Philippe Chenaux, nos années communistes - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Philippe Chenaux, nos années communistes

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Philippe Chenaux, comme historien, assume à mon sens une tache assez redoutable. Celle de déchiffrer un passé encore vibrant, puisqu’il se situe à la limite de notre présent. C’est vrai de la question Pie XII, on le comprend depuis plusieurs semaines qui est extraordinairement passionnelle et on sait pourquoi. C’est vrai aussi du sujet de son dernier livre, dont toute une partie correspond pour moi à du vécu, à des personnages que j’ai connus, à toute une dramatique que je pourrais dire sans exagération inscrite dans mes fibres.

J’étais un gamin à la mort de Staline, dont je me souviens très bien, même si je ne suis pas sûr d’avoir photographié sur le moment les pages barrées de noir de L’Humanité, le quotidien du parti communiste qui n’avait pas grand chose de commun avec le journal des paisibles militants avec qui il m’arrive d’échanger amicalement aujourd’hui. Surtout, je pourrais presque témoigner sur bien des aspects du dossier rassemblé par Phillippe Chenaux. Dans les années 50, j’ai connu quelques-uns de ces prêtres ouvriers qui eurent maille à partir avec Pie XII et je puis assurer qu’à l’époque ce que le cardinal Decourtray appellera plus tard la connivence avec le communisme n’était pas un mot usurpé.

Oh, je ne veux ouvrir aucun procès, même historique ! J’ai d’ailleurs gardé rétrospectivement de l’amitié pour ces hommes à la générosité surprenante. Parmi les personnages évoqués par Philippe Chenaux, je pourrais rappeller certainEs figures, telle celle de l’abbé Jean Boulier. Un orateur extraordinaire qui en remontrait à Maurice Thorez dans les meetings du Parti Communiste. Ce brave abbé, interdit par le cardinal Feltin pour activité communiste, avait la caractéristique d’être d’extrême-gauche sur le terrain politique et traditionaliste sur le terrain religieux. Il persistait à célébrer la messe tridentine après la réforme liturgique, tout en poursuivant son engagement militant avec les amis de Georges Marchais. J’aurais aussi beaucoup à dire sur l’étrange attirance – du moins à mes yeux, un demi siècle après – entre intellectuels chrétiens et marxistes. Ma jeunesse a été bercée par l’obsession du dialogue entre les uns et les autres.

Tout changea brusquement dans les années 70, surtout avec la révélation de Soljenitsyne. Etrange époque! 68 avait été marqué par un regain de marxolatrie. On parlait marxien partout. Mais Clavel ne s’y était pas trompé ; c’était la fin! Jean-Paul II arriva là-dessus pour consacrer en quelque sorte Soljenitsyne. Phillippe Chenaux montre bien comment le Pape venu de l’Est, mais qui était du côté des dissidents, des résistants au système, négocia sans trop de mal la fin de l’Ostpolitik du Cardinal Casaroli qui avait consisté en un rapprochement réaliste du Vatican avec les régimes de l’Est. Le pape polonais, nous dit Philippe Chenaux « se voulait porteur, en tant qu’enfant de la nation polonaise, et fils spirituel du concile Vatican II, d’un dessin stratégique révolutionnaire, que les circonstances allaient lui permettre de réaliser contre toute attente. » Oui, avec ce pape c’est l’histoire même qui allait changer pour ouvrir les portes de notre nouveau siècle.

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Philippe Chenaux : «L’Église catholique et le communisme en Europe (1917-1989), De Lénine à Jean-Paul II. »

http://www.editionsducerf.fr/html/fiche/fichelivre.asp?n_liv_cerf=8536

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http://www.radionotredame.net