Pouvons-nous, s'il vous plaît, avoir notre propre Eglise ? - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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Pouvons-nous, s’il vous plaît, avoir notre propre Eglise ?

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Quand j’étais au collège, je suis allé voir les performances sportives de Whitney Ford sur le terrain du Yankee Stadium, en compagnie d’un ami juif et de son père. Sa mère nous avait préparé des sandwichs à emporter. Après quelques manches, nous les avons sortis — du rôti fort appétissant. Mais c’était vendredi. Et j’étais catholique. Comme juifs, ayant leurs propres prescriptions alimentaires, ils ont tout de suite compris. A cette époque, les gens tenaient pour acquis que des fois différentes aient des façons personnelles de suivre Dieu.

La famille de mon ami était largement assimilée et pas particulièrement observante. Lui est devenu l’un des hommes de loi d’Oliver North dans le procès de l’Iran/Contra dite aussi de l’Irangate 1. J’ai souvent repensé à ces jours où l’Amérique n’honorait pas la tolérance religieuse uniquement des lèvres. Elle — c’est-à-dire nous et les institutions supposées être au service du peuple — honorait aussi bien les différentes croyances d’une façon simple — généralement en silence, sans gesticulations théâtrales devant les caméras de télélvision.

Quand vous présentez de tels arguments de nos jours, inévitablement, quelqu’un se lève pour dire, oui, mais vous oubliez le racisme, l’inégalité de la femme et les autres préjugés de cette époque. Je ne les ai pas oubliés du tout. Mais quand quelqu’un essaie de changer de sujet sans avoir traité du problème posé, je n’oublie pas non plus que la dérobade a ses raisons.

C’est une bonne chose que d’avoir surmonté ces injustices passées, c’est est une moins bonne que d’avoir perdu la camaraderie civique et l’élémentaire équité envers les religions qui étonnaient autrefois les visiteurs venus en Amérique.

C’est incroyable pour certains, mais nous sommes aussi arrivés à une compréhension plus étriquée de ce qu’est une religion. Après tout, ne sommes-nous pas tous allés à l’université, n’avons-nous pas été en contact avec des communautés « différentes » ? Peut-être même avons-nous étudié d’autres cultures et leurs traditions religieuses ? Ou effectué des semestres d’étude à l’étranger ?

Peut-être, mais le plus gros de tout ça n’est que ce que Camus appelait « le bain de bouche habituel ». Les gens peuvent bien avoir une vague idée des différentes religions du monde, mais tous — croyants comme incroyants, à en juger selon les apparences — n’ont aucune expérience d’une foi réelle, vivante et riche.

C’est la seule explication possible aux violentes réactions de la semaine passée à l’égard de la déclaration du Vatican appelant à la réforme des ordres féminins en Amérique. Si vous la lisez de bout en bout, vous verrez que Rome félicite nos religieuses pour leurs nombreuses et très réelles contributions à notre vie religieuse et séculière. Mais elle est moins enchantée par les nombreuses et très réelles entorses à l’enseignement de l’Eglise Catholique de membres de l’équipe dirigeante de la Leadership Conference of Women’s Religious (LCWR), un regrettable reliquat d’une époque regrettable, à savoir les deux décennies qui ont suivi le concile Vatican II.

En d’autres mots, c’est la religiosité et la catholicité d’une partie de ces dirigeantes, clairement identifiée par Rome, qu’elle appelle à réformer. Ceux d’entre nous qui doivent beaucoup aux vieilles dames ainsi que beaucoup des religieuses nominalement « représentées » par la LCWR savent exactement ce que Rome veut dire.

D’une certaine façon, c’est superflu. Les ordres religieux féminins qui ont le plus fermement embrassé le programme des années 60 vieillissent rapidement, sans vocations nouvelles, et entreront bientôt dans les livres d’Histoire. Tout au contraire, les communautés nouvelles et déjà réformées demandent généralement de l’aide pour subventionner les nombreuses vocations qu’elles attirent.

