Vous souhaitez, en tant que missionnaire, partager « une révolution de la tendresse ». De quoi s’agit-il ?
Romain de Chateauvieux : Nous avons reçu, avec Rena, cet appel peu commun à être, en couple et en famille, les témoins de la miséricorde de Dieu, particulièrement auprès des plus pauvres. À travers Misericordia, nous croyons que la tendresse, vécue au quotidien, est capable de provoquer une véritable révolution.
Misericordia est présente au Chili, en Argentine, aux États-Unis et en France. Où les habitants vous ont-ils semblé le plus en attente de cette tendresse ?
C’est certainement dans les périphéries des grandes villes que nous avons trouvé la plus grande soif de tendresse. Comment ne pas penser à Carmen, une vieille dame vivant seule dans une barre d’immeuble, à Aubervilliers ? Frappés par sa pauvreté et sa solitude, nos missionnaires ont fait quelques courses pour elle. Quelle n’a pas été leur surprise quand ils ont découvert qu’elle se mettait à adresser quelques mots doux au pot de café tout juste sorti du sac : « Je sais… Il ne peut pas me répondre mais moi, au moins, ça me fait quelqu’un à qui parler ! » C’est bien dans la solitude des grandes villes que la tendresse se fait urgemment attendre !
Comment définiriez-vous la miséricorde ? Quels fruits en découlent quand on l’accueille ?
La miséricorde se définit à travers deux mots hébreux : Rahmim et Hesed. Rahmim exprime « la fidélité éternelle de l’amour de Dieu pour chacun de nous ». Dieu nous aime pour toujours. Il l’a promis. Il ne reviendra pas sur cet engagement. Hesed signifie « un amour qui vient des entrailles » possédant la capacité de régénérer, d’engendrer à nouveau. Par la miséricorde, Dieu est capable, non seulement de nous pardonner, mais aussi de régénérer notre cœur et notre âme, au-delà de toutes nos fautes et de toutes nos blessures.
Quand nous faisons l’expérience de manière personnelle de la miséricorde, celle-ci nous pousse à vouloir être miséricordieux à notre tour, à aimer Dieu et notre prochain de tout notre cœur et de toute notre âme. La miséricorde nous rend tous profondément meilleurs. Elle est l’action surprenante de l’Esprit Saint qui se déploie dans le monde et dans chacune de nos vies.
J’ai pu constater des bouleversements incroyables parmi les personnes rencontrées. Je me souviens de Julio, un père de trois enfants, tombé dans la drogue et vivant dans la rue à Santiago au Chili. Alors que nous buvons un café, nous l’invitons à prier. Des larmes coulent sur son visage. La miséricorde pénètre de manière très douce et très puissante la vie de cet homme brisé. Le lendemain, sur notre invitation, Julio démarre un long chemin de relèvement, qui durera neuf mois. Aujourd’hui, Julio a retrouvé un travail, il a réintégré son foyer. Il donne à tout le quartier un magnifique témoignage de la toute-puissance de la miséricorde de Dieu.
Votre apostolat se nourrit de votre amour pour l’Église. Comment cela se traduit-il ?
Personne ne s’envoie soi-même en mission. Misericordia est une œuvre d’Église, c’est-à-dire que nous incarnons au quotidien la présence amoureuse de l’Épouse du Christ dans les périphéries du monde. Pour vivre cette mission au quotidien, il est nécessaire pour nous de vivre réellement en fils et filles de l’Église, en nous nourrissant de l’Eucharistie et des sacrements. Plus cette conscience filiale grandit, plus notre amour pour l’Église augmente. Malgré toutes ses blessures, nous avons conscience qu’elle reste pour toujours l’Épouse bien-aimée du Christ.
— Misericordia. La révolution de la tendresse, Romain et Rena de Chateauvieux, éd. Première partie, 2023, 196 pages, 21,50 €.
— Misericordia. La révolution de la tendresse, Romain et Rena de Chateauvieux, éd. Première partie, 2023, 196 pages, 21,50 €.