Envoyer quelqu’un en catéchèse dans la foi catholique ? « Ouh là, où peut-on l’envoyer sans que sa foi soit détruite ? » Préparer au mariage dans l’Eglise catholique ? « Ouh là, eh bien il va falloir s’en sortir. N’écoutez pas la majorité des idioties qu’on vous raconte. » Même chose quand les évêques envoient des séminaristes en formation. « Ouh là, où peut-on les envoyer sans qu’ils soient corrompus, et que leur foi soit déstabilisée ? »
Pourquoi sommes-nous constamment dans ce triste état où nous cherchons la moins mauvaise solution ? Pourquoi nos institutions d’enseignement catholiques ne sont-elles pas les meilleures du pays – et du monde ?
J’ai une amie qui travaille avec des séminaristes. Année après année, elle a affaire à des séminaristes qui ne savent pas écrire, et qui refusent de faire les lectures conseillées. Elle se plaint au recteur des études. « Oui » dit-il en secouant la tête, « nous avons besoin de mieux faire ». Mais ils ne le font jamais. Ils n’ont pas assez le souci de faire la différence. Nous voyons ceci tout le temps dans l’éducation. Cette sorte de « souci » est un sentiment, et non une vivante intention de faire quelque chose de concret. Passer plus de temps hors de la classe. Faire plus de tutorat. Faire davantage d’effort pour traiter des sujets difficiles.
A la place de cela, on a régulièrement des « réorganisations » dans lesquelles rien de substantiel ne change. On nous laisse faire à peu près toujours la même chose en utilisant des catégories différentes et on déplace les personnes en utilisant des titres différents. Alors les personnes en charge diront : « Nous avons une nouvelle initiative très audacieuse », alors qu’il n’y a rien d’audacieux ni de nouveau. Cette initiative nouvelle et audacieuse, en fait, est absolument similaire par son manque de profondeur aux cinq précédentes « audacieuses, et nouvelles », qui n’ont résolu aucun problème.
Et pour être honnête, personne n’a eu suffisamment le souci, après qu’on ait annoncé une quelconque de ces « nouvelles et audacieuses initiatives » de s’assurer qu’elles allaient résoudre le moindre problème. On l’avait annoncé.
Cela leur donnait bonne conscience. On disait que le nouveau programme résultait d’heures de « dur labeur » – c’est-à-dire de réunions sans fin de divers « groupes d’intérêt » qu’il avait fallu mettre d’accord. Le résultat était qu’on avait élaboré le plus petit commun dénominateur que tout le monde puisse accepter. Pas le meilleur, mais pas le pire. En fait, la moins mauvaise option possible.
Mon amie qui donne des cours aux séminaristes raconte avoir lu leurs devoirs dans les cours de « prédications supérieures ». Un tiers d’entre eux ont clairement plagié le texte de leurs devoirs. Elle fait un rapport. Rien ne se passe. Vous êtes-vous jamais demandé pourquoi les prêches sont aussi pitoyables ? Parce que nous avons des séminaristes qui ne lisent pas et ne savent pas écrire, et qu’on ne les oblige que rarement à le faire. Comment des séminaristes qui ne lisent jamais et ne savent pas écrire sont-ils supposés composer un sermon qui soit intelligent pour ne pas dire vivant. Que pourrait-on attendre de jeunes hommes si mal entraînés, sinon des platitudes pieuses ou un jargon idéologique ?
On trouve les futurs prêtres en train de tricher en classe sur des homélies supérieures, et leurs supérieurs se contentent de regarder ailleurs ?
Pourquoi ? Leur réponse : « On a besoin de prêtres » ! Non, en fait on a besoin de bons prêtres.
Et on n’en aura jamais, on ne les fera jamais évoluer, à moins de cesser d’accepter la médiocrité, et la moins mauvaise option, et d’insister sur l’excellence.
Mon amie, un jour, a reçu la visite d’un séminariste à la fin de l’année scolaire, qui lui a dit : « j’ai besoin de lire davantage ». Il voulait savoir ce qu’il devrait lire. Elle lui a recommandé les Confessions de Saint Augustin. Quand il est revenu après l’été il les avait lues, ainsi que Kristin Lavransdatter en entier (les 1000 pages). Il a dit que cela avait changé sa vie.
J’écris un livre d’introduction à la théologie morale. Tout le monde demande, « Pour quel niveau d’élèves écrivez-vous ? ». Je leur réponds : « Des lycéens avancés et des étudiants de premier cycle ». Je l’adapte au niveau de mes articles habituels pour « La chose catholique », mais chaque chapitre fait environ 20 pages ». Beaucoup de personnes répondent « non non non, on ne peut pas faire lire à des jeunes autant de pages et aussi difficiles. Ils ne le feront pas. Cinq ou dix pages d’un texte très simple est le maximum auquel on peut s’attendre. »
Vraiment ? Ce sont des jeunes qui ont lu les 7 volumes d’Harry Potter, et la trilogie entière du Seigneur des anneaux, qu’ils ont en grande partie mémorisés, et on ne peut pas leur demander de lire vingt pages de « La chose catholique » ? parce que c’est « trop dur », et « trop compliqué » pour eux ? C’est insultant. Et je ne crois pas que ce soit vrai. Pourquoi devons-nous toujours être tirés vers le bas par ce magnétisme de la médiocrité ? Pourquoi ne les défions-nous pas tout le temps pour qu’ils luttent pour davantage – luttent pour l’excellence ? »
Les athlètes olympiques s’entraînent sans cesse, comme le faisait remarquer Saint Paul. J’ai dans ma classe des enfants qui s’entraînent tellement en sport qu’ils ne peuvent plus monter les escaliers. Mais nous sommes tellement effrayés, comme des petits lapins, à l’idée de les troubler, si embarrassés par la foi, que nous n’osons pas leur demander de lire vingt ou trente pages qui pourraient changer leurs vies !
Nous attendons d’eux en sports qu’ils aient une excellence olympique, mais en théologie, nous leur donnons des niaiseries dignes de bébés. C’est méprisable. Et croyez-moi cela justifie leur mépris. Je me suis converti lorsque j’étais adulte, et je me souviens avoir été nourri de ces niaiseries tiédasses quand j’avais leur âge. J’ai tout recraché. Je ne me suis plus intéressé au christianisme jusqu’au jour où j’ai lu les Confessions de Saint Augustin, et le traité sur la loi de Saint Thomas d’Aquin en premier cycle d’étude supérieures. Alors j’ai pensé : « woah, ces gars-là sont vraiment quelqu’un. La religion n’est pas cette espèce de truc douceâtre. Là il y a une vraie nourriture. Maintenant, cela m’intéresse.
Je n’étais pas entièrement convaincu, mais en tous cas, rien dans les « trucs pour ados » n’avait jamais gagné mon respect ni attiré mon attention. « Revenez quand vous aurez quelque chose de sérieux à dire » pensais-je – aussi sérieusement que les gens qui ont fondé des sociétés, ou fait la guerre, ou atterri un avion de ligne sans moteurs sur le fleuve Hudson.
Les jeunes adultes aiment s’amuser, mais quand ils assistent à une conférence, ils veulent quelque chose de substantiel et de sérieux, sinon, ce n’est pas la peine de leur faire perdre leur temps. C’est pareil pour les séminaristes. Si on ne peut pas les convaincre de prendre leur vocation assez au sérieux pour lire des livres importants et pour ne pas tricher, alors, on ne devrait pas leur permettre de faire perdre le temps de tout le monde.
12/11/2019
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/11/12/why-not-the-best/