Quoi qu’il en soit, les défenseurs de la LCWR n’ont pas un regard concernant une religiosité contestée ou la non-viabilité d’un mode de vie consacrée hautement sécularisé et déficient. A la place ils changent de sujet pour des choses que nul ne conteste, comme le travail des religieuses dans les hôpitaux, les écoles, les centres d’aide sociale, ce qui, pour les anti-Rome correspond à des activités religieuses — bien que cela soit plutôt du domaine du HHS.

Et comme les éléments les plus radicaux de la LCWR, ils jugent, je veux dire, ces adepte du non-jugement jugent Rome sur la base d’un féminisme hâtivement bricolé, de critères séculiers, de l’échec manifeste des évêques dans le traitement des abus sexuels et d’une conception de l’organisation de l’Eglise qui n’est et n’a jamais été catholique.

J’ai souvent demandé aux dissidents : pourquoi restez-vous ? Si vous pensez que Rome n’a pas autorité à déterminer la pleine vérité du christianisme, pourquoi lui rester lié ? Parler d’aller « plus loin que Jésus » ou de « l’évolution de la conscience », deux récents articles vedettes de la LCWR, a des relents prononcés des années 60 — et sonne non-catholique.

Dans les années 70, voyant le chaos post-conciliaire, même le théologien non conformiste Karl Rahner lançait un avertissement : « l’Eglise ne peut pas être une société de controverse : elle doit être capable de prendre des décisions s’appliquant à tous ses membres. Une telle exigence ne peut pas être a priori contraire à la dignité humaine… si l’homme est réellement un être social. »

C’est une description ambitieuse. Mais elle a des humbles applications. Dans beaucoup d’endroits, il y a probablement un édifice religieux proche de l’église catholique locale qui propose tout ce en quoi vous aimeriez croire : des femmes-prêtres, un clergé gay, des « mariages » homosexuels, des formes ordinaires et extraordinaires de la liturgie, des structures qui vous pemettent de picorer et choisir parmi les doctrines et pratiques religieuses. Cela s’appelle le Protestantisme, et c’est une option largement valable pour celui qui pense que c’est le bon choix.

Les protestants sont généralement des êtres humains tout à fait convenables, souvent plus fervents que le catholique moyen. Selon moi, leurs églises ne sont pas l’Eglise que Jésus avait en vue. Mais, comme Vatican II l’a déclaré, elles conservent toujours de nombreux et authentiques éléments de l’Eglise, Une, Sainte, Catholique et Apostolique. Et dans la mesure où il en est ainsi, c’est un choix honorable pour les personnes non convaincues, pour quelque raison, par le catholicisme.
Mais c’est irrespectueux, déloyal et choquant de la part des non-catholiques de reprocher à l’Eglise d’être catholique. Dites-nous que nous avons tort, mais ne nous dites pas — à nous et même à nos évêques — que nous ne comprenons pas le catholicisme.

Que les catholiques attirés par le protestantisme le reconnaissent loyalement. Si vous ne pouvez accepter l’enseignement de l’Église catholique, il est peut-être temps d’aller là où votre intelligence et votre cœur se trouvent déjà. Que Dieu soit avec vous. Et qu’Il puisse avoir pitié de nous tous.

Mais, pour l’amour de Dieu, quittez seul l’Eglise catholique, ne serait-ce que par simple respect pour ceux d’entre nous qui croient en Elle.

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Robert Royal est rédacteur en chef de The Catholic Thing, et président de l’institut Foi et Raison de Washington. Son plus récent livre, The God That Did Not Fail : How Religion Built and Sustains the West, est maintenant disponible en livre broché chez Encounter Books.


Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/can-we-please-have-our-own-church.html


Lire aussi :

Le Saint-Office met les sœurs américaines en pénitence

http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1350234?fr=y

  1. (On se rappelle la figure du lieutenant-colonel Oliver North dans cette affaire de vente d’armes à l’Iran et aux rebelles « Contra » (Nicaragua) sous la présidence de Reagan.)