A une époque de « fake news », les lecteurs sont bombardés quotidiennement d’histoires – la plupart légitimes, mais parfois complètement inventées – alimentées par les réseaux sociaux. Le processus de collecte d’informations, la méthode par laquelle les journalistes rapportent les nouvelles et par laquelle les éditeurs déterminent la valeur des histoires est devenue de plus en plus une pomme de discorde.
Les lecteurs n’acceptent plus aveuglément les comptes rendus dans les journaux du matin, ou dans le flot continu des comptes twitter. Des erreurs de négligence, des partis-pris manifestes, et les élections présidentielles de l’année dernière, tout ceci a concouru à alimenter l’idée que la presse traditionnelle a perdu le contact avec l’américain moyen.
De fait, l’Internet est devenu pour les journalistes à la fois une chance et, de plus en plus, un défi.
D’après mon expérience, les salles de presse manquent de diversité. Alors que la diversité, sur le marché du travail est le but de toutes les entreprises, il n’y a pas d’industrie qui en ait plus besoin que le journalisme. La diversité dans les salles de presse amène aux grandes idées, à de meilleurs débats, et à une meilleure couverture des nouvelles. Le problème ? On considère souvent que ce qui fait la diversité, c’est la race ou le genre. Y a-t-il suffisamment d’Afro-américains dans le personnel ? Devrions-nous recruter une autre femme ? Voilà les questions avec lesquelles les entreprises de journalisme sont aux prises, à huis clos, chaque fois qu’il y a un recrutement possible.
Ce sur quoi les employeurs ne perdent jamais le sommeil (et ne parlent même jamais) c’est de savoir s’il y a suffisamment de bons catholiques dans leur salle de presse ou si ils ont besoin de recruter un vrai croyant – de n’importe quelle foi – pour rendre compte de ce qui se passe dans le monde et dans la communauté. Croire en Dieu est Tabou dans la salle de presse.
Dire qu’il y a un angle mort dans le recrutement est un grand euphémisme.
Mais cela fait une vraie différence dans la manière dont des questions importantes telles que l’avortement et le mariage homosexuel sont traitées par les organes de presse comme le New York Times et le Washington Post. La couverture médiatique peut faire balancer l’opinion publique et aider à déterminer les lois et la politique. Elle a un impact sur les mœurs sociales et elle est réalisée en grande majorité sans que des personnes croyantes occupent des positions clef.
Il n’y a pas d’organisation plus séculière qu’une salle de presse. Il existe un parti pris libéral dans les medias, mais la plupart des journalistes ne le voient pas. On ne peut pas voir le parti pris quand tout le monde autour de soi pense et ressent les choses de la même manière.
Prenons le rassemblement récent des citoyens polonais le long de leur frontière. L’évènement du 7 octobre, surnommé « Chapelet aux frontières », a été programmé pour coïncider avec la fête de Notre-Dame du Rosaire, et la bataille de Lépante en 1571 entre les combattants chrétiens et l’empire ottoman. Ce fut un événement solennel et paisible, mais, pour un grand nombre de médias, il a été automatiquement qualifié de sinistre parce qu’il présentait des catholiques et des chapelets. Les Newsweeks n’ont pas pu s’empêcher dans leur éditorial, de mettre comme titre de l’histoire : « La Pologne catholique prie le long de la frontière, événement discutable, considéré comme antimusulman. »
La même initiative prise par des musulmans n’aurait jamais été présentée de façon péjorative. De plus, la vidéo que les Newsweeks ont incorporée présentait un Vendredi saint aux Philippines (probablement la seule vidéo récente concernant les catholiques qu’ils aient eue à leur disposition), où sont rejouées les dernières heures de la vie de Jésus – se terminant par des hommes cloués sur des croix – en une pratique que le Vatican a condamnée.
Les médias l’ont présentée parce que cela montrait un fanatisme religieux, non une dévotion normale. Et les Newsweeks ne sont pas les seules. La BBC et d’autres organes d’informations ont présenté cet événement de prière comme « discutable » comme si c’était un fait quelconque.
Nous avons l’habitude de voir ce genre de parti pris dans la manière dont les media présentent les évènements tels que la marche pour la vie, mais la plupart d’entre nous ne sommes pas vigilants sur combien de partis pris sont subtilement insinués dans beaucoup d’autres histoires présentées par les « informations ».
Dans l’ensemble, les journalistes sont blancs, éduqués, et vivent soit à New York, soit à Los Angeles, deux des villes les plus libérales du pays. La plupart des gens qui sont conservateurs tendent à travailler dans le secteur privé, et souvent donnent volontairement du temps ou de l’argent à des causes dont ils croient qu’elles pourront aider les autres. Les libéraux entrent en journalisme parce que c’est une profession qu’ils apprécient.
Les reporters des journaux des grandes métropoles ont souvent des diplômes des grandes universités privées de la côte est – autre bastion du libéralisme – et souhaitent changer les choses par leur pensée et leurs écrits critiques. On voit le journalisme comme une entreprise intellectuelle, et la profession est passée des cols bleus aux cols blancs dans les années qui ont suivi le Watergate.
Cela ne laisse aux catholiques pratiquants – et aux pratiquants de n’importe quelle croyance – pratiquement aucune voix dans les salles de presse d’aujourd’hui. Cela en soi, fait s’infiltrer un parti pris dans la façon dont sont couvertes les nouvelles. Le scandale actuel des abus sexuels dans l’Eglise, par exemple, ne serait pas traité de la même façon s’il l’était par des rabbins ou des imams.
Pour des journalistes libéraux, l’Eglise catholique est un bouc émissaire facile. La déclaration qui a conduit des prêtres coupables à être destitués était du journalisme solide (biens que ce soit une cause de grand embarras pour moi en tant que catholique.) Mais la présomption d’innocence n’est jamais accordée aux officiels ecclésiastiques – alors qu’elle l’est souvent aux officiers de police ou même à des personnes accusées de meurtre. Le seul moment où l’Eglise a droit à une couverture favorable est lorsqu’elle soutient les actions des libéraux – j’en veux pour témoignage la couverture positive des évêques américains qui ont défendu DACA 1.
En général, la diversité de pensée ferait un vrai chemin dans l’amélioration des salles de presse et dans les histoires qu’elles produisent. Mais engager quelques journalistes qui connaissent vraiment quelque chose en matière de religion (un des intérêts centraux des êtres humains dans le monde) – peut-être même qui soient croyants eux-mêmes, – est tout aussi important, si ce n’est plus, pour donner des informations exactes, que ne le sont le contexte ethnique, ou la couleur de peau d’un reporter.
Peut-être qu’un jour les médias traditionnels s’éveilleront pour en prendre conscience.
12 Octobre 2017
Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/10/12/why-rosaries-scare-the-media/