Voilà de nouveau la saison du synode, et les successeurs des apôtres se rassemblent à Rome sur l’ordre de Pierre. Le synode est supposé être un moment d’écoute, de discernement et de dialogue – un moment de réflexion sur les besoins et les défis auxquels les jeunes font face. C’est aussi de nouveau la saison du scandale, et les évêques rassemblés avec le pape ont offert des réponses variées à la question la plus pressante du jour.
Le pape François a fait clairement comprendre qu’il ne voulait pas que la crise des abus sexuels encombre la discussion sur les besoins pastoraux des jeunes. (La protection des mineurs doit être le centre d’attention du sommet de février, des présidents des conférences épiscopales du monde entier.)
C’est compréhensible, mais on ne peut pas non plus échapper au sujet des abus sexuels. Comme l’a dit un membre des groupes anglophones au synode, la crise a « sapé le travail de l’Eglise dans à peu près tous les domaines, précisément parce qu’elle a compromis notre crédibilité. »
Un autre groupe de travail s’est lamenté sur « la confiance désintégrée, le traumatisme et la souffrance à vie des survivants ; les défaillances catastrophiques dans la gestion des affaires ; le silence continu et le déni par certains, de ces horribles crimes et péchés. » L’archevêque Anthony Fisher de Sidney, en Australie, a fait une intervention émouvante, demandant pardon non seulement pour les abus et leur dissimulation, mais pour une liste longue et révélatrice de défaillances ecclésiastiques.
La crédibilité des évêques est à marée basse – et pas seulement aux Etats Unis, mais dans beaucoup de parties du monde. Comme Robert Royal l’a mis en évidence au début de la semaine, deux récentes déclarations de Rome suggèrent que cette réalité est en train de faire lentement son chemin. Je ne vais pas répéter l’analyse de Bob ; ces déclarations contiennent des choses édifiantes, d’autres qui le sont moins. Mais je crois vraiment que les choses avancent tout doucement dans la bonne direction.
Rome n’a toujours pas accepté de désigner un visiteur apostolique pour enquêter sur McCarrick, mais on va revoir les dossiers Mc Carrick et on a promis de « suivre le chemin de la vérité, où qu’elle puisse mener. » On peut dire : c’est facile à dire, et c’est vrai, mais il est infiniment mieux de le dire que de garder un silence abrutissant comme c’était le cas auparavant.
Même la lettre explosive du cardinal Ouellet à l’archevêque Vigano, d’une certaine manière, avait au moins le mérite de clarifier les choses. Elle a fourni une des premières réponses directes de Rome aux allégations spécifiques faites par Vigano : Oui, Benoit XVI a imposé à McCarrick certaines restrictions ; Non, ce n’étaient pas des sanctions formellement canoniques.
La lettre d’Ouellet a également confirmé que si les américains ont pu se sentir blessés et trahis, l’affaire Vigano a également donné à Rome un sentiment de trahison. Les débats américains à propos des lettres de Vigano ont mis l’accent surtout sur les accusations détaillées de corruption et d’inconduite, et sur ce que ces allégations révèlent ou ne révèlent pas de la cause et de la continuation de la crise des abus sexuels de prêtres. En bref, les Américains se sont principalement focalisés sur : qui savait quoi, et quand.
Mais Rome a fait une fixation sur autre chose : l’archevêque Vigano demandait la démission du pape François. C’est cet acte de déloyauté, et non pas la boîte à malices des allégations que Vigano a ouvertes et répandues partout, qui constitue la lentille à travers laquelle Rome a considéré toute l’affaire.
Qui possède les « bonnes »lentilles ? C’est une question pour une autre fois, mais il est évident que les deux côtés voient les choses de manière très différente. Des deux côtés on se sent pris au dépourvu. Il est critique pour les américains, particulièrement pour les évêques américains, de comprendre que reconstruire la confiance avec Rome sera nécessaire s’ils veulent que leurs réformes se révèlent fructueuses. Peu importe que ce soit juste ; l’effort pour rebâtir la confiance doit être entrepris.
De son côté, Rome doit reconnaitre que le bien du troupeau américain, sans parler de la crédibilité de la réponse globale de l’Eglise aux abus sexuels, nécessite un démêlage plein et entier des toiles d’araignée de la tromperie et de la corruption qui ont tellement entaché l’Eglise. Cela veut dire qu’il faudra peut-être que le pape François commence à écouter les voix que jusqu’ici il a semblé préférer ignorer, et cesse d’écouter ceux qui voudraient présenter l’épiscopat américain comme un ramassis d’idéologues décidés à réclamer la tête du pape. C’est cela le propos de Ted McCarrick.
J’ai dit plus haut : si la réforme ne vient pas par le pape et les évêques, elle ne viendra pas du tout. Le Christ aimait ses apôtres et était désireux de souffrir pour eux. Il est également clair que, tout en les aimant, Il a dû parfois souffrir par eux. Si Rome et les évêques américains ont besoin d’apprendre à s’entendre pour notre bien, nous, hommes et femmes laïcs avons aussi besoin d’accepter de souffrir par eux. C’est ce qu’on appelle imiter le Christ.
Cela ne veut pas dire que nous nous conduisons bêtement. Mais le genre de cynisme au cœur dur, que nourrit le soupçon permanent envers nos bergers, est mortel pour l’âme. Nous devons amadouer, et réclamer, et parfois critiquer, mais si nous nous faisons volontairement des ennemis de nos pères spirituels, nous risquons la perdition.
Le mois dernier, le pape François a fait une homélie qui, pour beaucoup, était comme du sel sur une plaie ouverte. Il a parlé du Grand Accusateur qui attaque les évêques et répand le scandale. Cela vaut la peine de revenir sur cette homélie, surtout sur le passage suivant :
Au temps présent, il semble que le Grand Accusateur ait été désenchaîné et qu’il soit en train d’attaquer les évêques. Il est vrai que nous sommes tous pécheurs, nous les évêques. Il essaye de mettre au jour les péchés, ainsi, ils sont visibles pour scandaliser les gens. Le « Grand Accusateur » comme il se nomme lui-même devant Dieu dans le premier chapitre du livre de Job « parcourt la terre à la recherche de quelqu’un à accuser. » La force d’un évêque contre le « Grand Accusateur » est la prière, celle de Jésus, et la sienne propre, et l’humilité d’avoir été choisi et de rester proche du peuple de Dieu, sans chercher une vie aristocratique qui lui enlève cette onction. Prions aujourd’hui pour nos évêques : pour moi, pour ceux qui sont ici, et pour tous les évêques à travers le monde.
Quelqu’un peut-il dire que le pape François a tort ? Nos évêques, notre pape sont accablés, pour ce qu’ils ont fait et ce qu’ils n’ont pas fait. En dehors de notre désir de vérité, ils ont besoin de nos prières. Pour leur bien, et pour le nôtre.
https://www.thecatholicthing.org/2018/10/11/for-their-sake-and-for-ours/