NOUS CROYONS.
Credo. Nous croyons.
« a été conçu du Saint-Esprit,
est né de la Vierge Marie
a souffert sous Ponce Pilate
a été crucifié,
est mort et a été enseveli
est descendu aux enfers
Le troisième jour est ressuscité des morts… »
Ceci n’est pas un CV. CV qui par ironie est une expression latine : curriculum vitae !
Si c’était un CV, il y aurait un énorme blanc : on ne dit rien de cet homme entre sa naissance et sa mort. C’est une profession de foi : la vie publique de Jésus telle qu’elle s’exprime à travers les enseignements transcrits par les Évangélistes n’en fait partie car elle ne fait pas débat dans son principe. Certains se sont étonné que les lettres de st Paul par exemple n’en fassent quasiment pas mention. Seules importent sa naissance, sa mort et sa résurrection qui forment le cœur de la foi chrétienne indissociablement, le reste étant donné de surcroît.
Mais alors que vient faire ici la mention « sous Ponce Pilate » ? Passons pour le moment sur le fait que selon les versions et les traductions, la mention est accolée seulement au « a souffert » et plus au « a été crucifié » de la version latine originelle, toujours à la forme passive, pas plus qu’au « il est mort ». Pourquoi le chrétien devrait-il confesser Jésus « sous Ponce Pilate » ?
Nous ne savons pratiquement rien du personnage sauf qu’il était « préfet » de Judée à l’époque présumée des faits. Pourquoi l’Église, sur un fondement aussi insigne, en aurait-elle fait un nom connu de milliards de personnes qui ne savent strictement rien du Pilate de l’histoire ni à ses débuts ni aujourd’hui pour les siècles des siècles ? Pilate, placé en parallèle avec la Vierge Marie dont l’historien ne dit rien, comme si les deux ignorances se répondaient l’une l’autre. Ce seul nom suffirait à la foi. Inutile de creuser.
Tout ceci irait tranquillement de soi comme il en va depuis deux mille ans (1 500 comme on le verra plus loin) sauf qu’à force, de plus en plus, l’on récite dans les églises et l’on enseigne dans les catéchèses des symboles des apôtres singulièrement raccourcis. Le plus souvent on passe sans cligner sur la définition de l’Esprit Saint, trop théologique, trop abstraite. Mais il n’est pas rare que l’on saute la mention de Ponce Pilate. Par exemple on dira : « Il a souffert sa passion, est mort et le troisième jour est ressuscité. » Exit aussi par la même occasion la descente aux Enfers puisque cette catégorie antique ravalée au rang de mythe n’a plus aucun sens pour nos contemporains (qui confondent d’ailleurs le simple séjour des Morts, l’Hadès ou le Schéol et l’Enfer des damnés).
La mention de Ponce Pilate est-elle constitutive de la foi chrétienne et donc son omission un élément qui jette le doute sur celle-ci ? Peut-on s’en passer sans remettre en cause tout ou partie de la théologie ? Qu’est-ce que l’on manque en ne déclinant pas solennellement son nom ? En d’autres termes de quoi Pilate est-il le signe ?
À l’origine, cette enquête de pratiquement toute une vie ne vaut que pour moi, depuis le premier communiant jusqu’au pied de la tombe. Historien je le fus du siècle dernier et non de l’Antiquité gréco-latine. Juriste je n’ai jamais pratiqué le droit comme avocat ou magistrat et ne me suis donc attaché à rejouer ce qu’on a appelé le procès de Jésus (comme Jean-Marc Varaut en 2004 ou Raphaël Draï en 2014). Diplomate de carrière, fonctionnaire de l’État, je l’ai été dans une époque post-impériale, post-coloniale. Catholique romain, simple fidèle, catéchisé avant Vatican II, j’ai été élevé plus dans la tradition que par le Livre. Le lecteur voudra bien excuser les grandes libertés que je prends avec la théologie ou l’exégèse, autorisées en l’occurrence par la quasi-inexistence des sources historiques, les rares existantes, y compris les Évangiles en tant que récits historiques, Flavius Josèphe ou Philon d’Alexandrie, et même Tacite, étant sujettes à critique et ne devant pas être considérées comme littérales.
(à suivre)