Philémon et l'homme nouveau dans le Christ - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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Philémon et l’homme nouveau dans le Christ

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L’autre jour, un ami protestant a fait une observation intéressante à propos de l’épître à Philémon de saint Paul. Cette lettre est souvent considérée comme gênante, car il semble que Paul ait renvoyé un esclave échappé nommé Onésime à son maître, un responsable de l’église de Colosse nommé Philémon. Beaucoup demanderont : « comment Paul a-t-il pu renvoyer un esclave à son maître, pourquoi n’a-t-il pas interdit catégoriquement l’esclavage ? ». Bien certainement, des érudits modernes répliqueront que Paul étant un homme de son temps, ne comprenait pas combien l’esclavage était horrible. Nous autres, vivant comme nous le faisons en des temps plus éclairés, avons des lumières qui lui manquaient. Cela pourrait être vrai – nous avons tous nos aveuglements – mais je préfère penser le meilleur des gens, surtout quand ils étaient des saints écrivant des textes sous l’inspiration du Saint-Esprit. Cela semble plus sûr. Voici ce qu’écrit Paul : Bien qu’étant suffisamment audacieux dans le Christ pour t’ordonner ce qui est requis, pourtant, dans l’intérêt de l’amour, je préfère te prier – moi, Paul, qui suis un vieil homme, et actuellement également en prison pour le Christ – je te prie pour mon enfant Onésime, dont je suis devenu le père dans ma prison. Auparavant, il t’était inutile (NDT : jeu de mots sur le prénom Onésime, « utile »), mais maintenant il nous est vraiment utile à toi comme à moi. En te le renvoyant, je t’envoie mon propre cœur. J’aurais été heureux de le garder auprès de moi, pour qu’il me rende des services en ton nom durant mon emprisonnement pour l’évangile mais j’ai préféré ne rien faire sans ton consentement, pour que ta bonté ne soit pas contrainte mais octroyée librement. S’il a été éloigné de toi pour un peu de temps, c’est peut-être pour que tu le retrouves définitivement, non plus comme un esclave mais comme plus qu’un esclave, comme un frère bien aimé – spécialement pour moi mais combien plus pour toi, à la fois selon la chair et dans le Seigneur. Donc, si tu penses être en communion avec moi, reçois-le comme tu m’aurais reçu moi. S’il t’a causé du tort ou s’il te doit quelque chose, mets-le sur mon compte. Paul, prisonnier pour le Christ, exhorte Philémon de ne pas emprisonner son « enfant bien aimé », Onésime, dont il est devenu père durant son emprisonnement. Comme esclave, il était « sans utilité » pour Philémon. Maintenant, revenant non comme esclave, mais comme frère, il peut être utile à tous les deux – non plus en portant le fardeau de leurs possessions terrestres inutiles, mais en les aidant à porter la croix qui mène au salut éternel. « Reçois-le comme tu m’aurais reçu » dit Paul, un homme habitué à demander aux autres qu’ils le reçoivent comme ils auraient reçu le Christ. Si recevoir Paul c’est recevoir le Christ, et si recevoir Onésime c’est recevoir Paul, alors Philémon devrait recevoir Onésime comme s’il recevait le Christ, Lui qui « s’est dépouillé de sa divinité », a lavé les pieds de ses disciples et leur a dit : « je suis parmi vous comme celui qui sert ». Ainsi le premier doit se faire le dernier, et qui souhaite être le maître doit se faire le serviteur de tous. « S’il t’a causé du tort ou s’il te doit quelque chose » dit Paul à Philémon, « mets-le sur mon compte. » Paul a-t-il besoin d’ajouter quoi que ce soit pour rappeler à Philémon la dette qu’il a, non seulement envers Paul mais envers Dieu – une dette payée en totalité par le Christ ? Paul sait que, en vertu de ce que Philémon lui doit, il pourrait simplement lui donner un ordre. Mais alors Philémon ne donnerait pas librement, et Paul connaît la différence entre une obéissance extérieure à un commandement et ce que c’est de devenir « un homme nouveau », inspiré par un don d’amour gratuit. Alors oui, Paul renvoie Onésime à Philémon, mais non plus comme un esclave mais comme un « frère » – un frère dans le Christ. Les bases de leur relation ont été entièrement transformées, et Paul a semé les graines de l’abolition de l’esclavage, non pas en rédigeant un pamphlet pour diriger d’en haut la mise en pratique du pouvoir politique mais en cherchant à changer les cœurs et à faire lever la pâte de l’intérieur. Plantons la semence dans cette unique maisonnée grâce à cette unique relation et laissons la vie nouvelle grandir et se répandre à partir de là. Peu importe si nous pensons « imparfaite » la réponse de Paul au problème de l’esclavage, ne devons-nous pas faire face à des problème similaires dans notre monde actuel ? Il existe des institutions que nous savons étaler la déréliction de la condition humaine et cependant nous n’avons ni le pouvoir ni l’autorité pour les abolir : des bureaucraties qui rabaissent les gens plutôt que les valoriser, des structures économiques qui enrichissent une minorité et laissent les pauvres sans minimum vital, des mécanismes financiers qui protègent les gens des conséquences morales de leurs investissements. Et pourtant, pourrions-nous nous passer des fonctions d’organisation procurées par les institutions bureaucratiques ? Comment pourrions-nous restructurer notre économie et réorganiser notre marché boursier pour les faire servir plus fidèlement au bien commun ? Il est facile de critiquer les maux du passé, plus difficile d’imaginer comment réformer les éléments problématiques de notre propre système sans introduire des maux plus grands encore que ceux auxquels nous devons faire face aujourd’hui. Ne devrions-nous pas nous voir nous-mêmes en saint Paul ? Il ne pouvait par lui-même réformer l’Empire Romain tout entier, ni convaincre tout un chacun de renoncer à l’institution de l’esclavage. Que fallait-il faire ? Si nous ne pouvons pas faire beaucoup plus, nous pouvons toujours planter des graines et faire confiance à Dieu pour leur donner la croissance. Etre disposé à faire des sacrifices pour l’Evangile et considérer les autres, non plus comme des « maîtres » et des « esclaves », des « riches » et des « pauvres », des « faibles » et des « puissants », mais comme des « frères dans le Christ ». Nous ne pouvons pas sauver le monde entier ; c’est le travail de Dieu. Mais si nous aimons les autres comme le Christ, nous plantons des graines spirituelles et nous ouvrons pour les générations futures des perspectives qui sont actuellement fermées à la réflexion humaine. Nous devons avancer par la foi et non par la vue, fidèles à l’évangile qui nous a été confié, même quand il semble bizarre ou scandaleux ; tout comme Philémon a très certainement été choqué quand il a ouvert sa porte et découvert le cadeau de Paul : un ancien esclave devenu un nouveau frère.
Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/01/07/philemon-and-the-new-man-in-christ/ Randall B. Smith est professeur de théologie à l’université Saint Thomas à Houston. Illustration : le martyre de saint Onésime dans le Ménologe de Basile II, vers l’an 1000 [bibliothèque du Vatican]