Le 20 mai 1521, lors du siège de Pampelune, un jeune noble âgé de trente ans prénommé Inigo, natif de Loyola (Pays basque), défend avec vaillance les murs de la citadelle qu’assiège une armée franco-béarno-navarraise. Alors qu’il ne ménage aucun effort pour repousser les assaillants, un boulet le fauche au niveau de la jambe et le projette au sol. Par miracle, il échappe à la mort. Capturé et traité avec les égards dus à l’adversaire, il est autorisé à partir en convalescence dans son château. C’est au cours de ce séjour qu’Inigo – Ignace en français – entame un parcours spirituel, nourri par la lecture de la vie des saints, de Jacques de Voragine et de Ludolphe le Chartreux, qui va le conduire à une conversion complète l’année suivante. Les notes qu’il prend durant cette période de bascule constitueront le socle de ses fameux Exercices spirituels, qui demeurent toujours le noyau et le joyau de la spiritualité jésuite.
Inaugurée le 20 mai 2021 à l’occasion du 500e anniversaire de la blessure de saint Ignace de Loyola, l’Année ignatienne sera close le 31 juillet 2022, le jour de sa fête. Le pape François, premier Souverain pontife jésuite de l’histoire, a suivi de très près cette initiative. « À Pampelune, il y a 500 ans, tous les rêves mondains d’Ignace ont été brisés en un instant. Le boulet de canon qui l’a blessé a changé le cours de sa vie, et le cours du monde », a déclaré le Saint-Père le 23 mai dernier dans le cadre de la veillée de prière mondiale qui marquait le début de l’événement. « Ce boulet de canon signifie (…) qu’Ignace a échoué dans les rêves qu’il avait pour sa vie. Mais Dieu avait un plus grand rêve pour lui. Le rêve de Dieu pour Ignace ne concernait pas Ignace. Il s’agissait d’aider les âmes », a-t-il encore ajouté.
De nombreux défis
Aider les âmes. Superbe et gigantesque ambition dont les jésuites sont les porteurs depuis leur origine, lorsque le pape Paul III confirme le 27 septembre 1540 la création de la Compagnie dans la bulle Regimini militantis Ecclesiae, laquelle débouche l’année suivante sur la nomination de saint Ignace de Loyola comme premier préposé général, en dépit de ses réticences.
L’aventure jésuite commence alors que l’Église est confrontée à d’immenses défis. Depuis 1453, Constantinople est aux mains des Ottomans. La découverte de l’Amérique en 1492 pose des questions théologiques immenses : pourquoi des peuples ont-ils été tenus à l’écart de la Révélation durant près de quinze siècles ? Dans la vieille Europe chrétienne enfin, la Réforme promue par Luther, excommunié en 1521 – l’année du siège de Pampelune – porte atteinte aux fondements mêmes de l’institution. Dans un tel contexte, qui explique l’ouverture du concile de Trente en 1541, Ignace de Loyola nourrit de nombreuses intuitions.
La première d’entre elles est l’exigence de réformer l’Église. Non pas pour en saper les fondements ou pour bouleverser le socle de la Tradition, mais pour la rendre toujours plus conforme à ses promesses. Il s’agit donc de former une compagnie de prêtres décidés à agir de l’intérieur, et à mener une vie sacerdotale exemplaire, dans une fidélité absolue au trône de Pierre, pour répandre partout la Bonne Nouvelle. Ces prêtres, prêts à agir dans le monde, accepteront de se soumettre à une discipline d’acier pour résister aux tentations de la vie séculière. Enfin, ils se soumettront à une longue formation destinée à écarter les vocations trop tièdes, et surtout à leur conférer un niveau intellectuel en mesure de rivaliser et de dépasser celui, incontestablement percutant, des penseurs de la Réforme. Missionnaire, le projet prioritaire d’Ignace de Loyola se double très vite d’une ambition éducative qui n’en est finalement qu’une forme de déclinaison.
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