La création d’un fonds commun de placement éthique pour les diocèses de France attire l’attention sur la question des fonds éthiques, voulant concilier finance et morale.
Lors de la réunion de mars 2008 de la Conférence des évêques de France, a été proposé aux 95 diocèses de France un FCP (Fonds commun de placement) éthique. Depuis, il semble qu’un tiers des diocèses ait recouru à cette forme de placement. Il est question de 4,6 millions d’euros, pour l’instant. Les diocèses ont des ressources limitées, venant de la générosité des fidèles : il est normal qu’elles soient gérées avec rigueur et donc placées en attendant leur affectation, en banque ou en bourse ; un fonds commun de placement permet de limiter les risques, en diversifiant le portefeuille de titres.
Mais il est aussi naturel que les diocèses ne veuillent pas gagner de l’argent à n’importe quel prix. Tous les placements ne se valent pas d’un point de vue éthique, même si, bien entendu, le rendement ne doit pas être oublié : il ne faut pas gaspiller l’argent des fidèles par des placements peu judicieux ou trop risqués. Mais il ne faut pas perdre son âme. C’est là que les placements éthiques peuvent être une solution conciliant rendement légitime et préoccupations morales. JEAN-PAUL II nous a dit dans Centesimus annus (§ 36) que « le choix d’investir en un lieu plutôt que dans un autre, dans un secteur de production plutôt qu’en un autre est toujours un choix moral et culturel ».
Les premiers placements éthiques sont nés aux Etats-Unis, de la volonté de certaines communautés religieuses d’écarter des placements jugés immoraux (dans un secteur comme l’alcool, les jeux de hasard ou les ventes d’armes). Depuis, on examine plutôt la situation éthique de chaque entreprise, grâce à des institutions spécialisées dans leur notation éthique. A partir de ces notations, les institutions financières proposent des placements éthiques à leurs clients.
Bien entendu, tout dépend de ce que l’on considère comme éthique, ce qui n’est pas simple, dans un monde qui perd ses repères, très éclaté dans sa conception du bien et du mal. L’un considérera que les questions d’environnement sont d’ordre éthique, l’autre que c’est une question économique, liée à une bonne définition des droits de propriété. Un autre sera plus sensible aux questions sociales, au travail des enfants ou à l’absence de discrimination, etc. Les évêques, bien sur, ont voulu que leurs placements soient conformes à la morale chrétienne : pas question, pour prendre un exemple, d’investir dans des laboratoires pharmaceutiques vendant des pilules abortives. Mais tous les choix ne sont pas aussi évidents et dans une entreprise il arrive que le bon grain et l’ivraie se mélangent : les choix moraux, en matière financière, sont souvent complexes et nul n’est à l’abri d’une erreur.
Au-delà de ces difficultés, il y a les nécessaires rappels à la prudence (la bourse est indispensable au financement des entreprises, mais les épargnants doivent s‘y aventurer avec discernement). Mais surtout, au-delà du cas de la conférence épiscopale, l’essentiel est de réaliser que ce sont les hommes qui sont responsables de la moralité des choix. Ce n’est pas le marché qui est immoral ; c’est l’homme qui est pécheur. Le marché ne fait que refléter nos libres choix. D’où l’importance d’une éducation à la compréhension des mécanismes économiques et à la liberté responsable. Si l’on veut une économie plus morale, il faut éduquer les hommes, pour les rendre plus sensibles au bien.
Jean-Yves NAUDET