Le père Louis Bouyer, qui fut un des grands théologiens catholiques du XXe siècle, était d’origine protestante. Il avait même été ordonné pasteur, avant d’entrer dans l’Église catholique romaine et d’être ordonné prêtre chez les religieux de l’Oratoire. On lui doit un des témoignages les plus profond sur le sens de cette démarche, où il ne reniait rien de ce qu’il avait reçu, car il avait trouvé l’accomplissement de sa foi, riche de son enracinement chrétien. On ne s’étonne pas que Louis Bouyer se soit trouvé proche de son grand prédécesseur le cardinal Newman, dont il écrivit sans doute la meilleure biographie, en raison de son empathie spirituelle. Pourtant, déjà à son époque, il avait noté, de la part de son entourage catholique, notamment parmi les théologiens, une certaine gêne à son égard. Gêne, que paradoxalement ne partageaient pas ses anciens compagnons protestants. C’est que l’esprit œcuménique, qui commençait à se répandre, avait changé les mentalités, en combattant l’intransigeance d’autrefois, mais au prix, sinon d’un certain relativisme théologique, du moins de la crainte de blesser les autres chrétiens à travers l’affirmation d’une démarche de « conversion ».
C’est une expérience de ce type que confie à notre confrère Henrik Lindell, l’ancien pasteur évangélique Ulf Ekman1, lui-même entré dans l’Église catholique au terme d’une vie apostolique particulièrement fertile, puisqu’il fut le fondateur d’un réseau de communautés, réunissant plus de 250 000 fidèles grâce à son charisme de prédicateur, lui qui fut le plus célèbre des évangéliques en Suède, son pays d’origine, dans l’ensemble de la Scandinavie, et bien au-delà. Lui, qui avait manifesté contre la venue de Jean-Paul II à Stockholm autrefois, est reçu aujourd’hui fraternellement par François, qui s’inquiète d’ailleurs du sort de l’ancienne communauté du nouveau catholique, tout en le bénissant avec son épouse, qui a suivi le même itinéraire. Pour autant, Ulf Ekman se veut tout à fait œcuménique. Il ne délaisse nullement ses amis d’hier, qui partagent avec lui une même foi au Christ. Mais l’Église catholique, selon son expression, donne quelque chose de plus. Elle constitue un accomplissement qui permet d’accéder à l’héritage plénier de la tradition chrétienne, surtout grâce aux sacrements. Ce qu’il n’admettait pas autrefois, la piété mariale, le ministère pétrinien, il le comprend aujourd’hui dans une lumière supérieure. Il faut lire le témoignage d’Ulf Ekman, qui nous permet de saisir, en plus, ce qu’il en est du protestantisme évangélique et de son avenir.
Pour aller plus loin :
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- La pertinence de Newman