Il leur dit : « Lorsque vous priez, dites : Père, . . . . » ainsi débute le bel enseignement de prière de la catéchèse [Lc, 11 : 1-13]. Il faudrait nous étendre sur ce premier mot : « Père ». Dire « Père » signifie : se dire « enfant ». Le dire implique inévitablement qu’on sait bien être enfant de Dieu. Ainsi donc le tout premier mot de la prière comporte le principe de la filiation divine — enfants de Dieu, avec le Fils, qui peut, Lui, par Lui, avec Lui, nous guider vers le Père. La prière du Chrétien repose sur cette vérité fondamentale. Toute prière vient de notre identité d’enfants de Dieu. Père est le premier et dernier mot prononcé dans la prière.
En fait, la demande directe qui scande la directive du Seigneur est déjà un signe de l’attitude d’enfant nécessaire à la prière. « Un de Ses disciples lui dit: Seigneur, enseigne-nous à prier. » La première étape dans la prière, comme pour ce disciple, consiste à sentir que nous ne savons pas prier comme il faudrait [Rm, 8:26]. La prière débute non pas par notre force et notre savoir mais par notre faiblesse et notre soumission.
Cette vérité écarte le vaniteux mais console quiconque a tenté de prier et s’est senti désarmé. Pour prier il nous faut reconnaître que nous devons y être instruits. En fait, chaque prière débute par : « Seigneur, apprends-moi à prier. »
La persévérance est un élément essentiel de cette prière d’enfant. Nous le voyons bien chez le Patriarche Abraham dont la prière précède celle des enfants de Dieu [Cf Gn, 18:20-32]. Dans sa démarche sur le sort de Sodome et Gomorrhe, il se comporte comme un enfant négociant l’heure d’aller au lit. Persévérant comme un enfant dont les idées sont arrêtées, y a mis tout son cœur, et ne sera pas rebuté, Abraham revient, puis revient encore vers le Seigneur avec une nouvelle suggestion.
Mais on trouve une remarquable différence entre la persévérance d’Abraham et la nôtre. Il en appelle à la justice de Dieu qui ne rejettera pas l’innocent avec le coupable. Il proclame : Le Juge du monde entier rendra-t-Il justice ? Oui, en vérité. Mais nous en appelons bien davantage à l’indulgence de Dieu. Nous Lui demandons de maîtriser Sa colère et de nous aider non en raison de nos mérites mais parce que nous en avons tant besoin. Notre faiblesse est un appel à Son aide.
C’est sur l’appel à l’indulgence du Père que notre Seigneur insiste par Ses directives. Nous avons confiance en la prière au Père non en raison d’un droit total à Ses dons mais parce que nous nous reconnaissons comme Ses enfants. C’est pourquoi nous pouvons persévérer dans notre démarche auprès de Lui. Car si nous, méchants, savons être indulgents envers autrui, combien mériterons-nous davantage l’aide de notre Père céleste ?
Bien sûr, sachant l’épouvantable sort de Sodome et Gomorrhe, nous pourrions croire qu’Abraham a perdu son temps. Qu’a-t-il récolté de ce marchandage? Rien, semble-t-il. Ce qui révèle une autre dimension à l’authentique prière de l’enfant, la soumission à la volonté du Père. Un enfant confiant sait bien que la volonté du Père est infiniment bonne. Si une prière reste inexaucée, c’est parce que le Pére sait mieux et a un meilleur choix à l’esprit.
Nous distinguons cette orientation dans la prière soumise d’un enfant, prière de notre Seigneur Lui-même : « Abba, Père, tout t’est possible, éloigne de moi cette coupe ; pourtant, pas ce que je veux, mais ce que tu veux. » [Mc, 14:36].
En un sens, le mieux est déjà obtenu par l’action même de prier. La prière d’Abraham n’a pas disparu en pure perte car il a ainsi fait grandir sa faculté de faire cofiance et d’entrer en relation avec Dieu. Oui, présentons au Père nos besoins terre-à-terre. Cependant, nous pouvons nous obnubiler sur l’apparente réponse à nos prières — le point central de la situation — que nous en négligeons l’effet intime que la prière peut nous donner.
Notre Père ne cherche pas à résoudre simplement nos problèmes. Il attend davantage de notre part. Il désire que, par la prière, nous nous rapprochions mieux de Lui, Lui confiant nos soucis. Et s’Il ne règle pas nos problèmes, c’est pour que nous éprouvions mieux Son pouvoir et Sa bonté en Lui donnant toute notre confiance.
Tout ceci nous mène à la conclusion mystérieuse de la catéchèse du Seigneur. « Combien notre Père du ciel donnera-t-Il davantage par l’Esprit Saint à ceux qui Le prient ? » Nous cherchons et demandons bien des choses par la prière. Nous frappons (parfois à grands coups) à la porte du paradis avec diverses demandes. Mais la réponse du Seigneur montre que la finalité de nos demandes n’est pas telle ou telle chose, mais bien mieux : l’intervention de l’Esprit Saint.
Notre Père répond toujours à nos prières (par oui ou par non) en vue de nous faire avoir ou grandir le don de l’Esprit. Nous pourrions n’avoir des intentions de prière que dans tel ou tel cas. Il attend davantage, car nous attirant davantage vers Lui, Il souhaite nous rapprocher de Lui. Il ne souhaite pas tant nous donner ce dont nous pensons avoir besoin ici et là dès à présent mais faire grandir notre union avec Lui.
Que nous en soyons conscients ou non, notre prière est toujours destinée à faire grandir notre sentiment de fils de Dieu. Quiconque prie du fond du cœurpeut crier Abba, Père !
28 juillet 2019
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/07/28/pray-like-a-child/
Le Pater Noster, par James J. Tissot (vers 1890) – Musée de Brooklyn.
Pour aller plus loin :
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