Il m’est arrivé plusieurs fois dans ces chroniques de m’interroger sur la radicalité actuelle des engagements politiques, notamment dans le cadre de la campagne présidentielle. Ce n’était pas sous l’angle de la bien-pensance. Souvent, s’il y a radicalité, c’est que les enjeux sont sérieux et qu’il déterminent des comportements à leur mesure. Certes, je m’insurge contre une certaine radicalisation idéologique, qui, loin d’éclairer les problèmes, les rend insolubles et amène à des conduites de guerre civile. Mais, par ailleurs, une volonté à tout prix de modération n’est pas toujours bienvenue dès lors qu’elle escamote les réalités, et s’expose, à échéance, à recevoir en pleine figure les effets d’une coupable inertie.
Reste que certaines questions nous exposent à des conflits de devoir qu’il est difficile d’arbitrer. Parmi ces questions, il y a évidemment celle de l’immigration, qui est d’ores et déjà au centre de la campagne électorale. Un courant populaire puissant, défini péjorativement comme populiste, s’insurge contre ce que Valéry Giscard d’Estaing dénonçait, il y a déjà longtemps, comme une invasion. À l’opposé, on évoque un devoir de fraternité, tel récemment le conseil constitutionnel, pour justifier l’accueil à une part de la misère du monde. On a souvent cité à ce propos le mot de Michel Rocard : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde. » Mais comment apprécier la part qu’elle se doit d’accueillir ?
Les chrétiens eux-mêmes se divisent à ce sujet. En ce moment, trois chrétiens, dont un jésuite, font une grève de la faim à Calais, pour protester contre le traitement des migrants par les pouvoirs publics. Comment ne pas comprendre leur solidarité évangélique, mais en même temps comment éluder l’énorme enjeu des migrations ?
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 27 octobre 2021.