Politesse et grossièreté. - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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Politesse et grossièreté.

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« Quiconque . . . dit à son frère : ‘Crétin‘ il en répondra au Sanhédrin ; et s’i lui dit : ‘Renégat‘ il en répondra dans la géhenne de feu » [Mt 5 21-22].

On peut dresser une liste des vices et vertus attribués à autrui. D’une part, la brutalité — y-compris le meurtre. D’autre part la courtoisie. Entre ces extrêmes se trouvent divers degrés de comportements, de vertus. La politesse, mot de racine latine, désigne l’autre extrémité de cette liste. On peut bien rire des ‘leçons de politesse‘, mais une telle idée est parfaitement fondée. Et notre société gagnerait grandement si nos établissements scolaires insistaient sur la politesse au lieu d’être de simples écuries.

Les niveaux sont comparables à ceux de la construction. L’entrepreneur commence par l’ébauche de son ‘produit‘. Puis il le complète, et procède aux ‘finitions‘. Essayez de mettre la touche finale après les premiers travaux d’aménagement d’une salle de bains, et vous saisirez comment on peut s’améliorer pour acquérir les qualités nécessaires à la politesse.

Pour le moins, on s’efforce d’éviter les paroles éventuellement et inutilement blessantes. Disons ‘gentillesse‘ Si vous n’avez rien de bon à dire ne dites rien du tout. Contrôlez vos paroles. Mordez-vous la langue. Maîtrisez-vous . . . .

La pléthore de proverbes et dictons à ce sujet en montre l’importance, en tout temps, à présent comme naguère. D’évidence, il y a un lien avec la discrétion et la prudence qui s’imposent en ce domaine. Il faut pour le moins une réflexion approfondie pour combler le vide entre ce qui vient à l’esprit et ce qu’on pourrait dire, comme si on s’exprimait selon des mots convenus.

Chaque qualité a vraisemblablement sa contrefaçon, par exemple la flatterie est une contrefaçon de l’affection. À présent l’approbation sympathique de l’opinion de chacun passe pour une telle gentillesse. Mais l’approbation de l’opinion de chacun étant relative ne saurait entrainer une action rationnelle — et peut même camoufler une grande grossièreté..

On peut alors dire ‘raffinement‘. En ce cas, on ne se retient pas seulement de choquer ou de peiner, on tente de mieux orienter les interlocuteurs, les aidant à éprouver une certaine satisfaction sans se rendre compte de ce qu’il advient. Par exemple, vous exprimez un vœu selon les circonstances appropriées — au lieu d’une simple directive. Ou bien, une remarque pleine d’humour, chargée de bonne volonté, ‘corrige le tir‘ sans le moindre côté offensant.

On constate que le raffinement peut compliquer le langage. Un comportement raffiné entraîne un langage consciemment raffiné. Un simple exemple : « rangez ces cartons» ne nécessite que le mode Impératif.Mais la phrase « À mon avis cette pièce aurait bien meilleur aspect si ces cartons étaient rangés. » comporte une supposition, une construction grammaticale et une conclusion.

La politesse n’est guère qu’une forme de raffinement. Mais elle se révèle lors d’un échange réciproque si votre interlocuteur est également raffiné, et si chacun éprouve du plaisir dans la réciprocité du raffinement de chacun. Tout comme, au tennis, la courtoisie consiste simplement à entretenir le jeu de la balle : et la politesse consiste à répondre par la votre à l’habileté de votre adversaire afin de soutenir le jeu. C’est grâce à la politesse qu’on répond à l’excellence d’autrui et non seulement aux circonstances ou au déroulement du jeu.

Dans Le Comte de Monte Cristo d’Alexandre Dumas, un magistrat arrogant et sans-cœur (Villefort) rend visite au Comte, essentiellement par obligation, pour le remercier d’avoir sauvé son fils. « l’immense service que vous avez rendu hier à mon épouse et à mon fils — dit-il — me met dans l’obligation de vous remercier. Je viens donc à vous par le devoir de vous exprimer ma gratitude.. »

Discours poli, mais qui ne vient pas d’un personnage poli. Villefort ‘affiche‘ son propre savoir-vivre — dirions-nous — inconvenant en l’occurence. De surcroît il tente de mettre le comte dans l’embarras.

Le comte le mesure et soutient son honneur avec une immense politesse : « Monsieur, je suis heureux d’avoir pu sauver un fils à sa mère, car selon l’opinion universelle le sentiment d’amour maternel est le plus grand de tous ; et mon plaisir, Monsieur, vous dispensait de votre démarche qui, certes, m’honore, sachant que Monsieur de Villefort n’est guère prodigue de l’honneur qu’il me porte, mais, quelque en soit le prix, n’égale pas mon propre sentiment de satisfaction personnelle.

Dumas nous dit que Villefort « fut saisi par ce trait inattendu, réagissant comme un soldat touché par une épée sous son armure. » On pourrait passer un bon bout de temps à analyser la réponse du Comte. Remarquons comme il parle de l’amour de la mère, non du père. Il cite Villefort à la troisième personne, simple obligation légale en réponse à sa démarche. C’est par l’exagération qu’il réduit la portée de son propos (votre démarche qui, certes, m’honore) ; et il sous-entend une idée philosophique (n’égale pas mon propre sentiment de satisfaction personnelle).

Le dialogue révèle aussi que tout comme notre douteuse ‘civilité‘ la politesse ne peut porter toutes les qualités. Mais il en est une parmi bien d’autres. En fait, Dumas nous dit que Villefort n’estimait pas Monte Cristo comme un homme plein de civilité. Le démoniaque Villefort pouvait être civil, comme tous les flatteurs.

Rappelons que Monte Cristo connut un succès fabuleux lors de sa première,parution en feuilleton. Alors que je lisais Monte Cristo à mes jeunes enfants l’été dernier, même la benjamine, six ans, écoutait avec attention. Comme les plus grands, elle est fascinée. Comme les autres elle trouve le langage attachant. Qu’en serait-il si on pensait et parlait de même ? Pouvons-nous tenter de penser, de parler ainsi ? Pouvons-nous aspirer à la politesse comme à un sport ou de la musique ?

8 Août 2019

Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/08/08/of-politeness-and-brutalism/

Photo : Alexandre Dumas, père