Il y a une question qu’un prédicateur catholique pourrait poser quand il scrute presque n’importe quelle assemblée. C’est une de ces questions « modernes » : « pourquoi donc sommes-nous venus ici ? Ne serions-nous pas plus heureux ailleurs ? »
Dans l’opinion du fidèle assis sur son banc, la même question peut surgir. Je présuppose qu’il est un « homme de peu de foi », comme la majorité des modernes. Il croit à moitié. Il a été élevé ainsi. Mais il se croit consciencieux.
Dans sa vie privée, il n’a pas commis de crime majeur, du moins aucun de ceux mentionnés dans le code pénal.
Il n’a pas d’opinion arrêtée sur ce que pourrait être un péché mortel. Dans une vie antérieure, il l’a peut-être su, mais depuis l’eau a coulé sous les ponts. Il peut y avoir en lui une certaine curiosité quant à ce que croit le prêtre ; mais en qualité d’âme moderne et émancipée, il sait que ce n’est pas son affaire.
Il est plus probable qu’il a entendu parler, dans tous les médias de divertissement de masse, de prêtres et de religieuses qui ont commis des délits choquants. Certains d’entre eux, il les a peut-être commis lui-même, sans trop s’en tracasser. La fornication, par exemple, quelle importance de nos jours ?
Qu’il se soit confessé et ait reçu l’absolution ou non – plus probablement non – il a oublié tout cela. Il a pensé : « tout le monde le fait ; Dieu ne va sûrement pas me punir pour être l’un parmi tant d’autres ? »
Mais c’est différent si un prêtre dérape gravement. Il porte un col romain ; il a prononcé des vœux. Nous le jugeons selon un autre standard qui ne laisse pas de place à l’hypocrisie. Je suis surpris – en fait non – du nombre de gens qui ne se considèrent même pas eux-mêmes comme chrétiens qui ont réservé « une place spéciale en Enfer » pour le clergé pécheur.
Cependant, pour en revenir à notre chrétien tiède sur les bancs de l’église, la question demeure : « pourquoi suis-je ici ? » Et la meilleure réponse que beaucoup vont fournir pourrait être « pour faire la chose à faire ».
Laissez-moi dire que j’aime ces gens. Ils ont déjà un pied dans le paradis. A leur niveau d’appartenance à l’Eglise, ce sont des chrétiens combatifs. Peut-être que le seul combat a été de se lever le matin (après tout, c’était dimanche), mais à leur modeste manière, ils l’ont fait pour Jésus.
Newman a dit que le premier pas vers la sainteté était de se lever le matin. C’est-à-dire, une fois éveillé, de sortir immédiatement du lit.
Je n’ai pas mes entrées dans l’esprit des gens. Je n’ai même pas de licence de psychologie (ou quelque diplôme que ce soit dans cette discipline). Le mieux que je puisse faire pour les comprendre est de remonter à mes propres expériences. J’ai souvent été parmi les non intéressés qui s’ennuient. Cependant, pas toujours.
Parfois, « l’idée de la présence réelle » m’a frappé, non comme un point d’une liste doctrinale à laquelle j’aurais souscrit, mais comme la Présence Réelle. Souvent, cela m’a été inspiré par une messe pieuse, avec le moins possible de distractions.
Mais plutôt que faire mon laïus habituel pour la messe traditionnelle en latin et les habits « traditionnels », j’aimerais revenir un peu à cet homme dont l’esprit s’occupe de futilités tandis qu’il sombre dans l’ennui.
Ne pas s’en faire est une réponse possible. Pourquoi devrait-il aller à ‘église quand il pourrait tout aussi bien s’ennuyer ailleurs , la réponse pourrait être quelque chose comme « j’en avais besoin tout comme j’avais besoin de prendre une douche ».
Je pense que nombre de modernes demi-croyants le font pour se donner bonne conscience. Ils peuvent bien éviter la confession, l’imaginant comme une douche froide, mais recherchent néanmoins une sorte de déodorant.
Pour cet état d’esprit, un mauvais prêtre est fatal. Car à moins que l’Eglise elle-même ne « sente bon », elle perd son attractivité. La faiblesse de la foi n’a pas besoin d’autre excuse. Le mauvais prêtre en tient lieu.
Combien souvent ai-je entendu quelque catholique de naissance ne pratiquant plus fulminer contre « ces prêtres » comme ils ont fait en Irlande, ayant pratiquement mémorisé une liste de l’histoire des crimes du clergé. Toute cette histoire de l’Irlandais sur son ancienne église est un unique et interminable acte d’agression sexuelle d’enfant et d’autres saletés.
Le fait qu’il n’ait jamais été au courant de quelque incident particulier aggrave les charges. Il n’a même pas été au courant de ce qui se passait en réalité. Cela s’est passé dans le dos de tout le monde, suppose-t-il. « Maintenant, nous savons la vérité ! »
La vérité qui lui fait face, à savoir que les catholiques comme lui sont ici aujourd’hui et partis demain – que leur propre loyauté à l’Eglise ne met guère de temps à s’évaporer – n’existe pas pour son amour-propre.
Mais de tels gens sont vraiment partis. Nous ne les reverrons pas. Ils ont construit une nouvelle foi, même si seulement en points négatifs, et en un sens ils appartiennent maintenant à une non-Eglise, ou anti-Eglise. Aucun apport d’information de peut contredire leur nouvelle opinion, essentiellement athée. Ils ne pardonneront jamais.
Aucune plaidoirie ne changera leur état d’esprit. Il y a eu des moments où Saint Paul lui-même, sur le chemin, a secoué la poussière de ses sandales.
Mon espoir est pour les distraits qui s’ennuient qui occupent vraiment les bancs des églises. On pourrait déjà dire qu’ils sont parmi les rares à notre portée. Dans la mesure où chaque baptisé est un missionnaire, ce sont des âmes confiées à notre mission.
Et ce sont, selon la définition marquante du Christ, nos prochains.
Ce qui ne signifie pas que nous devrions les harceler et les houspiller – une approche absolument contre-productive. Cela les conduirait seulement à nous éviter ou à souhaiter pouvoir le faire.
Le défi, selon moi, est de se lier d’amitié avec eux. La remontrance a sa place dans le tableau des choses, mais on doit d’abord considérer prudemment si la volonté errante est capable de supporter une réprimande.
Dans les circonstances actuelles, c’est un calcul fort délicat. Les dos se tournent rapidement dans notre « culture victimaire » environnante. Les défenses tombent cependant quand à la place d’argumenter on essaie vraiment de devenir saint.
David Warren est un ancien rédacteur du magazine Idler et chroniqueur dans des journaux canadiens. Il a une profonde expérience du Proche-Orient et de l’Extrême-Orient.
Illustration : « Le Bon Samaritain » par un artiste inconnu du 6e siècle [cathédrale de Rossano, Italie]. L’image est tirée d’un Evangile enluminé également connu comme le Codex purpureus Rossanensis en raison de l’aspect rouge pourpre de ses pages.
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/09/13/why-should-we-bother/