Le présentateur d’une émission radiophonique sur le sport, examinant sur les ondes le pourquoi de la non sélection ces derniers temps au sein de la NBA d’une ancienne vedette et entraîneur de basket, suggérait que la nature « très religieuse » du candidat pouvait être une raison de sa mise à l’écart. Non qu’il y ait quoi que ce soit de mal à être religieux, ont promptement précisé l’animateur et ses adjoints, mais un tel candidat peut être « d’un commerce difficile ».
Je ne soupçonne aucune intention mauvaise ou anti-religieuse de la part de l’animateur ; s’exprimant de façon improvisée, il ne divulguait probablement pas une opinion soigneusement raisonnée, mais un a priori irréfléchi. Cela rend son commentaire plus frappant : d’où sort cette idée ? Et pourquoi associer la religiosité de quelqu’un avec la difficulté à mener des affaires avec lui – ce qui sous-entend qu’il est intraitable, entêté, se braque facilement et manque de chaleur humaine ?
Au milieu d’une guerre culturelle dans laquelle l’image qu’on se fait semble compter davantage que la réalité, les ennemis de la religion ont réussi, en usant des médias, des divertissements, des écoles et des lois à créer l’association d’idées faite par l’animateur. « L’extrémisme religieux », pour ne donner que cet exemple, est un terme faisant partie du langage populaire, sa signification s’étant étendue de désignation de violences commises sous prétexte de religion aux croyances religieuses qui entrent en conflit avec les valeurs des élites profanes.
Hollywood dépeint habituellement les personnages chrétiens comme des fous ou des déviants. Dans la sphère publique, les affirmations basées sur la foi ou sur la Bible sont souvent accueillies avec scepticisme, hostilité, ou tournées en ridicule. Les conversations sur les avantages de la foi sont accueillis avec des rappels des croisades, de l’Inquisition ou des guerres de religion.
Le christianisme est la plus grande force pour le bien que le monde ait jamais connue. Point. Rien d’autre n’est approchant. Les institutions charitables, l’éducation, l’attention portée aux personnes vulnérables et marginalisées, l’art, l’architecture, la musique et la philosophie ont tous été soutenus et développés par des chrétiens cherchant la gloire de Dieu et le bénéfice des humains. Les valeurs et idéaux qui sont les plus chers au monde moderne – liberté, justice, égalité – découlent tous de la réflexion philosophique chrétienne et de la pratique chrétienne.
Alors qu’y a-t-il avec la religion – surtout avec la religion chrétienne qui a cristallisé tant de colère dans les récentes décennies – qui a permis qu’elle soit rejetée si négativement ? De concert avec le commandement de charité, le christianisme inclut un code d’interdictions morales qui s’oppose à l’ethos profane de l’autonomie individuelle radicale – le fameux « droit à définir son propre concept de l’existence, des priorités, de l’univers et des mystères de la vie humaine » étudié pour agir selon son bon plaisir en privé et pour définir son propre genre ou sa propre race.
Comme l’opinion populaire semble pencher de plus en plus vers le libertinage, ce n’est un secret pour personne qu’un christianisme fervent demeure le dernier rempart contre un effondrement moral complet. Et ceux qui désirent hâter cet effondrement font tout leur possible pour flétrir le christianisme à la première occasion.
Ces dernières années, alors que la focalisation de la guerre de la culture s’est déplacée de l’avortement au mariage, une rhétorique ad hominem a étiqueté les chrétiens comme intolérants – nous sommes des « haineux » et des « phobiques » – pour avoir refusé de céder à la demande de licence morale. Avoir des convictions morales a été à dessein étiqueté comme être haineux ou individualiste. Juger les actes a été intentionnellement confondu avec juger les personnes. Les chrétiens défendant la morale traditionnelle ont été régulièrement repoussés dans une position où il est extrêmement difficile de gagner du terrain face à une culture de la petite phrase assassine.
Ceci nous ramène à la déclaration de notre animateur radio. Son idée est devenue un élément du discours des médias dominants comme ils poussaient la guerre culturelle dans une offensive sauvage. Des films, des émissions télévisées, des manifestations et des livres sans nombre, des vidéos musicales vues par plus de 100 millions de personnes, ont contribué par étapes et de différentes manières à dépeindre les religions, et tout particulièrement le catholicisme – une religion basée sur l’amour de Dieu et du prochain – comme un obstacle anachronique et tyrannique à l’épanouissement personnel.
L’influence a été très prégnante, surtout sur les jeunes générations. Il n’y a pas à s’étonner alors si une personne religieuse est stéréotypée comme étant « d’un commerce difficile » – parce que lorsque une personne tient à des principes, elle endosse la possibilité d’être un obstacle aux désirs d’autrui, dans le privé comme sur un terrain de basket.
Étant donné cette situation, comment les chrétiens peuvent-ils contrer ce préjugé à leur égard ? Si la perception prend le dessus sur la réalité, alors l’antique exhortation selon laquelle « il sauront que vous êtes chrétiens à votre amour » n’aura plus le même impact : les ennemis de la religion ont redéfini l’amour comme la permission donnée à une personne de faire ce qui lui chante. Pourtant abandonner la morale chrétienne traditionnelle ne peut pas marcher – le protestantisme dominant a déjà trop bien démontré que la foi au Christ ne peut être séparée de la morale.
Durant deux millénaires, le christianisme a réussi à convertir des gens croyant à toutes sortes de dieux. Convertir ceux qui croient seulement en eux-mêmes semble une autre paire de manche. A la cour d’appel de l’opinion publique, les sentiments et l’émotion priment la foi et la loi morale.
Pourtant il y a un précédent historique donneur d’espoir, même si pas parfaitement similaire : les jacobins extrémistes de la Révolution Française, dans leur élimination de toutes les bonnes choses, ont été finalement renversés par ceux qui ne voulaient pas se soumettre au chaos total. Les chrétiens ne peuvent que prier pour que ceux qui ont été conduits à soupçonner la religion découvrent que les vrais suspects devraient être ceux qui ont intenté procès à la religion.
David G. Bonagura Jr. enseigne au séminaire Saint-Joseph de New-York.
Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/06/17/why-is-religion-suspect/