passe-t-il quand les syndicats deviennent nuisibles au bien commun ?

Tout le bien et le mal qu’on peut dire des syndicats peut s’appliquer à bien d’autres institutions, y compris aux entreprises.

L’équité concerne les deux parties d’une transaction. Prenons l’exemple d’un salaire équitable. Ce n’est pas parce qu’il résulte d’un accord entre patron et employé qu’un salaire est équitable. Un travailleur trouvant un emploi pénible pour un dollar par jour, sans pause pour aller aux toilettes, peut accepter ces conditions, elles n’en sont pas équitables pour autant. De même, si une entreprise, cédant à la pression syndicale, accepte un accord collectif mettant en péril son avenir, l’accord n’est pas équitable. Les syndicats ne sont pas plus que les entreprises employant du personnel syndiqué exemptés d’un comportement équitable.

L’éventualité d’injustice est largement plus grande, aussi bien pour les entreprises que pour les syndicats, quand l’action gouvernementale s’insinue dans l’équation. Tout le monde sait bien que les grandes entreprises déversent des millions de dollars dans les caisses de campagne des deux grands partis. Ce dont on parle bien moins, c’est le montant — de loin bien supérieur — de la contribution des syndicats aux partis politiques.
Alors qu’il n’est pas bien difficile de deviner pourquoi ces groupes dépensent tant — les syndicats ont dépensé en 2010 plus de 144 millions de dollars en contributions de campagnes électorales et en lobbying selon un Centre d’analyse politique — on a peine à croire que c’est bon pour la démocratie. Comme les entreprises, les syndicats sont très conscients du retour sur leurs investissements. La manière de dépenser leur argent laisse croire que les syndicats comme les entreprises trouvent plus d’intérêt à courtiser les hommes politiques dont ils ont aidé l’élection qu’à négocier face à des interlocuteurs déterminés.

Ce qui nous ramène aux principes de l’enseignement social de l’Église catholique.

Si les lois et décrets deviennent l’instrument majeur d’arbitrage entre les entreprises et les travailleurs, le gouvernement a outrepassé sa fonction au détriment de la subsidiarité. Quand il s’agit de dirigisme — une espèce de course aux armements sociaux par la législation du travail — patronat et syndicats partagent la responsabilité.

La subsidiarité n’est pas tant de confier le pouvoir de décision à l’échelon le plus bas possible que le placer au meilleur niveau. En d’autres termes la subsidiarité peut être malmenée par le haut comme par le bas. Si des citoyens — ou des entreprises ou des syndicats — manquent à leurs obligations sociales, un autre organisme doit s’en charger. Généralement, le gouvernement. Mais il en résulte le vrai risque que l’état se substituant aux organismes défaillants, ceux-ci s’atrophient et deviennent de plus en plus dépendants, aggravant la situation.

Comme l’écrit Benoît XVI dans l’Encyclique Caritas in Veritate : « Le principe de subsidiarité doit être étroitement relié au principe de solidarité et vice-versa, car si la subsidiarité sans la solidarité tombe dans le particularisme, il est également vrai que la solidarité sans la subsidiarité tombe dans l’assistanat qui humilie celui qui est dans le besoin.» (NDT: cette citation de Caritas in Veritate est extraite de la version française officielle du Vatican – passage en italique conforme à l’original).

La Droite qui craint que « l’assistance sociale paternaliste » du gouvernement menace le pays devrait aussi s’inquiéter de la défaillance des syndicats — et du patronat — à leurs obligations de solidarité sociale, sans laquelle la subsidiarité « vers le bas » est impossible. La Gauche qui gémit à cause d’une « privatisation sociale » croissante ferait bien de perdre moins de temps à faire descendre le niveau de subsidiarité et s’inquiéter des entreprises — comme des syndicats — qui tentent de faire remonter la subsidiarité vers le plus haut niveau.

Une leçon bien compliquée, mais qui mérite réflexion en ce jour de fête du travail. (NDT: aux États-Unis, le premier lundi de septembre)

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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/trickle-down-and-bottom-up.html