Professeur de théologie, je reçois parfois des demandes de commentaires sur certains événements au Vatican. « Pouvez-vous commenter la décision de S.S. François de déplacer tel cardinal, ou de changer de cardinal en tel lieu ?» ou « Que signifie telle décision pour l’Église? » ou encore « Comment ceci touchera les catholiques ? » Je dois répondre: « Désolé, je ne traite pas de la politique du Vatican. »
D’abord, j’ignore si les gens s’en rendent compte, mais on ne suit pas de cours de politique vaticane dans le cursus de théologie. Bizarrement, la permutation des cardinaux au Vatican n’a jamais été une matière enseignée au cours de mes études de théologie. Ni les questions à traiter avec les dicastères, ni le ménage à la Banque du Vatican. À cela une bonne raison, les Universités préfèrent enseigner les matières telles que Jésus-Christ, la Trinité, les Écritures, l’Église, le Salut, les Vertus, la Grâce, les Sacrements — et autres trucs du même genre.
Ainsi, je ne suis pas plus qualifié que quiconque pour commenter le dernier dépoussiérage au Vatican. Et quand j’entends des commentateurs sur de tels sujets, ils ne savent guère, eux non plus, de quoi ils parlent. Vous pouvez compter sur les doigts d’une main le nombre de commentateurs valables à propos du Vatican — même si on vous a amputé quelques doigts.
J’ai constaté que bien des gens jacassent sur le sujet: « Il faut des réformes au Vatican », même s’ils n’ont pas la moindre idée de ce qui s’y passe. Ils ont juste entendu assez souvent: « Il faut des réformes au Vatican » pour s’empresser de le répéter. J’imagine qu’en fait on a besoin de réformes. Quand donc a-t-on pu se passer de réformes — remise en question, renouvellement, repentir pour des erreurs et reformulation des objectifs de base de l’institution — dans un quelconque organisme formé d’hommes ? Ce ne sont que des hommes.
Certes, il y eut au Vatican des périodes meilleures, et de pires. Je préfère les meilleures, mais même les meilleures sont le fait de diables de pécheurs qui ont bien besoin du pardon, de la rédemption, et de la sanctification offerts par Jésus-Christ.
Ne me soupçonnez pas d’indifférence à l’égard du Vatican. Il se trouve que je n’y peux rien. Et je sais que tout ce que j’ai à faire, c’est prier pour le Pape et les membres de la Curie. Je le fais. Ils se passent bien de mes conseils.
Suis-je assez naïf pour croire qu’ils feront toujours les bons choix ? Un bref coup d’œil sur n’importe quelle période de l’histoire de l’Église suggère la réponse : un NON majuscule. Mais là encore, un regard sur le parcours historique de l’Église suggère (à ceux qui ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre) que l’Esprit Saint veille toujours sur l’Église et la guide au fil des méandres de l’Histoire. Avec tous les couacs qui ont jalonné cette histoire (à commencer par ce gars qui jurait ne pas connaître le Christ, puis fut le premier pape, pierre sur laquelle fut bâtie l’Église), si l’Esprit Saint n’avait pas protégé l’Église au cours des temps, comment aurait-elle pu survivre ?
Je m’inquiète parfois en voyant une personne à la foi immature se hasarder à regarder les « coulisses » de l’Église. Quand quelqu’un devient auxiliaire eucharistique 1, par exemple, manier les Saintes Espèces risque d’entraîner une certaine « démystification » de l’Eucharistie. Une personne mal préparée peut être tentée de penser : « Ce n’est qu’un bout de pain. Je veux dire, on envoie bien les hosties dans des emballages en plastique, au nom du Ciel. » Les anges ne les livrent pas mystiquement à la porte de service de l’église.
Non, bien sûr que non. Et avant la consécration, ce n’est qu’un bout de pain. Le problème, c’est que certains n’ont pas la foi assez bien accrochée pour réaliser que Dieu peut bien prendre le plus simple petit aliment pour en faire une merveille extraordinaire.
Et aussi, il y a des gens à la foi probablement pas assez mûre pour réfléchir aux derniers chamboulements au Vatican, car ils ne sauront pas voir comment Dieu peut les gérer — éparpillement des disciplines, déni du Christ, de la Crucifixion du Sauveur — et en tirer des flots de grâces. Si assister à la préparation culinaire vous coupe l’appétit, n’entrez pas dans la cuisine.
Mais lorsque le pape publie une encyclique ou une exhortation apostolique, lisez-la. Essayez de la comprendre et de la vivre. C’est sur cette production du Vatican que les gens devraient porter leur attention.
Hélas, il ne me semble pas que ce soit le cas. Les blogs chargés de plaintes et de soucis encombrent la « toile ». Les articles approfondissant l’enseignement de l’Église catholique n’ont guère de succès — me dit-on. Saint Paul ne nous lançait-il pas un avertissement : « Portez votre esprit aux choses d’en-haut.» ? Trouvons nous la sagesse de Paul dans nos lectures ?
Je sais que de nombreuses personnes s’intéressent à la politique du Vatican. Mais je préfèrerais que les fidèles l’ignorent superbement, si possible. Les fidèles ont des soucis bien plus lourds que la dernière petite « intrigue » au Vatican — par exemple, je ne sais pas : donner à manger aux pauvres, aller à la messe, s’occuper de leurs vieux parents, élever leurs enfants, améliorer l’école du quartier, animer le voisinage, voter pour des politiciens responsables, aller à confesse, être des époux fidèles. La liste des choses les plus importantes auxquelles doit penser un catholique — les choses dont il faut vraiment se soucier — peut s’étirer à l’infini.
Alors, s’il vous plaît, priez sans cesse pour le pape, les cardinaux et les évêques. Priez, qu’ils aient la sagesse et l’amour pour répondre fidèlement aux injonctions de l’Esprit Saint. Puis laissez faire le Saint-Père et les évêques qui ont reçu de l’Esprit Saint le souffle nécessaire. Laissez le pape s’occuper de l’organisation du Vatican. C’est une de ses tâches — certes la moins exaltante et la plus fastidieuse. Nous, les laïcs, avons d’autres chats à fouetter — particulièrement à la fin du carême.
Source : Why I Don’t Write About the Vatican http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/why-i-dont-write-about-the-vatican.html
Photo : Cancans au Vatican: affaire de singes.