Ce 12 septembre à Toulon, Mgr Dominique Rey a ouvert le procès de béatification de la petite Anne-Gabrielle Caron. Enfin un évêque qui prend au sérieux la sainteté d’une enfant ! Mais pourquoi donc l’Église catholique n’a-t-elle encore béatifié, encore moins canonisé aucun enfant, à moins qu’il ne soit martyr ? Les seuls jusqu’à présent étant Jacinta et Francisco de Fatima, béatifiés par saint Jean-Paul II en 2000 puis canonisés par François en 2017. Mais tous les enfants n’ont pas eu le privilège de voir la Sainte Mère de Dieu !
À ma connaissance, aucun autre ! Pas un seul ! C’est tout simplement incroyable, incompréhensible, inconcevable. Oui, pourquoi ? Voici une trentaine d’années, je rencontre le préfet de la Congrégation pour la cause des saints, à Rome, et lui pose la question. Sa réponse m’a sidéré : impossible de béatifier un enfant, parce qu’il ne peut avoir vécu aucune vertu de manière héroïque, étant « naturellement vertueux ». Sous-entendu : étant déjà saint « automatiquement ». J’ose lui rétorquer : « Monseigneur, on voit que vous n’avez jamais été papa ! » Est-ce ce « virus » idéologique qui continuerait à infester ladite Congrégation, et, avant cela, les évêchés ? Virus que seul jusqu’à présent Jean-Paul II a réussi à éliminer, et encore, une seule fois !
Je ne parle pas ici des adolescents, et encore moins des jeunes – non-martyrs ou non-religieux –, encore qu’il n’y en ait finalement qu’une toute petite poignée en sept siècles de canonisations ! Cela va de Dominique Savio à Carlo Acutis, en passant par Frassati et Chiara Luce.
Au seuil de la béatification
Pourquoi donc Anne de Guigné n’a-t-elle jamais franchi le seuil de la béatification, alors qu’elle a entraîné des générations d’enfants et d’ados sur le chemin de la sainteté, et continue d’obtenir des miracles à profusion ? Cela, c’était la génération de nos grands-parents. Mais plus proches de nous chronologiquement, il y en a tellement parfaitement canonisables. J’en donne de beaux exemples dans mon livre.
Parmi ceux qui sont un peu connus en France, grâce à une biographie, signalons, outre Anne-Gabrielle déjà mentionnée, Audrey Stevenson, le petit Philippin Darwin Ramos ou encore Ambroise Ficheux. Et bien sûr Jeanne-Marie Kegelin, violée et tuée à 10 ans, en Alsace.
Si eux ne sont pas saints, qui donc le sera jamais ? Je désespérerais de la sainteté.
Mais alors, pourquoi aucun évêque n’a-t-il encore introduit leurs causes ? Et pourquoi, alors que les évêques italiens ont envoyé bon nombre de procès à la Congrégation pour la cause des saints, celle-ci semble-t-elle toujours réticente ?
Thomas d’Aquin nous dit qu’un enfant est un adulte dans l’Esprit-Saint. Il peut faire preuve d’une maturité spirituelle, à faire pâlir les adultes, rejoignant les plus grands saints. Cela transparaît tout au long de cet autre de mes livres : Ton enfant, il crie la vérité. Catéchisme pour théologiens. Des enfants par millions attendent d’avoir au moins quelques-uns de leur peuple mondialement glorifiés.
Et puis il y a les plus grands d’entre eux, les plus puissants sur le cœur du Père : ces millions de victimes du mépris et de la haine de la vie, les Innocents de Bethléem d’aujourd’hui. Ceux de l’Évangile sont fêtés en rouge, donc célébrés comme les tout premiers martyrs pour Jésus, avant Jean-Baptiste et Étienne. Tout inconscients qu’ils en soient. Ceux d’aujourd’hui pourraient tous être globalement canonisés. Jean-Paul II l’a osé, de manière discrète, dans sa grande encyclique, plus actuelle que jamais, Evangelium vitae : « Ton enfant, il vit désormais dans le Seigneur. » C’est-à-dire dans sa Gloire.
Mais déjà ou pas encore béatifiés, j’ose leur appliquer ce que le cardinal Felici, alors préfet de la Congrégation pour la cause des saints m’écrivait sur les jeunes : « Faut-il nécessairement cette reconnaissance officielle de l’Église pour que leurs vertus rayonnent et que leur intercession au Ciel soit bienfaisante auprès des jeunes d’aujourd’hui ? Il suffit de les connaître, pour les aimer, pour les imiter, pour les invoquer. »