Philippines : les chrétiens de Jolo vivent toujours dans la peur - France Catholique
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Philippines : les chrétiens de Jolo vivent toujours dans la peur

Plus d’un an après le meurtre du Père Reynado Jesus Roda, la situation de l’Église ne s’est toujours pas améliorée dans le vicariat apostolique de Jolo, au sud des Philippines. Les chrétiens continuent d’y être les victimes d’exactions de la part des extrémistes musulmans.
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Par Eva-Maria Kolmann et Mario Bard, AED

Avec l’enlèvement de trois travailleurs étrangers de la Croix Rouge, l’actualité internationale nous rappelle que la situation demeure extrêmement difficile sur l’île de Jolo. En entrevue avec l’organisme international de charité catholique, Aide à l’Église en Détresse (AED), l’évêque local, Mgr Angelito Lampon, a indiqué que les chrétiens de la région vivaient toujours dans la peur, spécialement sur l’île de Tabawan, où le Père Roda a été assassiné il y a plus d’un an. Si le climat actuel est « relativement paisible », c’est uniquement parce que des unités de la marine y sont stationnées, estime l’évêque. Autre signe du danger pour les chrétiens : les prêtres qui, dans le passé, avaient refusé que des forces de sécurité patrouillent auprès d’eux (car ils trouvaient cela incompatible avec le témoignage chrétien), ont peu à peu saisi, vu les circonstances, qu’ils n’avaient pas le choix.

Les activités de l’Église sont également limitées parce que les gens doivent rentrer chez eux avant la tombée de la nuit, sinon, il devient trop dangereux de circuler. Cette situation vaut également pour les manifestations pastorales et liturgiques, les baptêmes, les mariages et les funérailles, ainsi que pour les rencontres de laïcs. Autre fait troublant : il y a régulièrement des enlèvements, et ceux-ci ne touchent que les chrétiens. Mgr Lampon fait d’ailleurs remarquer qu’aucun musulman n’a été kidnappé en échange d’une rançon. D’autres graves exactions ont également eu lieu. Le mois dernier, trois obus de mortier ont été tirés à Jolo: l’un a tué plusieurs hommes, tandis qu’un autre a endommagé le toit de la salle de gymnastique de l’école pour garçons des frères Maristes. Le dernier obus est tombé près de la troisième brigade de marines qui se trouve non loin de la résidence de l’évêque. À de multiples reprises, il a fallu évacuer les gens la nuit vers des lieux plus sûrs, entre autres, dans les salles de classe de l’école catholique Notre-Dame.

Continuer, malgré tout

Malgré tout, Mgr Lampon voit du positif dans cette situation difficile : « Nous sommes contraints de prendre au sérieux notre foi. Quoi qu’il arrive, Dieu est là pour nous. La foi n’est plus seulement une affaire de messe dominicale, elle ne se limite pas non plus à demander dans des neuvaines ce dont nous avons besoin. C’est une expérience, vécue au quotidien, de rencontre avec Dieu, dans les événements de chaque jour. »

Il y a également différentes activités pour promouvoir la paix, et des actions communes entre chrétiens et musulmans. Si la relation entre l’Église et les autorités locales est « excellente », il y a de fortes résistances de la part de « petits groupes de fondamentalistes musulmans ». De plus, le dialogue est rendu plus difficile, parce que les mosquées sont toutes indépendantes les unes des autres, et que les musulmans n’ont donc pas de représentants tels qu’on en trouve dans l’Église catholique, malgré le fait qu’il existe une association de Oulémas au Philippines. Mgr Lampon fait par ailleurs remarquer qu’il est nécessaire, non seulement d’arriver à une résolution rapide du conflit, mais aussi à un changement durable qui prenne en compte les causes sociales des conflits. Selon lui, il y a des structures relationnelles plus profondes, des valeurs culturelles et religieuses et des attitudes intellectuelles qui doivent être abordées.

Le vicariat de Jolo regroupe la province de Sulu au sud des Philippines ainsi que 457 îles de l’archipel de Tawi-tawi. Dans cette région, les catholiques représentent une proportion d’un peu plus de trois pour cent de la population à majorité musulmane. Les îles de Jolo et Basilan sont considérées comme la base des combattants du groupe Abu-Sayyaf, qui se qualifient eux-mêmes de guerriers de l’Islam, mais qui sont considérés comme des terroristes et des criminels ordinaires par la communauté internationale et la population philippine.

Le 15 janvier 2008, un prêtre philippin, le Père Reynado Jesus Roda, a été abattu par des musulmans armés. Il est le troisième prêtre assassiné dans la région au cours des onze dernières années. Regina Lynch, directrice des projets l’AED estime « regrettable que l’attention des médias ne soit pas attirée lorsque ce sont des ressortissants locaux qui sont enlevés » ou tués. À « l’Aide à l’Église en Détresse, nous appelons les Hommes du monde entier à ne pas oublier les chrétiens opprimés de Jolo ! »