Xavier Lemoine vous êtes, depuis dix ans, maire de Montfermeil, commune « multiethnique » en Seine-Saint-Denis où votre discours sur l’immigration a pu sembler musclé, voire choquant, mais où votre action de pacification est reconnue par tous… Vous êtes aussi un catholique affirmé… Est-ce pour cela que Christine Boutin vous a choisi pour diriger sa campagne ?
Son directeur de campagne est Antony Marchand. Je suis seulement un des porte-parole de la campagne de Christine Boutin, certes le premier annoncé. Une des raisons pour lesquelles elle m’a appelé tient à ce que vous venez de rappeler. Ma forte expérience de terrain est originale parce qu’il n’est pas donné à tout le monde de se coltiner les problèmes du « neuf-trois ». Oui j’ai tenu des discours qui ne sont pas ceux que Christine Boutin aurait tenus. Mais nous en avons parlé et je ne regrette pas les débats que j’ai pu lancer. Pour moi, un homme politique a une double responsabilité. La première est d’agir sur les conséquences des dysfonctionnements qu’il peut rencontrer. Mais ce qui est le plus important, c’est de remonter aux causes. Et là, il ne suffit plus de réagir au coup par coup. Il faut mener une réflexion approfondie. Et quand on réfléchit à ce qui se désagrège dans notre société, très vite on en revient à certains fondamentaux, ceux-là même que l’on trouve dans la doctrine sociale de l’Église. Vouloir prétendre à une économie prospère si on ne défend pas la famille, c’est bâtir sur du sable. On ne peut pas avoir de l’éducation scolaire si la notion de responsabilité parentale n’est pas restaurée. On ne pourra pas intégrer une vaste immigration si l’identité nationale du pays d’accueil n’est pas mieux défendue, etc.
Qui a assisté au discours du 22 juin à Montfermeil ?
Des journalistes, des militants du Parti chrétien démocrate. Mais aussi quelques militants d’autres tendances de l’UMP, et encore des gens de Montfermeil de toutes opinions avec des représentants du monde associatif, des gens particulièrement généreux, mais sûrement pas particulièrement portés sur les choses de la foi par exemple, des gens avec un passé différent du mien et dont l’engagement principal dans la société pouvait, par exemple, être surtout sportif. Ils m’ont dit être venus « par curiosité ». Mais certains ont tenu à me faire savoir qu’une partie de ce que dit Christine Boutin les interpelle.
Les réactions médiatiques à la candidature de Christine Boutin sont certes nombreuses — ce qui est un bon point — mais elles ne sont pas très flatteuses. On rappelle les faibles scores antérieurs, on se demande pourquoi elle y va… On suggère que c’est par dépit… On dit que la multiplication des candidatures à droite fait risquer un 21-avril à l’envers…
Je pense que, dans une action politique, vouloir faire cohabiter tout et son contraire c’est du syncrétisme ou du mensonge. La démarche de Christine permettra d’élever le débat et de clarifier un projet cohérent pour la France. C’est ce souci de constance qui justifie une telle candidature et le refus de s’allier au premier tour avec d’autres personnalités, aussi attachantes puissent-elles être, de la majorité présidentielle…
Est-ce que la droite part battue ? Dans ce cas, je rappellerai qu’il y a deux manières de mourir : mourir à petit feu ou mourir sur le coup… Mourir à petit feu, en faisant mille compromis chaque jour, c’est la meilleure manière d’anesthésier toute capacité de résistance. Risquer de mourir sur le coup, c’est parfois permettre le sursaut salvateur. Rappelez-vous 1984 et les projets socialistes d’étouffer l’enseignement libre. C’était suffisamment gros pour que ça ne passe pas.
Aujourd’hui une partie de la droite avalise des thèmes de société qui ne lui sont pas naturels, par faiblesse morale et intellectuelle. On l’a vu sur les questions de bioéthique. Et seul un débat approfondi et public permet, parfois, un sursaut, même à quelques voix près. Christine Boutin a une vision de l’homme et de la société. C’est réfléchi, médité, éprouvé. Elle dit que le temps de la composition politique est fini. Parce qu’il y a une véritable pente idéologique qui éloigne notre société de ses fondamentaux. Et qu’il faut en parler pour ne pas se laisser entraîner malgré soi. C’est tout de même un ministre de l’Éducation de droite qui impose la théorie absurde du « gender » aux lycéens français.
On ne peut pas imaginer une campagne présidentielle où rien de cela ne serait expliqué.
Quel score visez-vous ?
Celui que l’ensemble des hommes et des femmes de bonne volonté voudra bien se donner. Là-dessus je suis assez serein.
N’y a-t-il pas aussi un risque pour les catholiques d’être comptés et réduits au score de la candidate du Parti chrétien démocrate ? La hiérarchie catholique n’est-elle pas plutôt réservée sur une telle candidature ?
Catholiques est peut-être un peu restrictif. La raison et la recherche de la vérité rassemblent bien au-delà de l’étiquette catho-chrétien. Nous sentons un vrai désarroi et donc une recherche de cohérence chez de nombreux Français. Je vous ai dit ma surprise de voir des gens de Montfermeil de tout l’échiquier politique, mais tous investis dans l’action associative à un titre ou à un autre, s’intéresser à cette campagne de Christine Boutin. C’est cela qui peut se produire à l’échelle du pays… Mais, pour répondre à votre question sur la hiérarchie, celle-ci ne peut, selon moi, qu’encourager les chrétiens à s’engager en politique qui est le plus haut service de la charité. En revanche, il n’y a au PCD aucune revendication d’exclusivité, mais seulement une recherche de pertinence et d’efficacité.
Le PCD réunit son Université d’été à l’automne à Lyon. Où en est ce parti associé à l’UMP ?
Le PCD est un parti très jeune et en pleine croissance, qui est bien représenté dans quasiment tous les départements. Pour bien connaître des militants du PCD depuis de nombreuses années, je n’ai jamais ressenti une passion monomaniaque. Il y a là des gens incroyablement divers. Des politiques « pur jus pur sucre » certes, mais toute une nébuleuse autour qui est plutôt une nébuleuse associative, sur des questions clefs comme celles qui sont liées, par exemple, au combat pour la vie de la conception à la mort, ce qui représente beaucoup de services éminents rendus aux personnes…
On parle d’un local de campagne de 400 m1 à Levallois. Où le PCD trouve-t-il son financement ?
400 m2, ce n’est pas trop pour une campagne présidentielle, juste un bon outil de travail… Les financements proviennent des adhérents et sympathisants qui suscitent des aides bien au-delà des encartés. Pour ce qui est du contrôle des finances, la réglementation rend désormais la chose extrêmement précise et pointilleuse. Mais on ne va sûrement pas s’en plaindre.
Connaît-on déjà les grandes lignes du programme électoral de Christine Boutin ?
Elle a fait à Montfermeil un premier grand discours qui balaye un certain nombre de questions. On le trouve sur le site Internet
Vous aurez, j’ose l’espérer, l’occasion d’y revenir assez largement dans les prochains mois…