Petits-enfants non baptisés, Bonheur naturel et Limbes - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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Petits-enfants non baptisés, Bonheur naturel et Limbes

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Aujourd’hui, inévitablement, il y a beaucoup de grands-parents qui ont élevé leurs enfants dans la foi, mais qui ont des difficultés à encourager le baptême de leurs petits-enfants après que leurs propres enfants ont quitté l’Église.

En attendant, les grands-parents sont souvent mobilisés pendant des jours – peut-être des mois ou des années – pour du baby-sitting : ils doivent changer les couches, pousser la poussette, emmener les petits à l’école ou à la maternelle etc. Et sans aucun doute, beaucoup d’entre eux, avec des fils ou des filles qui ont déserté l’Église, se sont dit : « Bon, je vais simplement faire le baptême moi-même » C’est exactement ce qu’a fait, dans une situation maritale difficile, une de mes parentes.

Les catholiques individuellement peuvent licitement baptiser tout enfant en danger de mort ; mais dans les autres cas l’Église leur déconseille strictement de s’en charger. Même en danger de mort, les choses peuvent aller de travers, comme c’est arrivé en Italie en 1851 quand on a découvert qu’un garçon juif, malade, avait reçu un baptême d’urgence par un domestique de la famille.

A cause des lois italiennes de l’époque, un catholique baptisé devait être élevé par des catholiques. Pour résoudre la difficulté, le pape Pie IX décida d’élever l’enfant lui-même, causant ainsi toutes sortes de problèmes légaux. Eduardo devint finalement prêtre catholique – ce qui ne plut pas du tout aux autorités juives, et contribua certainement à créer plus tard des lois qui garantissaient que de telles choses ne se reproduiraient jamais.

Beaucoup de couples très laïcisés maintenant auraient sans aucun doute le même sentiment que ces parents juifs, s’ils pensaient que leurs propres père et mère avaient secrètement baptisé leur enfant ; des ruptures pourraient souvent en résulter. L’Église répète que le baptême n’est pas une formule magique, mais simplement le début de ce que les parents catholiques commencent à faire en élevant leurs enfants dans la foi.

Mais qu’arrive-t-il aux enfants qui meurent sans baptême ? La théologie catholique affirme généralement que le sacrement de baptême, régulièrement administré, efface le péché, et crée une « marque » spéciale dans l’âme de celui qui le reçoit, rendant possible pour eux d’être reçus dans la vie surnaturelle (I.E. la vision béatifique) s’ils meurent en état de grâce.

Alors qu’arrive-t-il aux enfants nés avec le péché originel, encore incapables de péché mortel, s’ils meurent sans baptême ? Qu’arrive-t-il à tous nos « bébés païens » modernes qui meurent sans être baptisés. Spécialement, qu’arrivent-ils aux bébés avortés ou qui meurent avant terme ?

Certaines mères chrétiennes essaient d’improviser pour les baptiser avant ou après la naissance, inventant des méthodes qui peuvent ou non être orthodoxes. Mais que dire des petits humains qui ne sont jamais baptisés ?

Sur ce sujet la tradition de l’Église est… confuse. Dans la primitive Église, jusqu’à l’époque de saint Augustin, l’Église soutenait généralement que les enfants qui mouraient sans avoir été régénérés par le baptême entraient dans un lieu de bonheur purement naturel appelé limbus infantium (« les limbes des petits enfants »).

L’opinion de saint Grégoire de Nazianze reflète l’opinion commune des Pères grecs : « Il arrivera, je crois… que les derniers mentionnés [petits enfants mourant sans baptême] ne seront ni admis par le juge juste à la gloire du Ciel ni condamnés à souffrir le châtiment, puisque, bien que non consacrés [par le baptême], ils ne sont pas mauvais… Car du fait qu’on ne mérite pas le châtiment, il ne s’ensuit pas que l’on est digne d’être honoré, pas plus qu’il ne s’ensuit que celui qui n’est pas digne d’un certain honneur mérite pour cela d’être châtié. »

Au début saint Augustin acceptait cette opinion, mais dans son opposition au pélagianisme qui soutenait que les enfants pouvaient être sauvés sans baptême, il passa à une interprétation plus littérale des passages de l’Evangile qui insistaient sur le fait que le baptême était nécessaire pour être sauvé. Il concluait qu’à cause du péché originel les enfants non baptisés partageraient le châtiment des damnés, mais seulement sous la forme la plus douce.

