Lorsque la Cour Suprême rendit sa sentence favorable au « mariage pour tous », un ecclésiastique de haut rang déclara que c’était désormais « la loi de la nation. » Une déclaration pas tout-à-fait combattive… Une complaisance ? plutôt une menace envers la morale et la vie spirituelle, et envers la démocratie (ou, si vous préférez, envers une « république démocrratique ») qui ouvre la porte aux tentations. Quand un comportement devient légal selon les règles démocratiques on a en quelque sorte tendance à abandonner notre droit à en juger la conformité à la morale. Ou si nous portons un jugement, que ce soit « en douceur » ; sinon, on sera critiqué pour s »être érigé en juge, rigide ou intolérant.
L’approche « Comparer et soupeser » qu’on a enseignée à beaucoup d’entre nous en classe d’Anglais est à mon avis fort utile pour mettre à mal de telles idées d’indulgence. C’est pourquoi j’ai formulé dans mon bulletin paroissial une comparaison du Planning Familial avec l’organisation terrorriste « État Islamique ». « E.I. » décapite des chrétiens, le Planning Familial décapite des enfants à naître. Mais la comparaison n’a pas reçu bon accueil de tous.
Le calife Abū Bakr al-Baghdādi
Une charmante paroissienne, très au fait de la politique, bien que se déclarant « Pro-Vie » et opposée aux pratiques du Planning Familial, a protesté. À mon avis, elle représente bien nombre de catholiques pratiquants — disons « Bons Catholiques ». Un paroissien « Bon Catholique » suit en général l’enseignement de l’Église et déplore qu’une grande part de notre culture populaire et de notre système judiciaire soit devenue incompatible avec la foi Catholique. (Une bonne proportion de notre clergé, prêtres et évêques est du modèle « Bons Catholiques »). Il y a là bien de l’indulgence et même de l’indifférence envers des maux aussi graves.
Elle m’a livré une impression à propos des nombreux lecteurs du bulletin paroissial qui ont sursauté en le lisant, bien qu’elle n’en eût pas les mêmes idées. Elle est toujours impatiente de lire mes bulletins, mais a trouvé que la comparaison de « Planning Familial » avec un organisme terrorriste était excessive. D’habitude, c’est moi qui prononce les homélies, mais alors, c’était son tour : «essayez d’être un peu gentil.»
Les femmes qu’elle rencontre lors de réunions professionnelles, me dit-elle, sont souvent surprises en apprenant son opinion « Pro-Vie ». Les femmes « Pro-Vie ». voyez-vous, peuvent bien être admises dans la bonne société pourvu qu’elles gardent leur opinion pour elles. De plus, ajouta-t-elle, l’avortement est malheureusement légal. (Elle connaît personnellement la Directrice du « Planning Familial », et la trouve très sympathique.) Et le « commerce de pièces détachées » de bébés (à des prix normalement négociés) est, dans notre pays, également légal. La comparaison avec l’État Islamique est donc trop brutale pour être valable.
J’ai alors choisi de soupeser « Planning Familial » et « É.I. ». Ma paroissienne me faisait remarquer que « Planning Familial » pratique les avortements en toute légalité. Même la vente d’organes est légale pourvu qu’elle n’apporte aucun bénéfice. Les bébés décapités ne sont pas nés, ne sont pas encore des citoyens, n’ont pas le droit de vote — par conséquent ils n’ont aucun droit.
Une femme enceinte ne peut obtenir aucune déduction fiscale sur les tissus de son fœtus.
« É.I. » décapite des êtres humains, venus au monde et citoyens de leur pays d’origine. Leurs droits sont violés quand « É.I. » les décapite ou les crucifie. Contrairement à la pratique de « Planning Familial », les corps mutilés sont généralement exposés en public en exemple pour les autres. Des différences sensibles.
Margaret Sanger, fondatrice du « Planning Familial »
Alors, si je persiste à comparer « Planning Familial » et « État Islamique » il faudra modifier quelques points. « É.I. » devrait fonder un califat légal pour figurer légitimement dans le concert des nations. « É.I. » devrait codifier les fatwahs ad-hoc (par des imams qualifiés) dans le contexte de la charia, autorisant les décapitations et garantissant qu’elles sont effectuées « en sécurité, légalement, rarement ». Les corps décapités ou crucifiés ne devraient pas être exposés par « É.I. » et, selon l’exemple du « Planning Familial », seraient proposés à la vente pour des chercheurs à des prix raisonnables évitant tout trafic abusif.
Finalement, il serait utile que « É.I. » organise son califat en y incluant une Cour Suprême — ou, si vous préférez, un Conseil Suprême du Djihad. À l’aide d’un ou deux arguments juridiques apaisants, ouverts et non discriminatoires, les décapitations pourraient se perpétuer, en toute légalité et sans contradiction.
Les sages paroles judiciaires du Juge Kennedy seraient une bonne base : « Au cœur de la liberté se trouve un droit de définir sa propre conception de l’existence, de la compréhension, de l’univers et du mystère de la vie humaine.» C’est précisément le narcotique intellectuel pour clore le discours qui ose comparer et soupeser. Le monde pourrait se soumettre à ce charmant et gentil « État Islamique.
Flannery O’Connor [Romancière du Sud des États-Unis, XXème siècle] justifiait l’usage du bizarre et du choquant comme destiné à heurter la tranquillité morale et intellectuelle du lecteur. Son récit « A good Man is Hard to Find » [Un brave homme est rare] heurte le lecteur avec le meurtre de sang-froid d’une grand’mère par un déséquilibré psychotique.
Dans le dialogue précédant le meurtre, l’adorable grand’mère, incapable de reconnaître le mal devant ses yeux, appelle le déséquilibré « mon enfant ». Son calme intellectuel et spirituel lui coûtera la vie. L’assassin a le dernier mot : « Elle parlait trop, n’est-ce pas ?» Bobby Lee s’en va doucement en chantonnanr. « Elle aurait pu être une brave femme, dit ce déséquilibré, s’il y avait eu près d’elle quelqu’un pour la fusiller à chaque instant de son existence.»
Eh bien, je me contenterai de tirer mes rafales de métaphores dans mes bulletins hebdomadaires. Et comme je ne songe pas encore à changer, je pense continuer à faire sursauter. J’imagine que je peux passer pour un déséquilibré. Mais ceux qui se sentent trop à l’aise courent un réel danger spirituel.
11 novembre 2015.
Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/11/11/planned-parenthood-compare-and-contrast/
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