L’autorité d’Augustin était si grande que saint Jérôme, saint Grégoire le Grand et d’autres docteurs de l’Eglise se rangèrent à son avis.

Mais saint Thomas d’Aquin, comme d’autres scolastiques du Moyen Âge, était « mal à l’aise » avec l’opinion d’Augustin et cherchait une interprétation plus en accord avec les doctrines de la divine miséricorde.

Le principal « châtiment » subi dans les « limbes des petits enfants », soutenait-il, serait l’absence de la vision béatifique. Les petits enfants pourraient avoir une connaissance et un amour de Dieu naturels, en accord avec leurs capacités naturelles, et avoir un bonheur naturel ; mais puisque surnaturellement la vision béatifique n’était rendue possible que par le baptême, ils n’auraient pas accès à cette récompense.

Aussi n’auraient-ils pas connaissance – ou n’en sentiraient pas la perte – de la vision béatifique ; ils n’auraient aucune idée de la destinée surnaturelle dont ils manquent, puisque de telles possibilités sont au-delà des capacités de la connaissance humaine naturelle.

Aujourd’hui, l’Église en général est d’accord avec l’Aquinate, malgré quelque désaccord des théologiens qui pensent que tout homme bénéficiera de la vision béatifique. Le site du Vatican commente :


« Ce qui nous a été révélé est que la voie ordinaire du salut passe par le sacrement du baptême. [D’autres possibilités discutées par les théologiens]ne devraient pas être prises comme atténuant la nécessité du baptême ou justifiant un délai pour administrer le sacrement. Plutôt, comme nous voulons le réaffirmer en conclusion, ils fournissent des bases solides pour l’espérance que Dieu sauvera les petits-enfants quand nous n’avons pas été capables de faire pour eux ce que nous aurions souhaités faire, c’est-à-dire les baptiser dans la foi et la vue de l’Eglise. »

Donc l’Église n’offre qu’une espérance, à cause des références de l’Ecriture et des traditions constantes concernant la nécessité du baptême pour le salut.

Même s’il existe une chose comme le « bonheur naturel » des Limbes, beaucoup de laïcs, même des athées, qui sont rebutés par l’idée chrétienne du ciel comme « vision béatifique », pourraient – étrangement – préférer une vie de bonheur naturel éternel ! Mais il existe un autre problème : manger, boire, avoir des relations sexuelles, travailler ? Que penser de la réponse du Christ aux sadducéens qu’« après la mort le croyant sera comme les anges de Dieu » – sans mariage ?

Comprendre « l’espérance » des Limbes exige encore un travail théologique considérable.


Lire sur zenit : « Benoît XVI supprime le concept de « limbes » »

https://fr.zenit.org/articles/les-enfants-morts-sans-bapteme-eux-aussi-destines-au-paradis/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Limbes

Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/02/03/unbaptized-grandkids-natural-happiness-and-limbo/

Howard Kainz, professeur émérite à la Marquette University, est l’auteur de vingt-cinq livres sur la philosophie allemande, la morale, la philosophie politique et la religion et plus d’une centaine d’articles dans les revues universitaires, les magazines imprimés et en ligne, et des éditoriaux. Il a reçu une bourse universitaire NEH (National Endowment for Humanities/ Fondation nationale pour les humanités) pour 1977-8 et des bourses Fullbright en Allemagne pour 1980-1 et 1987-8. Site : Marquette University.